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Pour en finir avec le féminisme libéral : entrevue avec Nargesse, militante antifasciste

« On a extrait le féminisme de toute son essence révolutionnaire ».

Par
Liza H.
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Le libéralisme infiltre tout. Il postule que nos trajectoires individuelles sont la finalité, qu’il s’agit de chacun et chacune, jamais de tous et toutes. Il prône la responsabilité individuelle et fait de l’individu l’unique sujet. Or, lorsque l’on pointe du doigt des défaillances structurelles qui sont le fait de politiques globales, il est nécessaire d’avoir une réponse collective. Les féministes libérales font de « la femme » le sujet principal de leur lutte, c’est un féminisme bourgeois, c’est-à-dire qu’il déserte la lutte des classes et préfère à elle les voies de la réforme pour un capitalisme « inclusif » où les femmes dominantes pourraient avoir les mêmes opportunités que les hommes dominants. Tout se réglerait par de la sensibilisation, une rééducation au fil des générations.

A l’inverse, le féminisme révolutionnaire invite à investir la lutte des classes en mettant en lumière les dynamiques d’exploitation et de pouvoir liées au système patriarcal. L’actualité politique française fracture le champ féministe.

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Au regard des enjeux actuels, j’ai discuté de l’écueil du féminisme libéral avec Nargesse, militante antifasciste.

Liza : Pour commencer, peux-tu te présenter et nous situer depuis où tu penses les sujets dont on va discuter ?

Nargesse : Je m’appelle Nargesse, je suis militante antifasciste à l’Action Antifasciste Paris-Banlieue. De manière plus générale, je m’inscris dans les luttes antiracistes, féministes, anti-impérialistes et révolutionnaires.

L : Comment perçois-tu le féminisme ? Pour toi, actuellement, que veut dire « être féministe » ? Par quoi cela se traduit, idéologiquement ?

N : Pour moi, c’est un moyen de lutte contre le système patriarcal, c’est une idéologie qui consiste à mettre en œuvre des moyens pour défaire le patriarcat sous toutes ses formes, au niveau systémique avant tout mais également au niveau communautaire. C’est la lutte contre ce système qui exploite, rabaisse, méprise, viole les femmes. Ça c’est l’idée de base. Mais bien entendu, le féminisme ne se conçoit pas uniquement dans une lecture genrée de la société. Le féminisme implique, plus généralement, une lutte contre le système capitaliste et toutes ses déclinaisons. On ne peut pas séparer l’idéologie féministe, si on la veut efficace, des autres luttes.

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L : Il ne suffit pas d’avoir une lecture genrée « hommes vs femmes », c’est cela ?

N : On peut l’avoir, on peut l’avoir, dans l’absolu elle traduit quelque chose de réel. Le fait que les hommes de manière générale sont privilégiés dans notre société, qu’ils exercent une domination sur nous, c’est vrai. Mais il y a beaucoup d’autres facteurs qui entrent en compte, donc dire cela c’est partiel, voire obsolète. Le combat féministe ne doit plus en être là. Et puis, cette lecture crée une opposition sans proposer de perspectives d’unité alors même que les hommes pourraient avoir de l’intérêt à aspirer à détruire les systèmes d’oppression et abolir la société de classe telle qu’on la connaît aujourd’hui. Je dis cela dans le sens où les hommes bénéficient du patriarcat oui mais qu’ils sont aussi restreints dans leur humanité, à différentes échelles, cela nous impacte tous et la société de classes détruit tout.

L : Et quel regard portes-tu sur la politique de Schiappa et Darmanin ? Je m’explique : la politique gouvernementale sur les violences sexistes et sexuelles devrait, je pense, être lue en parallèle de sa politique sécuritaire et raciale. Il y a une cohérence politique, un projet commun. J’ai l’impression qu’on ne lit que très peu ces informations ensemble… la mise en place des numéros verts, les témoignages de victimes de violences conjugales devant la police, les appels à devenir « policières », sa rhétorique autour de la « parole des concernées », moi j’ai trouvé cynique qu’elle reprenne certains codes de certains espaces militants mais en même temps révélateur du caractère vide de ces « codes » tant ils sont modulables. Bref, j’ai envie qu’on mette ces politiques qui me semblent au mieux symboliques et au pire du mépris et du cynisme, avec la loi séparatisme, avec ce qui se passe à Calais et la politique migratoire. Donc toi, comment perçois-tu cela ?

