.jpg)
Grâce aux Jeux Olympiques, « ce sont 5 000 terrains partout dans les villes qui vont rester » a annoncé Emmanuel Macron. Le sport “c’est bon pour l’éducation, pour la discipline, pour le rapport à l’autorité”, a ajouté le président de la République. Oui. Bon, très bien. Mais est-ce que ces JO n’auront pas d’autres conséquences plus sévères ?
Pour les JO les plus verts de l’histoire, on coupe des arbres
Le comité olympique l’a assuré : les jeux olympiques de Paris 2024 seront les plus écologiques de l’histoire. L’organisation prévoit de 55% d’empreinte carbone en moins par rapport à ceux aux JO de Londres en 2012. Leur objectif ? 1,5 million de tonnes de CO2 à ne pas dépasser.
Problème ? Pour construire le village des médias à la Courneuve et le solarium de la piscine d’entraînement à Aubervilliers, les constructeurs ont dû raser des parcelles de végétations. Dans cette seconde ville, qui ne compte que 1,42 m² d’espaces verts par habitant·e – alors que l’objectif de la Région et de l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) est de 10 m² d’espaces verts par habitant·e – les 4 000 m² arrachés au jardin ouvrier des Vertus font grincer. À La Courneuve, le maire a promis que les arbres arrachés au parc seront remplacés mais ceux-ci mettront des dizaines d’années à produire le même rafraîchissement que ceux manquants.
Des transports pas si écolo que ça
En Seine Saint Denis, représentant 80% de l’investissement public débloqué pour construire les équipements, un autre projet de construction scandalise et inquiète. Pour desservir, entre autres le village olympique, l’échangeur de l’autoroute A86 va être agrandi. Passant juste à côté d’une école, le projet a été épinglé par le Fonds des Nations unies pour l’enfance (Unicef) pour les risques qu’il fait courir aux écolier·es et riverain·nes. Le centre scolaire Anatole France/Pleyel étant déjà exposé à des concentrations en dioxyde d’azote (NO2) qui dépassent de cinq fois les recommandations de l’OMS.
Le comité olympique assure mettre tout en place pour réduire au maximum l’empreinte carbone des athlètes en limitant leurs déplacements. 85% des participant.es à la compétition sportive seront logés à moins de 30 minutes des lieux de l’événement. Sauf que le Grand Paris express, cette ligne de transport en commun qui devait relier des sites des jeux Olympiques de 2024, ne sera pas prête pour l’événement. Il y a 6 ans, Emmanuel Macron avait pourtant promis que ce tronçon traversant le 93 serait fini pour l’événement. Seul le prolongement de la ligne 14 de l’aéroport d’Orly à Saint-Denis Pleyel devrait être prêt à temps. Pour le reste, il faudra patienter jusqu’à la fin de l’année 2025, voire jusqu’en 2030 pour certains tronçons.
En revanche, les spectateur·ices les plus fortuné·es (et vu le prix des billets, iels seront nombreux·ses) pourront se rendre à Paris en taxi volant. Ce n’est pas une blague : ces “Vélocoptères” pourront embarquer une personne et un pilote pour la modique (non) somme de 105 à 140 euros pour un vol de 35 km. Un trajet reliera l’héliport d’Issy-les-Moulineaux (Hauts-de-Seine) à l’aérodrome de Saint-Cyr l’École près de Versailles (Yvelines). Une autre liaison est prévue entre les aéroports Paris-Charles de Gaulle et Paris-Le Bourget. Et un peu plus au centre de Paris, une barge flottante sera aménagée sur la Seine, au quai d’Austerlitz, pour rejoindre l’héliport d’Issy-les-Moulineaux.
Si la marque allemande affirme que ses engins sont 4 fois plus silencieux qu’un hélicoptère (heureusement), les observateur·ices de sa présentation au dernier Salon de l’aéronautique au Bourget, ont noté que son bruit est proche de celui d’un bus. Sauf qu’un bus est un engin censé transporter 50 à 63 personnes. Pas juste une. Par ailleurs, si l’entreprise Vélocoptère se vante de ne pas avoir besoin d’essence pour faire voler ses engins, ceux-ci fonctionnent avec des batteries au lithium. Un métal rare dont l’extraction est très coûteuse en eau et en énergie et conduit à d’importantes pollutions toxiques. Ces taxi volants devraient rester en circulation après l’évènement sportif.
Big brother will be watching us
Outre le manque d’espace vert, les ultrariches en taxi volants au-dessus de nos têtes et la pollution due à l’échangeur routier (tout un programme déjà), une autre chose restera des JO : une surveillance accrue via les caméras de surveillance intelligentes placées aux quatres coins des villes. Celle de Saint-Denis a ainsi ouvert un nouveau centre de supervision urbaine (CSU) en vue des JO. Depuis mai, il centralise les flux de la centaine de caméras disséminées sur son territoire. D’ici 2024, la municipalité espère en posséder 400.
