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Pourquoi il faut absolument (re)voir Community ?

Parce que.

Par
Matthieu Rostac
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Ô joie du confinement (si si, c’est possible, on vous assure), Netflix a mis en ligne au début du mois d’avril l’intégralité de la série Community. Communiquoi ? Si vous vous posez cette question, un bingewatching en règle des 6 saisons et 110 épisodes de la sitcom déjà culte signée Dan Harmon s’impose. On vous explique pourquoi.

Parce que vous y retrouverez tous les ingrédients d’une bonne sitcom, déjà

Et oui, pour faire une bonne sitcom, il faut avant se reposer sur des bases solides. D’abord, un lieu plus ou moins fixe, ici le Greendale Community College. Sans équivalent en France, les community college sont des établissements d’études supérieurs états-uniens, accessibles à plus ou moins tout le monde a contrario d’autres facultés coûteuses et sélectives. Ainsi, Greendale se traîne une image de repère de losers propice à la sitcom. Ensuite, une dynamique de personnages bien huilée articulée autour d’un groupe d’études d’espagnol : Jeff, ex-avocat playboy et leader naturel ; Britta, social justice warrior pas si exemplaire ; Annie, bouillonnante première de la classe ; Shirley, mère de famille chrétienne ; Pierce, odieux boomer milliardaire ; Troy, ex-quaterback à la sensibilité exacerbée ; Abed, nerd ciné et sériephage à tendance autistique. Enfin, toute bonne sitcom qui se respecte doit posséder son lot de leçons à tirer de la vie, de l’amour, de la famille, de l’amitié. Pour les faux ratés mais véritables esseulés de Community, « les amis sont la famille que l’on choisit » – une maxime que la série de Dan Harmon partage avec un autre show culte, Spaced.

Parce que c’est un bouillon de culture de talents

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Si l’on compte en années de télévision, avec un pilote diffusé en 2009, Community existe depuis un bon bout de temps. Vous serez donc pris souvent d’une crise de ahmaissatêtemeditquelquechose-ite aiguë durant son visionnage. Ken Jeong, qui incarne Ben Chang, était déjà connu grâce à sa participation à la trilogie Very Bad Trip, idem pour Chevy Chase/Pierce, star de la comédie US dans les années 70 et 80, ici avec quelques cheveux blancs en plus. Surtout, de nombreux talents ont émergé de Community, notamment Donald Glover AKA Childish Gambino (This Is America, c’est lui), accessoirement créateur de la géniale série Atlanta, qui prête ses traits à Troy. Dans le rôle d’Annie, Allison Brie annonce d’une certaine manière ses personnages futurs dans Glow et Bojack Horseman. Derrière la caméra, les frères Anthony et Joe Russo, réalisateurs et co-producteurs du show, iront ensuite faire exploser la moitié de la planète à la tête de la franchise Avengers tandis que le showrunner Dan Harmon continuera ses explorations méta-co(s)miques en co-créant Rick et Morty. Rien que ça.

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Parce que nous sommes tous des nerds qui s’ignorent (ou pas)

Véritable antithèse de The Big Bang Theory ou The IT Crowd, Community ne met jamais ses personnages sous cloche d’une culture pop et geek, préférant utiliser cette dernière comme un moteur créatif référentiel et « conscient ». Batman, Le Seigneur des anneaux, 2001, l’Odyssée de l’espace, Les Muppets, Docteur Who, Breakfast Club, Aliens, Shining, Glee, Die Hard… Dan Harmon distribue tellement d’easter eggs pendant six saisons qu’on l’imagine très bien en Lapin de Pâques hirsute et monomaniaque. Aussi, par le truchement de l’omniscient Abed (voir plus bas) et un quatrième mur sans cesse brisé, le showrunner a érigé Community au rang de série méta par excellence. Certains y ont vu des facilités scénaristiques, d’autres une véritable analyse sémiotique de la télévision. Harmon, lui, a encore plus creusé le sillon méta à partir de la saison 3 : en délicatesse avec ses producteurs, qui finiront par le virer puis le rappeler 13 épisodes plus tard, le showrunner semble mélanger subtilement la fiction et la réalité. Nombreux sont les épisodes où l’on empêche un personnage de disparaître et/ou Greendale d’être détruite, vendue, altérée. On vous a pas dit ? Community contient aussi des références à Inception.

Parce que les épisodes spéciaux !