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N : Effectivement, pour moi il faut lire tout cela ensemble. Ce féminisme institutionnel alimente clairement les politiques sécuritaires de Darmanin. L’agenda politique des luttes des femmes et la cause des femmes viennent renforcer un arsenal pénal, sécuritaire, l’institution policière qui devient la seule solution face aux violences faites aux femmes. C’est un seul et même projet politique : le libéralisme. L’instrumentalisation des luttes, des concepts que nous avons pu développer, au service d’un agenda sécuritaire et libéral, c’est fondamental dans notre contexte. Marlène Schiappa est un des pions du quinquennat de Macron, elle a servi de token, a protégé Hulot, etc. Mais sa place dans le projet de loi séparatisme confirme cet usage des femmes et de leur cause à des fins libérales, islamophobes. La stratégie, c’est désigner un ennemi intérieur, ici les Musulmans et les Musulmanes, par la nécessité de protéger les femmes donc on brandit le harcèlement de rue, cela permet en fait de donner plus encore de libertés et de droits aux policiers, et à la préfecture plus généralement. Tout cela est bien entendu lié, la cause des femmes c’est l’appui nécessaire venant légitimer le renforcement de l’État libéral et des institutions qui garantissent sa protection.

L : Et que penses-tu de la campagne #DoublePeine ? Pour rappel, c’est une campagne lancée sur les réseaux sociaux afin de dénoncer l’accueil catastrophique réservé aux victimes de violences sexistes et/ou sexuelles dans les commissariats. Sur le site, on peut lire des témoignages de victimes qui ont été mal reçues, parfois humiliées, auxquelles on renvoie la responsabilité des violences qu’elles ont subies. Dans un communiqué et des apparitions médiatiques, les activistes ou militantes ont revendiqué un budget d’un milliard pour lutter vraiment contre les violences sexistes et sexuelles. Elles ont également beaucoup pointé du doigt une prétendue mauvaise formation des policiers sur ces questions, en revendiquant donc pour eux une meilleure formation. Qu’en penses-tu ?

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N : Je t’avoue que j’ai été choquée de l’utilisation même de l’expression double peine avec tout ce que cela porte comme sens dans l’histoire des luttes de l’immigration. Faire une abstraction complète de cette histoire, ça m’a choquée. Je parle d’histoire mais cela n’est pas fini, il y a encore des personnes qui sont condamnées à des peines de prison assorties d’une obligation de quitter le territoire dès la sortie de prison. C’est cela la double peine dans mon imaginaire, et en droit pénal.

Ici la double peine renvoie au fait de subir une agression puis d’être mal accueillie et humiliée une fois que l’on tente de porter plainte. C’est quelque chose qui effectivement pose problème mais cette appellation révèle une ignorance quant à l’expulsion de personnes suite à des condamnations pénales. C’est finalement très blanc, très « j’ai des papiers » mais je suis une femme.

C’est aussi sûrement significatif de la pratique « militante » des réseaux sociaux. C’est souvent des choses qui partagent des témoignages, les victimes témoignent et on croit pouvoir construire un mouvement politique là-dessus mais non… Derrière un témoignage, il n’y a ni projet, ni idéologie, ni rien au final. C’est très individuel, très centré sur soi. Il faut prendre en compte le système qu’il y a derrière toutes ces violences.

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Quand on est dans ce truc-là, on passe vraiment à côté du fondement des comportements sexistes, violents, qui nous ont amenées dans cette position. On passe à côté des bonnes accusations, on a comme alliées les mauvaises personnes, c’est-à-dire les institutions judiciaires, pénales, policières. On croit que notre liberté passera par plus de police, un meilleur accueil, une formation des policiers. En fait, on pense nos stratégies non pas dans un projet révolutionnaire global mais avec des alliés qui sont les protecteurs et les garants du système patriarcal. On demande à la main qui nous gifle d’apaiser nos blessures. C’est contre-productif.

Ça dépolitise complètement nos luttes féministes. Et c’est parfois pareil pour les questions antiracistes d’ailleurs. Il faut être au fait du pourquoi du maintien des dynamiques sexistes, racistes, dans notre société. Il faut qu’on regarde les choses de manière globale pour poser des stratégies d’intervention qui soient de véritables réponses aux politiques que l’on a en face.