Cette même année, la police municipale devrait s’installer dans des nouveaux locaux, et se voir équipée d’armes létales. À Élancourt, ville des Yvelines qui accueillera les épreuves de VTT, un commissariat « du futur » devrait voir le jour en 2024. Le bâtiment coordonnera les effectifs de police nationale d’Élancourt, de Trappes et de Guyancourt et sera complété par la création d’un nouveau centre de supervision urbaine, destiné à mutualiser la vidéosurveillance sur les communes et l’achat de drones par la collectivité.
Adoptée en avril dernier, la loi portant sur les Jeux olympiques et paralympiques de Paris 2024 marque une nouvelle étape dans la légalisation de moyens de surveillance «augmentés». Son article 7 autorise à titre expérimental le déploiement de caméras couplées à des systèmes de détection algorithmiques. S’il exclut la reconnaissance faciale, ces caméras détecteront, analyseront et classeront les corps et leurs comportements dans l’espace public pour alerter les services de police et faciliter le suivi des personnes. Son objectif ? Détecter « des événements anormaux, des mouvements de foule, des objets abandonnés ou des situations présumant la commission d’infractions ».
L’autorisation de la vidéosurveillance algorithmique courra jusqu’au 31 mars 2025, soit plus de sept mois après la clôture des JO. Mais pour Nono, de la Quadrature du Net, rien n’est moins sûr que ce système soit abandonné par la suite : « L’avenir nous le dira, mais le passé nous enseigne que ça n’a pas été le cas : les expérimentations servent à mieux faire adopter ces technologies. D’autant que la reconnaissance biométrique repose sur des infrastructures : acheter des disques durs, des caméras etc. Je vois mal que tant de thunes soient investies si c’est pour ensuite que tout soit désinstallé. »
Dans un communiqué, l’association de défense et de promotion des droits et libertés sur Internet s’inquiéte d’une « première légalisation de la vidéosurveillance automatisée » qui ouvre « nécessairement la voie à toutes les autres technologies de surveillance biométrique : l’audiosurveillance algorithmique, la reconnaissance faciale ou encore le suivi biométrique des personnes a posteriori. » Une tribune, signée en mars par 37 organisations de défense des droits humains, demandait le retrait de cet article qui, selon elles, « créerait un précédent inquiétant en matière de surveillance injustifiée et disproportionnée dans l’espace public, au détriment des droits fondamentaux et des libertés ».
En Chine, les caméras à reconnaissance faciale ont été introduites en 2008 à l’occasion des JO et servent désormais la mise en application du, bien sinistre, Système de crédit social (SCS) sur l’ensemble du territoire.
DES SDF PLACÉS DANS DES “SAS” EN PROVINCE
Autre manière de contrôler les corps qui seront en Île-de-France durant les JO : en expulser les personnes à la rue. À l’approche des Jeux olympiques de Paris, et de la Coupe du monde de rugby en septembre 2023, le gouvernement voudrait inciter des milliers de SDF de la région parisienne à la quitter pour le reste de la France. « L’objectif, c’est de baisser le nombre de sans-abri en Île-de-France pour avoir un accompagnement de proximité en province », expliquait Olivier Klein sur RMC, en mai dernier. L’ex-ministre de la Ville avait assuré qu’il n’y aura pas d’évacuations forcées.
Début avril, l’exécutif a donc demandé aux préfets de créer des dix “sas d’accueil temporaires régionaux” dans toutes les régions, à l’exception des Hauts-de-France et de la Corse, afin de « désengorger les centres d’hébergement » d’Île-de-France. Les personnes invitées à partir sont censées être prises en charge pendant trois semaines dans ces “sas” avant d’être “orientées”, dans leur nouvelle région, « vers le type d’hébergement correspondant à leur situation». L’Etat ambitionne d’accueillir, au total, 14 000 personnes dans ces “sas” d’ici fin 2024.
Devant l’Assemblée nationale, début mai, Olivier Klein assurait que de nombreux hôteliers ne souhaitaient plus accueillir ces publics précaires avant l’afflux de clientèle pour les événements sportifs de la rentrée 2023 et de l’été 2024. Tous dispositifs confondus, l’Etat a financé 3 000 places de moins en 2022 qu’en 2021, révèle la comparaison des décomptes préfectoraux. Pourtant, les besoins ne faiblissent pas : au soir du 4 juillet, rien qu’à Paris, 1 071 personnes (dont 382 enfants) ayant réussi à joindre le numéro d’urgence 115 sont restées sans solution. « Tout le monde savait que les hôtels retourneraient à leur vocation touristique, JO ou pas JO, et que les flux migratoires reprendraient leur rythme d’avant la crise. Cela n’a pas été anticipé », critique Léa Filoche, adjointe à la maire de Paris au journal Le Monde.
