Logo

« Pourquoi j’suis venu dans la cuisine, au fait ? »

Ne vous inquiétez pas, vous ne souffrez pas d'Alzheimer précoce. Ça arrive à tout le monde et ça a un nom.

Par
Benoît Lelièvre
Publicité

Ça vous est probablement déjà arrivé.

Vous regardiez distraitement la télé dans le salon après une longue journée de travail, la tête encore à moitié au bureau. Vous vous rendez soudainement compte que vous avez oublié de faire quelque chose d’important. Vous vous levez et vous dirigez vers la cuisine, puis… vous farfouillez sur le comptoir, vous ouvrez la porte du frigo sans trop savoir pourquoi et vous vous demandez : « mais pourquoi j’me suis levé, au fait ? »

Vous retournez donc devant la télé en essayant de vous convaincre que si vous avez oublié, c’était probablement pas si important que ça. Au fond de vous-même, vous pensez que vous êtes en train de perdre la mémoire. Je vous rassure tout de suite : ça arrive à tout le monde.

Ces oublis inopportuns sont un phénomène psychologique bien documenté. Ça s’appelle: l’effet du cadre de porte.

Oui ! Oui ! Plein de chercheurs ont étudié ça

Ce drôle de désagrément a été nommé en 2011 à la suite d’une étude de l’Université Notre-Dame sur le sujet. L’étude en question a découvert que le cerveau rafraîchit ses souvenirs chaque fois qu’on change de pièce. Il classe ainsi les souvenirs associés à la pièce qu’on vient de quitter comme étant moins pertinents que ceux associés à la pièce où on se trouve en ce moment.

Publicité

Ça aide à retenir plus de choses en général, mais ça fait aussi en sorte qu’on a plus de difficultés à se rappeler ce à quoi on était en train de réfléchir au moment où on change de contexte.

Le cerveau classe les souvenirs associés à la pièce qu’on vient de quitter comme étant moins pertinents que ceux associés à la pièce où on se trouve en ce moment.

Mais c’est pas tout ! Une nouvelle étude s’est penchée le sujet et révèle qu’en fait, ça nous arrive principalement lorsqu’on en demande trop à notre cerveau. Vous savez, quand on peste encore après le livreur qui a fait son p’tit relou alors que sa commande est trois semaines en retard, pendant qu’on regarde la télé en lisant un article à propos du caniche de telle star sur notre tel, avec notre copain, copine, coloc, parent ou ami.e qui nous énumère une liste de huit choses à NE SURTOUT PAS OUBLIER (à partir d’une autre pièce, évidemment), il y a de bonnes chances que ce soit trop d’informations pour notre pauvre matière grise. Ça peut aussi nous arriver quand on est fatigués. Le terme exact pour ça, c’est : être en état de vulnérabilité cognitive.

Publicité

Ça sert à quoi de savoir ça ?

Essentiellement à ne pas paranoïer sur l’état de vos fonctions cognitives. Vous allez bien et vous n’avez pas besoin de prendre un rendez-vous pour vous le confirmer ou encore d’aller vous faire des peurs sur WebMD. Gardez votre argent et laissez les médecins soigner des patients atteints de la COVID-19.

Vous allez bien et vous n’avez pas besoin de prendre un rendez-vous pour vous le confirmer.

Vous allez peut-être (en fait sûrement) trouver ça con, mais une méthode pour tromper l’effet du cadre de porte a émergé de ces études. Si ce qui vous a assez dérangé au beau milieu d’un épisode de votre série préférée pour vous faire lever est SI crucial que ça, il faut orienter les pensées conscientes vers cette tâche et vers cette tâche uniquement. Donc, si vous venez de vous rappeler que vos sous-vêtements croupissent dans la machine à laver et qu’il faudrait bien les transférer dans le sèche-linge avant qu’ils pourrissent, il faut vous répéter « culotte, culotte, culotte, culotte » comme un mantra jusqu’à ce que vous rejoigniez la salle de lavage.

Publicité

Dans le fond, ça a le même but que les mantras de yoga : rattacher le corps et l’esprit ensemble. Sauf que c’est axé sur des tâches chiantes et non sur votre recherche de plénitude intérieure.

La prochaine fois que vous oubliez pourquoi vous êtes passés du salon à la chambre à coucher, rappelez-vous que tout va bien, que vous venez probablement de passer une dure journée et qu’il y a trop de détails qui dansent dans votre tête.

C’est pas parce que votre cerveau vous trahit. C’est parce que vous n’êtes pas sympa avec lui.