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Pour moi, le mouvement double peine est significatif de cela, d’un féminisme ultra libéral, centré sur l’individu, dépolitisé et qui au final, voudrait une réforme d’institutions qui ne sont clairement pas là pour remplir le rôle qu’on attend d’elles.

Pour le côté matériel et la revendication de moyens pour répondre aux besoins des victimes, je suis en revanche sur la nécessité d’arracher ces moyens. Il faut davantage orienter nos réflexions vers cela, comment on se dote de moyens pour lutter contre les violences qui nous visent ? comment on survit dans cela ? comment on prend en charge les victimes, sur tous les plans ? on n’est pas dans une société révolutionnaire ni dans une période de transition révolutionnaire mais on peut tout de même orienter nos demandes vers des choses qui pourraient nous être utiles et qui ne constituent pas le renforcement de l’institution policière. La réquisition de tous les logements vides pour les femmes victimes de violences intrafamiliales, le train gratuit, tout ce dispositif matériel pour pouvoir éloigner, protéger et sécuriser les victimes, on ne l’a pas aujourd’hui et ce serait plus utile que des policiers sensibilisés au sexisme. J’ai l’impression que nous, les féministes, on a du mal à imaginer quoi que ce soit en dehors de l’État. On est sans cesse en train de demander des choses à l’État et pas assez en train de renforcer notre camp en créant de quoi réinvestir tout le monde des causes collectives. Ce n’est pas à l’État de venir nous protéger, il ne le fera pas, c’est à nous, collectivement, de prendre cette question dans sa complexité, de nous responsabiliser, de nous donner des moyens, de nous renforcer sur tous les plans mais d’abord idéologiquement… On a délégué toute la vie politique, collective, à l’État, ce qui constitue une réussite de son point de vue mais un échec pour nous.

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L : Plus récemment, Mediapart a révélé en enregistrement où un policier insulte une victime de « grosse pute ». Une tribune a été signée par 500 féministes afin de soutenir cette femme et de dénoncer le sexisme dans la police. Cette tribune interpelle ainsi les candidats à la Présidentielle : « Avez-vous prévu de former de manière systématique et obligatoire l’ensemble des forces de l’ordre à l’accueil et la prise en charge des victimes ? ». Cela m’a fait sourire. Après la révélation de Mediapart, il me semble plus que jamais évident qu’il ne s’agit pas de « formation ». On reproche souvent aux féministes révolutionnaires de ne pas être dans l’instant présent, dans le vrai et l’urgent… mais former l’ensemble des forces de l’ordre au féminisme ? Comment ? De ton côté, comment lis-tu ces revendications, n’y a-t-il pas une incompréhension quant au rôle de l’institution policière ?

N : Mais oui totalement. Ça signifie une lecture du monde qui n’est pas la nôtre, une incompréhension ou l’inscription dans l’idéologie libérale.

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On ne règlera pas la question du patriarcat avec un claquement de doigt ou une intervention de l’État… et croire cela en dit long sur la nécessité pour notre camp de se renforcer idéologiquement. Autre chose, c’est dû à l’institutionnalisation du féminisme à l’échelle planétaire. On a brandi la cause des femmes, le féminisme, pour renforcer le capitalisme mondial et le libéralisme. Et dans la multiplication des instances qui se développent à l’ONU et dans d’autres organisations, on voit aussi une justification des plans d’intervention dans des pays du Sud Global. Le capitalisme a compris que la question du féminisme, détourné, le renforce, face à cela, nous devons être vigilantes. La normalisation du féminisme partout n’est pas forcément une bonne nouvelle pour nos luttes. Mais ce que je veux souligner là, c’est que cette institutionnalisation nous fait croire que la lutte féministe doit se faire dans l’État, avec l’État, or, ce n’est pas le cas, sinon on demeurera des variables pour appuyer telle ou telle politique.

Ce qu’il faut percevoir, c’est que l’État a été déstabilisé de manière à se décider à céder des droits à la moitié de la population, mais que ce n’est pas par bienveillance, pas parce que la constitution, ou l’état de droit ou que sais-je, c’est la lutte politique de militantes. C’est un rapport de force. L’état a donc changé de bord pour ne plus être mis en difficulté mais cela ne veut pas dire qu’il a changé de projet de société de classe et d’exploitation. Au contraire, il s’est armé de ce féminisme, pseudo intégré en son sein, pour se reconstruire une légitimité et déployer cela comme prétexte à l’impérialisme, au sécuritaire, au racisme, à sa toute-puissance.