Fin octobre 2022 déjà, le préfet de police de Paris, Laurent Nuñez, avait déclaré préparer l’événement en luttant contre « la délinquance, mais aussi contre l’occupation illégale de l’espace public, les ventes à la sauvette et les trafics de stupéfiants ». Selon Yann Manzi, délégué général de l’association Utopia 56 interrogé par Le Monde, « la police ne laisse plus poser une seule tente, même pour la nuit. Les gens sont chassés sans être hébergés. Et quand ils sont ainsi invisibilisés, on ne peut pas les aider. »
Les services de l’Etat ont annoncé, fin juin, à leurs partenaires qu’ils comptent cesser de financer de 3 000 à 4 000 places dans la région d’ici à la fin de l’année. Selon un cadre du ministère de l’intérieur qui s’est confié au Monde, « l’enjeu, ce n’est pas les JO, c’est de faire baisser les dépenses d’hébergement en Ile-de-France, où le prix des chambres d’hôtel peut monter à 60 euros. L’enjeu est purement financier. »
Une gentrification programmé des zones du Village Olympique
Le Village des athlètes, bâti à cheval sur les communes de Saint-Denis, Saint-Ouen et l’Île-Saint-Denis, accueillera 14 500 athlètes olympiques et 9 000 athlètes paralympiques et leur staff pendant l’événement. Après les Jeux, il réunira un quartier d’habitation, une résidence étudiante, un hôtel, des bureaux, des commerces et des espaces végétalisés. Son prix à la vente ? Entre 7 500 à 8 000 euros le mètre carré pour un deux-pièces, un peu moins (6 700 à 7 000 euros) pour un trois-pièces. Bien loin des 4 175 euros du prix moyen du mètre carré à Saint-Denis, selon la Fédération nationale de l’immobilier (Fnaim). Le site de la ville met en avant que 25% de ces 2 200 logements seront consacrés au logement social. Encore une fois, un taux bien loin des 40% de logements sociaux annoncés au moment de la candidature de la ville.
Autre crainte, après avoir observé les prix d’or des appartements mis sur Airbnb durant les JO : les bailleurs préfèrent retirer leurs biens de la location à long terme pour les tourner vers les touristes. « Certains bailleurs, au regard des contraintes sur la rénovation énergétique, vont préférer se retirer du marché locatif classique pour plutôt louer sur le marché secondaire, sachant que les règles de performance énergétique ne s’appliquent pas concernant ces logements », s’inquiétait ainsi David Rodrigues, juriste spécialisé en logement au sein de la CLCV, sur France Info. Le phénomène est impossible à quantifier aujourd’hui.
Pas plus de travail dans un département touché par le chômage
Les Jeux s’installent en Seine-Saint-Denis où le taux de chômage culminait au premier trimestre 2023 à 9,8 %, soit presque 3 % au-dessus de la moyenne nationale. Alors que les JO auraient pu être l’occasion de faire baisser ce taux, ils seront, avec plus de 45 000 bénévoles, « le plus grand programme de volontaires jamais réalisé en France », selon Tony Estanguet, président du comité d’organisation.
Mais est-ce que ce bénévolat n’est pas du travail gratuit ? La question mérite d’être posée. La procédure de candidature ressemble en tout point à celle d’un emploi : il faut justifier, entre autres, d’un niveau d’études, en langues et d’expériences passées en lien avec le sport. D’ailleurs, un grand nombre de missions correspondent à des fiches de postes qui existent dans le monde du travail. Certain.es seront chargé.es de l’accueil, de l’information, ou même du transport des acteurs des Jeux, d’autres seront assistant.es dans les services médicaux ou encore chargé.es de missions relatives à l’organisation, au traitement des accréditations presse et à la logistique. Enfin 35 % des postes proposés sont en lien avec la “performance sportive” : ramassage de balles, saisie d’informations sportives ou encore chronométrage.
Les bénévoles recruté.es devront être disponibles pendant dix jours au minimum, pour une durée pouvant aller jusqu’à 48 heures par semaine, soit la durée légale maximale de travail. Iels auront aussi à se loger par leurs propres moyens en région parisienne, alors que les coûts de location sur cette période atteindront des sommets. Iels ne seront pas non plus défrayés pour leurs déplacements jusqu’en Île-de-France puisque seuls « les frais de transports en commun locaux » seront pris en charge. Enfin, et avant d’être accrédités par le comité, les bénévoles seront soumis à une enquête administrative des services de l’État.
En retour, ces “volontaires” ne bénéficieront d’aucun traitement de faveur pour assister aux compétitions : pas de réduction sur des billets pouvant aller jusqu’à plusieurs centaines d’euros, ni de places gratuites. Fort dommage, lorsque l’on connaît le prix des tickets pour assister à l’événement : 245 euros pour le Judo ou encore 155 euros pour aller assister à la natation, par exemple.
Le 8 août dernier, Alexis Corbière, député LFI (La France Insoumise) de Seine-Saint-Denis a demandé au Gouvernement que ces bénévoles soient requalifiés « comme salariés, sous contrat, afin qu’ils puissent percevoir un salaire honnête au vu de leurs fonctions et tâches réelles ». Le comité olympique s’était alors défendu auprès du Parisien : « Le bénévolat a été sanctuarisé par le Comité international olympique (CIO), c’est une opportunité unique d’engager une population autour de l’événement. », s’était défendu le Comité auprès du Parisien. Engager la population oui, mais en lui faisant poser des jours de congés pour aller travailler.