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Petit guide d’appréciation des films de Uwe Boll

Si vous avez déjà regardé tous les bons films, il vous reste encore les mauvais.

Par
Benoît Lelièvre
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Il existe deux sortes de mauvais films. Ceux qui deviennent légendaires malgré eux et ceux qu’on oublie tout de suite après les avoir vus. Les immortels sont la manifestation d’une ou plusieurs formes d’incompétences: technique, financière ou même émotionnelle (coucou Neil Breen !). On les appelle gracieusement “films de série B” parce que malgré leurs défauts, on les aime. En fait, on les aime à cause de leurs défauts uniques et attachants. Les oubliés sont plutôt la manifestation d’une paresse institutionnelle ou personnelle et d’un désir de faire une passe de cash rapide.

Le catalogue du Shakespeare de l’inaptitude cinématographique peut être… dur d’approche, si on n’est pas familier avec le bonhomme?

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Le réalisateur allemand Uwe Boll s’est taillé une place spéciale au panthéon des films de série B parce que ses œuvres appartiennent exceptionnellement aux deux catégories. Elles sont opportunistes, bâclées, paresseuses, de mauvais goût et incompétentes. Bref, elles sont excellentes si le but de votre visionnement n’est pas d’être ému ou sincèrement diverti par le programme. Cependant, le catalogue du Shakespeare de l’inaptitude cinématographique peut être… dur d’approche, si on n’est pas familier avec le bonhomme ?

Je vous ai préparé un petit guide d’introduction au cas où. Parce que si cette damnée pandémie nous fait un jour manquer de bons films, on ne sera jamais à court de mauvais.

1) Débutez avec les adaptations de jeux vidéo

Une des marques de commerces d’Uwe Boll, c’est d’avoir été un des premiers réalisateurs à avoir adapté des jeux vidéo au cinéma. En tout cas… il est l’un des premiers à avoir essayé, parce que ça n’a jamais vraiment été un succès ! Boll a adapté pas moins de huit jeux vidéos au grand écran si on compte les DEUX tristement célèbres chapitres d’Alone in the Dark et BloodRayne.

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Boll est surtout reconnu pour ses adaptation d’Alone in the Dark et de House of the Dead, un jeu d’arcade où il faut tirer des zombies à répétition. Il n’y a pas VRAIMENT d’histoire et ça ne méritait pas une adaptation non plus, mais Boll a tricoté quelque chose d’ultra-stéréotypé autour d’une bande d’étudiants défoncés qui se font attaquer par des morts-vivants pendant un rave sur une île déserte. C’est ridicule, profane et les personnages meurent à un rythme tellement régulier qu’on peut faire des jeux d’alcool en le regardant. C’est léger !

il y a quelque chose de magique à regarder un Christian Slateressayer très fort de nous vendre quelque chose qu’il ne comprend pas.

Il y a aussi l’autre fiasco qui l’a rendu célèbre. Le scénariste à l’origine de de l’adaptation d’Alone in the Dark, Blair Erickson, le raconte à qui veut bien l’écouter: Uwe Boll n’a rien respecté de son scénario. Il y avait pas assez d’action à son goût, alors il a engagé Christian Slater (oui ! oui ! Il existe encore) pour se battre contre des petites bêtes pixélisées dans un musée pendant une heure et demie.

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Vous ne retrouverez peut-être pas l’esprit des jeux, mais il y a quelque chose de magique à regarder un Christian Slater essayer très fort de nous vendre quelque chose qu’il ne comprend pas trop. C’est un délicieux fiasco.

2) La série Rampage est son «chef-d’oeuvre»

Comme le dit si bien l’adage: même une horloge brisée donne l’heure juste au moins deux fois par jour. Uwe Boll a fait quelques bons films… ouin, peut-être pas «bons» dans le sens conventionnel du terme. Disons choquants, divertissants et “moins pires que les autres”. Dans l’ordre.

Rampage, c’est l’histoire de Bill Williamson, un jeune mécanicien qui travaille dans des conditions aliénantes et qui décide du jour au lendemain de prendre sa revanche sur la société en commettant un massacre d’une violence inouïe. Le principal mérite de ce film, c’est de nous confronter à la violence inouïe des fusillades de masse dans la société américaine et la vulnérabilité du système face à ces phénomènes beaucoup trop courants. C’est difficile à regarder et je ne le conseillerais pas aux gens qui ont été victimes de violence par arme à feu, mais ça confronte en ti-pépère.

C’est difficile à regarder et je ne le conseillerais pas aux gens qui ont été victimes de violence par armes à feu, mais ça confronte en ti-pépère.

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Ayant finalement goûté au fruit défendu du succès, Uwe Boll n’allait pas se contenter d’une seule victoire. Il a réalisé deux suites. Rampage: Capital Punishment en 2014, qui n’est pas sans intérêt. On y suit la vie du même personnage, devenu contrôlé par la violence qui l’habite et Rampage: President Down en 2016, où Boll pousse finalement le bouchon trop loin et tombe dans la porno pour complotistes détraqués. La série en reste néanmoins un bel intermède entre deux séances de films qui donnent mal à la tête.

C’est comme prendre un verre de porto entre deux bouchées de fromages qui puent.

3) Gardez les plaisirs sophistiqués pour la fin

Après avoir goûté à la palette entière de nuances cinématographiques offertes par Uwe Boll et seulement après, je vous donne la permission de sortir le gros stock. Sinon les yeux vont vous sortir de la tête et vous allez partir une pétition sur Change.org pour faire exiler le réalisateur sur Mars pour le restant de ses jours. Possiblement aussi pour le garder là-bas APRÈS sa mort, question d’étudier les effets de l’atmosphère martienne sur son squelette.

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Son adaptation du TRÈS CONTROVERSÉ jeu vidéo Postal (qui déjà incite au meurtre et à la violence gratuite) est une espèce de comédie surréaliste ultra-violente qui se veut un étrange commentaire sur la présidence de George W. Bush aux États-Unis. Ça manque franchement de budget (et de goût), mais il y a un je-ne-sais-quoi de désespéré dans ce film qui le rend attachant.

Ça manque franchement de budget (et de goût), mais il y a un je-ne-sais-quoi de désespéré dans ce film qui le rend attachant.

Dans le même registre ahurissant: Assault on Wall Street. Misant sur le sentiment anticapitaliste des années suivant la crise économique de 2008, le film est une grossière excuse pour assister à de longues minutes de violence sanglante contre des banquiers sans âme. C’est une drôle d’expérience à cheval entre le théâtre expérimental et le soap opera américain. Étrangement divertissant si vous aimez la violence envers des personnages vides qui représentent des valeurs de marde comme l’argent, le pouvoir et la cupidité.

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Ces films ne sont pas pour tout le monde. Il se pourrait que vous écorchiez des âmes sensibles si vous les regardez sur la grosse télé du salon. Les films d’Uwe Boll en général sont fascinants par leur manque de direction artistique et de professionnalisme en général. Ça aide à mieux apprécier les films hollywoodiens en général lorsqu’on peut voir qu’est-ce que ça donne quand ça dérape. C’est rempli de plaisirs subtils comme des regards d’acteurs paniqués, des lignes improvisées et des effets spéciaux bâclés.

Ce n’est pas divertissant au sens propre, mais c’est drôlement amusant à regarder et ça aide à approfondir notre vocabulaire cinématographique. Tant qu’à regarder un film moyen sur Netflix, pourquoi pas viser délibérément plus bas, ce week-end ?