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Autre « spécialité » de Community : les specials. Habituellement réservés à Halloween, Thanksgiving ou Noël, les épisodes spéciaux pullulent dans la série de Dan Harmon, au point de générer ses propres cycles de specials. Par exemple, dès la fin de la saison 1 est instauré l’épisode « paintball », sorte de faux finale durant lequel les personnages prennent un peu trop à cœur le fait de se tirer dessus avec des billes de peinture. Ainsi, le showrunner peut laisser libre cours à ses fantasmes de cinéma de genre, d’expérimentations visuelles et, encore une fois, à ses irrépressibles envies de méta dans des épisodes en dessin animé, en pâte à modeler, en marionnettes, en 2D rétro-gaming voire littéralement en épisode de… New York, police criminelle. Ajoutez à cela une somme conséquente de bottle episodes – servant à combler le manque de budget sur une saison – ou de stand alone qui ne viennent pas ou peu interférer avec les arcs narratifs habituels et vous ne savez jamais sur quoi vous allez tomber au prochain épisode de Community.

Parce qu’il s’agit d’une série inclusive

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A Greendale, on trouve de tout : des vieux et des jeunes, des maigres et des gros, des riches et des pauvres, des handicapés et des gens en excellente santé, des gentils et des gros cons. A Greendale, la mascotte n’est pas un grizzly, un faucon ou un viking mais un « être humain » (un peu flippant mais un être humain quand même). A Greendale, on a rendez-vous non pas avec une élite mais un échantillon représentatif de la petite Amérique, ses problèmes, ses contradictions, ses certitudes, ses défauts et surtout son unicité. En témoigne le personnage du doyen de l’université Craig Pelton, simple objet de moquerie qui finit par intégrer le groupe de protagonistes au fur et à mesure que s’égrènent les épisodes. Il n’est ni hétérosexuel ni homosexuel ni rien d’autre, il est… Craig Pelton, doyen légèrement gênant et (pas si) secrètement amoureux de la plastique parfaite de Jeff.

Parce que sa dernière saison est ratée

Ce qui est gage de qualité pour une sitcom américaine. On trolle gentiment et cette théorie n’est pas applicable à toutes les séries comiques récentes MAIS elle tient à peu près debout. How I Met Your Mother, Parks and Recreation, The Office, Arrested Development, Modern Family, Lost (euh non, même si l’ultime saison était une vaste blague) ont toutes connu la saison de trop. Community aussi, donc, pâtissant sûrement de son transfert chez Yahoo ! Screen après s’être fait couper les vivres par NBC. Rassurez-vous : le niveau de cette sixième saison n’est absolument pas catastrophique, seulement décevant au vu de celui stratosphérique vécu lors des cinq premières.

Parce que Troy et Abed

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Si les relationship goals devaient prendre la forme de personnages de série, ils ressembleraient étrangement à des mannequins de cire de Troy et Abed. Alors que tout semble les opposer, ils forment un noyau dur au sein du noyau dur du groupe d’études d’espagnol. Une bromance absolue rythmée par des visionnages de films de série B en pyjama, de construction de châteaux forts en draps et coussins géants, d’improvisations de rap et de sessions de jeu fictives dans leur « dreamatorium ». Quand Troy débute une phrase, Abed la conclut et inversement. Sans eux deux, les scènes post-générique de Community seraient sans doute beaucoup moins drôles. « Troy and Abed in the mooooorning ! »

Parce que Abed (sans Troy)

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A première vue, le « héros » de Community semble être Jeff Winger. Parce qu’il est un playboy, un mâle alpha capable de s’extirper de n’importe quelle situation délicate grâce à sa belle gueule et sa tchatche infernale. Mais ce n’était qu’un leurre, petit spectateur ! Le véritable personnage pivot névralgique de la série se prénomme Abed Nadir. De par sa connaissance encyclopédique des mécanismes des films et séries télé qu’il est le seul à avoir ou maîtriser, au point d’être convaincu d’y vivre, il comprend tout, anticipe assez aisément les mouvements de ses comparses, voire les influence. Si Greendale était la matrice, il en serait le Neo (une rare référence qui a échappé à Community, tiens). Il est également celui qui garde le plus de recul sur le groupe, que ce soit en raison d’une neutralité morale ou physique, lorsqu’il choisit de se placer derrière l’œilleton de sa caméra pour observer son groupe d’études comme un savant des fourmis au microscope. Mieux, au fil de la série, il lui arrive d’incarner à plusieurs reprises des figures démiurges ou divines, qu’il soit maître du jeu dans Donjons et Dragons ou cinéaste prophète sapé comme Francis Lalanne. Il est le chaînon manquant entre l’œuvre et son créateur Dan Harmon. Non, il en est le double.