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Peut-on gérer l’Éducation nationale comme une entreprise de domestiques ?
Parmi toutes les nouvelles têtes du gouvernement, il y en a une qui attire beaucoup l’attention depuis sa nomination : c’est notre ministre de l’Éducation nationale, Anne Genetet. Alors oui, dans un monde où ne pas avoir fréquenté l’Ecole Alsacienne est désormais un gage de légitimité, cette médecin de formation fait peut-être figure d’exception.
Pourtant, comme souvent sous l’ère Macron, ce poste stratégique est confié à une ancienne cadre d’entreprise plus familière de LinkedIn que de Parcoursup, et sans véritable expertise pour répondre aux attentes du corps enseignant.
Les syndicats n’ont d’ailleurs pas tardé à pointer du doigt ce manque d’expérience, alors que l’attractivité du métier atteint des niveaux aussi bas que le score des Républicains aux dernières législatives. Les professeurs, quant à eux, crient leur désarroi, dans un silence assourdissant.
Alors Anne Genetet saura-t-elle redonner espoir à une profession en pleine crise ? Réussira-t-elle à convaincre les étudiants indécis de s’engager dans l’enseignement, à l’heure où 3 000 postes sur les 24 000 disponibles n’étaient toujours pas pourvus à la rentrée de septembre ?
Qui sait, peut-être que son passé professionnel à la tête d’Help agency – une entreprise spécialisée dans la formation de domestiques pour expats à Singapour – est l’atout magique pour sortir de l’impasse ! On a imaginé quatre actions inspirées de sa carrière de formatrice du petit personnel de maison, qu’elle pourrait entreprendre avec les profs pour débloquer la situation.
1. EN FINIR AVEC L’APPELLATION “PROFESSEUR”
Non mais c’est vrai quoi, “prof”, c’est mou. Ça pue tout de suite les copies à corriger, les algécos qui prennent l’eau, et le mauvais café filtre. Il faut quelque chose de plus vendeur pour donner envie aux futurs enseignants de se lancer, comme par exemple “Facilitateur de réussite”. Et la ministre s’y connaît bien en rebranding, puisque sa propre agence de formation répugnait elle aussi à utiliser le (très trivial) terme de “domestiques”, pour désigner les employées originaires des Philippines. Elle leur préférait le mot “helpers”, très en vogue chez les expats occidentaux. Ou l’art de faire passer de l’esclavage morderne (travail 6 jours sur 7, et deux semaines de congés payés tous les deux ans) pour un élan d’altruisme !
2. N’EMBAUCHER QUE DES PERSONNES VULNÉRABLES
Fidèle à sa recommandation à propos des travailleuses migrantes, la nouvelle ministre n’hésitera pas à faire appliquer sa propre maxime : “N’embauchez pas une domestique qui a déjà travaillé pour des Occidentaux, elle risquerait de se montrer trop exigeante”. Ainsi, l’inscription au CAPES sera désormais conditionnée à un fichage à la Banque de France. Rien de tel qu’un futur prof vulnérable et surendetté, pour accepter d’être mis au turbin sans chouiner, ou se lamenter d’avoir l’un des plus bas salaires de l’OCDE.
3. RENOUER LE DIALOGUE
Pour renouer le dialogue avec ce corps enseignant “pourri gâté”, qui ne manque jamais une occasion d’organiser un piquet de grève dès qu’il est question d’heures supplémentaires non rémunérées ou de coupes budgétaires, Anne Genetet dispose d’un avantage certain. En effet, polyglotte accomplie, elle maîtrise parfaitement le langage du prolétariat, qu’elle sait habilement interpréter. Ainsi, sur le site de son agence, elle écrivait à propos des employées de maison philippines ou sri-lankaises : “Ses phrases sont longues, ses idées parfois confuses et les situations qu’elle évoque souvent embrouillées. Il vous faudra un effort de synthèse pour mettre de l’ordre dans ses propos !” Ou encore : “Le ‘Yes M’am !’ qu’elle répète n’est pas une approbation, mais un refrain qui traduit soumission et respect.”
Ce bilinguisme lui sera précieux pour traduire et décoder les requêtes obscures des professeurs, qui ont souvent beaucoup de mal à exprimer clairement le fond de leur pensée. Comme lorsque les syndicats réclament officiellement “plus de moyens financiers”, alors qu’ils exigent en réalité le retour de l’uniforme. Ou quand ils brandissent une pancarte “retirez votre réforme à la con”, qui n’est en fait rien d’autre qu’un témoignage d’affection maladroit, adressé aux membres du gouvernement.
4. MÉNAGER LES ÉGOS
Là encore, la nouvelle ministre saura certainement tirer avantage de ses compétences managériales, et de sa fine connaissance de l’âme humaine, pour ramener à elle les brebis égarées qui songent à quitter l’École publique. Ainsi, comme elle l’explique sur le site de son agence aux expats occidentaux qui seraient tentés de critiquer le travail de leurs domestiques devant des invités, “une helper qui se sent humiliée devient ingérable”.
C’est donc peut-être le début d’une nouvelle ère. Celle de la considération du travail des profs, plutôt que de la défiance permanente. Et aussi l’occasion pour nos gouvernants de montrer qu’ils sont capables de faire preuve vis-à-vis des fonctionnaires gauchistes de l’éducation nationale, de la même complaisance qu’ils témoignent aux forces de police du pays, sans cesse brossées dans le sens du poil….