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Il faut voir l’État comme un adversaire à qui l’on peut arracher certains moyens, contre lequel il faut construire un rapport de force, pour des droits, des libertés, notre défense. Mais il ne nous fait jamais la charité, il faut le déstabiliser pour avoir des résultats. Et là, actuellement, si on ne fait rien, il va non seulement rien nous donner mais il va tout nous reprendre et détruire ce qu’on pense comme des acquis sociaux.

L : Le fait que tu parles de l’institutionnalisation du féminisme m’a fait penser aux candidatures féminines aux présidentielles et à la manière dont on les traite médiatiquement, dont on les accueille aussi. On ramène tout au fait que ce soit des femmes, même les critiques sur une rhétorique (objectivement) nulle, au sexisme. En attendant, elles ont des programmes politiques de droite qui ne prévoient que le renforcement du libéralisme, racisme, sexisme, etc. C’est terrible.

N : Mais oui ! Ce sont des femmes qui aspirent à gouverner et d’une certaine manière, c’est surtout cela le sujet. Je ne crois pas à la classe des femmes, je crois que les femmes sont parfois de droite, d’extrême droite, et parce qu’elles œuvrent à la préservation d’un système qui leur convient. Historiquement, on l’a vu aussi, des femmes contre l’indépendance des peuples colonisés, des femmes contre les droits de vote des hommes noirs aux USA, etc. Actuellement, on a ce truc de la girl boss pseudo féministe, ce truc de la femme puissante parce que empowerment, mais non, là tu passes juste de l’autre côté, rien à voir avec un projet de libération féministe. Si t’es du côté des gouvernants, de ceux qui détiennent les moyens de production, t’es pas des nôtres. Moi, l’égalité salariale des femmes du CAC40, je m’en fiche, ça n’est pas une préoccupation. En face, dans notre cas, comme on porte le voile, on n’a même pas accès à l’emploi. On est dans des visions du monde totalement différentes.

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On a extrait le féminisme de toute son essence révolutionnaire. Maintenant, on l’utilise pour défendre Pécresse qui se fait tacler sur sa rhétorique… En plus, elle a des milliers de gens qui pourraient la former, elle a été mauvaise, son équipe a été mauvaise, c’est tout. Mais là où c’est grave, c’est que ça permet d’invalider des critiques que l’on porte sur des projets de société dangereux, sous prétexte qu’ils seraient portés par des femmes. Peut-être bien que les hommes sont être plus facilement critiques à l’égard d’une femme, notamment dans le champ politique, mais là il s’agit encore une fois d’une concentration sur des dynamiques individuelles. En l’occurrence, Pécresse c’est une femme dominante, c’est une femme bourgeoise et blanche, candidate à la présidentielle, porteuse d’un programme de droite, c’est ça sa position. Pourquoi devrait-on s’émouvoir qu’elle soit critiquée parce qu’elle est une femme ? Et plus que cela, il ne faut absolument pas se restreindre de la critiquer, d’autant plus qu’elle utilise le fait d’être une femme dans sa campagne pour mieux mener des politiques de droite derrière. Il faut absolument sortir de ce truc d’individu à individu.

L : La question, au fond, c’est : est-ce que ramener plus de femmes en politique ça veut forcément dire changement de politique ?

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N : Cela me fait penser à Schiappa qui invitait les féministes à devenir policières. « Vous êtes féministes ? devenez policière ». On tombe dans le piège en répétant ces logiques. L’idée c’est « vous voulez changer les choses ? investissez-vous à l’intérieur » et c’est une manière de nous faire croire que ces institutions pourraient devenir émancipatrices, des alliées des luttes collectives. En fait, non. Il faut rappeler nos objectifs.

Aujourd’hui, le mot féminisme est mis partout, tout le temps, utilisé à tort et à travers, dans la vente, en politique, n’importe où. Il y a une nécessité de définir où l’on se situe idéologiquement, quel est ce féminisme que l’on défend ? dans quelles luttes prenons-nous part ? Il s’agit de la libération de toutes et tous. Et je pense que c’est de notre responsabilité d’apporter autre chose sur la table et un regard critique sur le féminisme libéral, réformiste. Il faut que l’on produise du discours là-dessus, en quoi ce projet de société ne fonctionnerait pas ? en quoi réformer la police pour la rendre aimable avec les victimes n’est pas un projet sérieux ? Sur tout ceci, il faut qu’on apporte des contre discours, ce n’est pas évident d’y voir les écueils et notre rôle c’est de les signaler, les critiquer, les confronter.

