.png)
Plongez dans un avenir dystopique : le monde post-apocalyptique des punaises de lit
Octobre 2035 : l’Hexagone n’est plus qu’une immense tache de sang qui se répand en petites souillures de la Côte d’Opale à la Méditerranée. Sorte de test de Rorschach à l’échelle du pays, dont les formes rouge carmin décrivent invariablement les contours d’une même créature cauchemardesque : la punaise de lit. Depuis la démission du gouvernement Macron lors des Accords de Cholet en 2026 – tandis que le Maine et Loire était encore la seule zone libre épargnée par les assauts des microscopiques nuisibles – la France vit au rythme des désinsectisations hebdomadaires et des directives imposées par l’organisation paramilitaire des Exterminateurs.
.png)
Cette faction putschiste, armée seulement de quelques nettoyeurs vapeur dopés à l’huile essentielle de Tea Tree, a arraché le pouvoir aux mains de l’ancien président incapable d’endiguer l’épidémie. Le monde d’avant a alors disparu, enseveli pour des siècles sous les épaisses couches de Terre de Diatomée dont on a recouvert en urgence la plupart des métropoles. Spectacle de désolation que ces milliers de camions dégueulant une poudre blanchâtre sur les avenues et les espoirs des citadins infestés.
En quelques mois, les immeubles, l’effervescence des agglomérations, et une poignée de martyrs réfractaires à leur évacuation ont été enterrés pêle-mêle sous plusieurs mètres d’une poussière abrasive ; enfouis dans de gigantesques fourmilières dorénavant interdites d’accès. Et lorsqu’une forte-tête se risque tout de même à braver la réglementation pour explorer ces nouvelles Pompéi, elle en revient épouvantée par la vision de ces villes pétrifiées. Ces anciennes capitales dont le mouvement perpétuel est désormais figé pour l’éternité dans une seule posture grimaçante : celle d’un corps social écorché qui se gratte jusqu’à la folie…
IL EST DÉSORMAIS INTERDIT DE S’ASSOIR EN PUBLIC
Les tabourets de bar, autrefois synonymes d’inconfort et de paninis avalés sur le pouce, font aujourd’hui figures de canapés douillets. Car les sièges ont tout bonnement disparu de l’espace public. Les rares chanceux qui ont encore la possibilité de déjeuner dehors le font accoudés au comptoir, la tête basse et le dos voûté. Comme vautrés sur un passé au cours duquel la position assise n’était pas passible de la perpétuité.
.png)
Par une étrange confusion sémantique, le parti de Nicolas Dupont-Aignan (Debout La France) connaît désormais un incroyable succès. Bien que le coup d’État des Exterminateurs ait momentanément mis à l’arrêt la vitalité démocratique du pays, l’ancien leader souverainiste profite de son nouveau statut de gourou, et répète à l’envi que le nom de sa formation politique aurait prophétisé la catastrophe à venir. Dans son ashram de l’Essonne, il délivre maintenant des prédictions terrifiantes sur la radicalisation des chenilles processionnaires.
LES CHIENS RENIFLEURS SONT CÉLÉBRÉS
Capables de débusquer ces minuscules parasites dans les moindres recoins d’un logement, les chiens sont devenus des héros de la nation. Partout en France, des statues ont été déboulonnées pour leur faire de la place et rendre les honneurs à leur truffe experte. Avant le changement de régime politique et l’ensevelissement de Paris, certains d’entre eux, comme Isia, le border collie de Michel Drucker, sont même très vite entrés au Panthéon. Une cérémonie méritée pour celle qui a réalisé pas moins de 56 détections, dont la moitié sur Line Renaud.
Entre ici, gentil chienchien, avec ton terrible cortège. Avec tous ceux qui se sont usés le museau sur les canapés du pays pour chasser ces redoutables insectes.
.png)
DES MICRO SOCIÉTÉS SONT APPARUES
Citadelles imprenables, les magasins Picard ont été vidés de leurs produits surgelés et abritent désormais des îlots de vie. Attirés par la perspective d’une existence sans piqûre car les punaises ne résistent pas aux températures négatives, des petits groupes de réfugiés ont investi les supermarchés de la marque. Constamment abrités sous des couches de fringues empilées, rares sont les étrangers à avoir déjà entraperçu un visage derrière ces cache-nez menaçants. D’aucun disent même qu’ils ne sont pas humains, qu’ils sont des sortes de golems façonnés à partir des stocks de nourriture abandonnée sur place. Des agrégats monstrueux de mozza sticks et de petits pois glacés…
.png)
En réalité, ils sont pour la plupart originaires de Douai ou de Maubeuge (les habitants des autres régions ont rarement survécu à la première année en dessous de zéro), ils tirent à vue sur les écervelés qui ont le malheur de porter une doudoune sans manche en leur présence, et négocient des vivres venus de l’extérieur contre des désinsectisations hebdomadaires dans leurs villages-frigos. Ils sont le peuple des chambres froides.
LE 14 JUILLET N’EST PLUS LA FÊTE NATIONALE
La parade militaire estivale a depuis longtemps été remplacée par un grand bûcher annuel, en commémoration des milliers de braseros qui se sont spontanément allumés dans tout le pays pour brûler les vêtements et les ouvrages contaminés au cours de la première année de l’invasion. Chaque citoyen.ne est désormais prié.e de foutre au feu une fois par an la moitié de sa penderie ou de sa bibliothèque, pour honorer les tonnes de chandails et de bouquins sacrifiés lors de ces événements tragiques.
.png)
Seul point positif de cette grande flambée collective : les livres de Matzneff ont définitivement disparu de la circulation. Réduits en cendres dans ces autodafés festifs, au nom de la salubrité publique.