.png)
Pourquoi je ne donnerai pas mes ovocytes
Quand je dis que je ne veux pas d’enfant, une question ne cesse de revenir. On me demande souvent si, comme je ne souhaite pas me servir de mon utérus ni de mes ovaires, je compte faire don de mes ovocytes pour aider d’autres personnes à procréer. Il y a quelques années, je me suis alors intéressée au sujet, en me disant “oh, pourquoi pas tiens”. J’ai écouté quelques podcasts dédiés au sujet, notamment l’épisode de Bliss stories ou celui d’Arte Radio Plaisir d’offrir.
J’avoue que je n’avais jamais vraiment entendu parler de la procédure, et je n’y voyais, au départ, aucun inconvénient.
Je ne veux plus entendre parler d’hormones
En lisant et écoutant ce que signifie réellement donner ses ovocytes, j’ai commencé à déchanter. La procédure est assez longue, demande plusieurs rendez-vous médicaux sans parler de la fameuse phase de stimulation ovarienne. Je ne détaillerai pas ici le procédé entier puisque vous pouvez trouver toutes les informations sur le site de l’agence de la biomédecine, mais aussi parce que l’objectif n’est pas de vous décourager de vous lancer. Je suis, en effet, heureuse d’habiter dans un pays qui soutient désormais les personnes ne pouvant pas enfanter, qu’elles soient en couple hétérosexuelle, célibataires ou lesbiennes, à avoir un enfant via la PMA. Seulement, mon propos porte aujourd’hui ailleurs, et c’est là que j’aimerais aller grâce à cet article.
Quand les gens me demandent si, comme je ne veux pas d’enfant (et que je vais avoir recours à une ligature des trompes prochainement), je compte donner mes ovocytes, j’ai plusieurs impressions désagréables.
Comme si donner ses ovocytes, c’était comme faire un don de 5 euros à la Croix Rouge. Aussi rapide et indolore. Pour tout vous dire, j’ai tellement en horreur le fait d’imaginer avoir un jour recours à nouveau à des hormones que je préfère mille fois donner mon utérus (ce qui requiert pourtant une opération sous anesthésie générale) que donner mes ovocytes. Je n’exclus d’ailleurs pas, si la médecine évolue sur le sujet, de faire don de mon utérus un jour. La première greffe d’utérus a eu lieu récemment en France, alors, pourquoi pas.
Je ne veux pas être productive
Le second objet de mes préoccupations est tout autre. Je suis toujours surprise par cette remarque car j’ai pu remarquer que les hommes ne se voient pas sommés de donner leurs spermatozoïdes lorsqu’ils décident d’avoir recours à une vasectomie. Mon ex-mari n’a jamais entendu ce type de questions ou de remarques quand il s’est fait stériliser.
Comme si une femme se devait de passer par le fameux sacrifice du don de soi pour donner la vie, peu importe la forme que cela prend. Comme si nous devions rester productifs, mais surtout productives, même quand nous désirons ne pas embrasser le modèle dominant.
Je vous explique le fond de ma pensée. Je suis foncièrement contre le travail. Je méprise le système capitaliste dans lequel je suis forcée d’évoluer. Je hais la productivité, le progrès, le toujours-plus qui caractérise l’espèce humaine à l’ère du capitalisme. Un de mes films préférés c’est « Libre et assoupi ». Une ode à la glande, comme j’aimerais qu’on puisse tous et toutes vivre nos vies, sans obligations.
J’analyse ainsi mon désir de ne pas être mère comme un désir de ne pas faire de mon corps un lieu de productivité, de performance. Mon corps n’a pas à produire quoi que ce soit pour être valable, pour que j’en prenne soin, pour avoir de la valeur. Et cette question qui revient souvent, sur le don d’ovocytes, me renvoie à cette injonction à produire, à servir une cause plus grande que soi.
Je fais très vite le lien entre cette question, en apparence innocente, et une sorte de devoir national des personnes ayant un utérus. L’assignation millénaire des ventres dits féminins à enfanter rentre indéniablement en ligne de compte et c’est celle-là même qui persiste en 2023 en faisant planer sur nous cette maternité potentielle, par n’importe quel moyen.
Ethique, morale, tout ça, tout ça
Enfin, j’ai aussi eu l’occasion, il y a deux ans, d’échanger avec une collègue, alors en formation en constellation familiale. Je ne connaissais absolument pas le terme ; j’ai découvert qu’il s’agit de thérapies courtes transgénérationnelles, pour tenter de résoudre des conflits familiaux par le biais de jeux de rôle.
NDLR : La constellation familiale est recensée par la Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires (MIVILUDES).
Je n’ai jamais eu recours à ce système moi-même, mais j’ai apprécié avoir un avis extérieur sur le rôle des gènes dans la transmission, pas seulement d’un point de vue des maladies potentielles mais aussi des traumas.
Ainsi, une partie de moi, qui n’a d’ailleurs aucune idée de la véracité ou de la probabilité de ma pensée, est un peu convaincue de ne pas souhaiter imposer à un être humain, en plus des gènes de ses parents (le sperme d’un donneur ou du co-parent et les gènes de la personne qui le portera), les gènes d’une personne inconnue, dont iel ne pourra pas retracer l’historique. C’est peut-être stupide, mais c’est ma croyance.
Cela m’a en fait permis de me questionner sur l’impact de mes ovocytes, donnés à une personne pour faire naître un autre être humain.
Enfin, la nouvelle loi bioéthique de 2021 a modifié plusieurs éléments en ce qui concerne le don d’ovocytes. Depuis septembre 2022, les enfants nés d’un don de gamètes peuvent, à leur majorité, avoir accès à l’identité du donneur ou de la donneuse. J’avoue que cela ne me donne pas envie de donner mes ovocytes non plus. Je suis childfree, je désire donc vivement ne pas être mère, et je n’ai pas envie, donc, d’être le parent de quelqu’un qui aimerait nouer un lien filial à sa majorité.
Je sais bien qu’en réalité, je ne devrais pas avoir à me justifier. Et je ne souhaite pas non plus que mon récit décourage les personnes motivées à faire un don. Je suis simplement pour qu’on mette vraiment fin à l’injonction à la maternité : la PMA doit rester un droit pour tout le monde. Mais la procréation ne doit pas continuer à être considérée comme centrale dans nos vies, ou comme seul moyen d’épanouissement, en particulier pour les femmes.