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L : Mais je pense qu’il y aussi une forme de continuité et de logique, de cohérence idéologique, entre un féminisme de droite ou extrême droite clairement assumé et le féminisme libéral que tu évoques. Le premier est dans un discours et promeut des politiques ouvertement racistes, très axé sur l’islam, le second serait plus nuancé là-dessus tout en n’ayant rien à proposer contre le racisme si ce n’est des reconnaissances symboliques.

N : Oui ! c’est l’idée selon laquelle il faudrait lutter uniquement contre les féministes d’extrême droite. Les féministes libérales sont perçues comme innocentes, elles veulent bien faire et inclure. En vérité, elles servent un agenda qui consiste à renouveler sans cesse le libéralisme, ses formes, élargir son influence et son pouvoir. Saïd Bouamama parle du fascisme en disant que c’est le réservoir du capitalisme, que ce dernier puise alors dans l’idéologie fasciste pour se réinventer – en maintenant d’un côté bien entendu la fausse opposition entre fascisme et libéralisme, faudrait choisir entre les deux, rien d’autre n’existerait. Dans la lutte antifasciste, on ne met pas en accusation uniquement les groupes organisés d’extrême droite mais bien l’État, en tant que pouvoir, en tant que milice armée, légitimée, qui tue des Arabes et Noirs en France. C’est ça la réalité.

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L : Est-ce que dans le contexte actuel, cette mécompréhension se manifeste aussi par une volonté d’opposition à Zemmour mais uniquement à Zemmour comme s’il était à lui seul le racisme en France ?

N : Oui, tout-à-fait. Le problème, c’est Zemmour, Lepen, Pécresse, Macron… et je m’arrête là pour pas dire tous. En face, il y a Anasse Kazib et il est d’ailleurs totalement invisibilisé.

L : Mais non, l’opposition c’est Taubira, lol.

N : Ah Taubira, pour le coup, contrairement aux autres femmes, elle est bonne en rhétorique. Qu’elle nous fasse un album !

L : Pour finir Nargesse, qu’est-ce qu’on fait ? Comment agit-on face à cela de manière responsable ? Vers quoi doit-on aller ?

N : Pour moi, y a un boulevard à construire, c’est tout ce qui doit se passer en dehors de l’institution par rapport aux violences qui nous visent en tant que femmes. Une des réponses principales qui conditionne notre manière de penser, c’est la prison. On ne pense à la réparation, nous les féministes, que par ce biais. Mettre des gens en prison, ça protégerait les femmes. Mais c’est faux, le caractère dissuasif de la prison reste à prouver. Il faut qu’on ait une vision pragmatique quant aux besoins des victimes : la seule réponse là, c’est punir l’auteur – quand il y a punition, soit, pas dans la majorité des cas. Il nous faut imaginer et penser d’autres moyens pour survivre à ces violences, les prévenir, quelles revendications mettre au-devant, en partant des réalités et des besoins des victimes. Il faut bien entendu penser aux questions matérielles ( c’est certes déjà le cas), il faut également penser à la réparation psychologique, à un véritable accompagnement de reconstruction, plein de choses qui doivent être faites pour les victimes, d’autres politiques de protection, etc. Et de manière plus générale, il faut aussi construire un vrai projet pour les auteurs des violences ; reconnaissance, éloignement, responsabilisation, prise en charge, etc. A priori, cela pourrait choquer mais je crois en des idéaux révolutionnaires alors je ne vois pas pourquoi l’on ne pourrait pas changer aussi à l’échelle individuelle. Je crois en la possibilité de créer quelque chose qui aille vers la paix. Après bien entendu, appliquer cela dans notre contexte ça peut facilement foirer mais l’échec fait partie de l’apprentissage et de la construction d’autre chose. Et puis, sur une autre échelle, je dis toujours « mets un pays communiste au milieu d’un système mondialisé capitaliste, il va surement être en échec » ; c’est pour cela que nos luttes féministes doivent être réfléchies dans une libération plus globale, touchant au monde, même si l’on travaille à l’échelle locale.

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