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Passer Noël dans un refuge pour chats

Même si c'est la fête de Jésus, il y a de la litière à ramasser.

Par
Vincent Descôteaux
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On ne peut pas tout fermer le 25 décembre. Certains commerces doivent continuer de rouler parce qu’ils demeurent essentiels malgré la tourtière de grand-maman, et il y a aussi des êtres vivants qui continuent d’avoir besoin de nous.

C’est pourquoi depuis quatre ans, je passe mes 25 décembre au Réseau Secours Animal (RSA), un refuge pour chats sans euthanasie.

C’est ma conjointe qui m’a fait découvrir ce mode de festivités alternatif. Contrairement à moi, elle fait du bénévolat tout au long de l’année. D’ailleurs, shout out au travail incroyable que font tou.te.s les bénévoles pour ces adorables minous perdus, sauvages ou abandonnés.

Ma meuf n’est pas allergique aux chats. Je le suis énormément. Ça ne m’empêche pas d’aimer beaucoup les félins, donc une fois par année, lorsque le refuge est particulièrement en manque de main-d’oeuvre parce que les gens passent leur Noël en famille, je me bourre d’antihistaminiques et j’aide comme je peux. Voici à quoi ça ressemble.

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Un monde avec ses us et coutumes

Une soirée standard au refuge nécessite généralement la présence de six ou sept bénévoles. À Noël, nous sommes au maximum quatre, dont moi, qui compte pour une moitié.

On enfile une blouse, on choisit une première salle chacun.e et on part. Les tâches sont simples : il y a des gamelles à remplir, de l’eau fraîche à verser à la bonne place et de la merde à ramasser. Joyeuses Fêtes!

Pour de vrai, j’adore ça.

À leur arrivée au refuge, les chats doivent généralement traverser une période de quarantaine de deux mois, le temps de recevoir leurs vaccins et que l’équipe obtienne les résultats d’analyses qui détermineront s’ils sont porteurs d’un virus quelconque.

Par la suite, les minous sont répartis dans les diverses pièces du refuge en fonction de leur état de santé, de leur capacité à socialiser entre eux et de leur ouverture à se laisser flatter par un humain sans partir avec son pouce. Il s’agit d’un refuge, pas d’une animalerie. Il y a du chat sauvé de situations difficiles au mètre carré au Réseau Secours Animal, et ça prendra le temps que ça prendra pour que ces petits animaux apeurés acceptent de se laisser affectionner.

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Bref, ils sont tous cutes dès leur arrivée, mais il y a un protocole à suivre avant de les flatter à l’infini.

C’est d’ailleurs ce à quoi je faisais référence quand je parlais d’un refuge sans euthanasie. On ne pique pas les chats dès qu’on réalise que ça prendra plus de deux semaines pour leur trouver une famille.

On en a même connu un qui s’appelait Sunset et qui a passé les cinq dernières années de sa vie dans sa chambre privée. Il était incapable de cohabiter avec d’autres chats sans supervision et on pouvait seulement jouer avec lui à l’aide d’un jouet hissé au bout d’un bâton. J’ai réussi à le caresser une seule fois pendant une demi-minute, un moment qui demeure un précieux souvenir pour moi. À Noël l’an dernier, c’était difficile de constater qu’il n’était plus dans sa chambre, d’autant plus qu’elle porte maintenant son nom.

Sunset.
Sunset.
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C’est aussi ça, faire du bénévolat dans un refuge : apprendre par cœur l’histoire d’un paquet de chats et devoir faire des deuils parfois douloureux.

des départs positifs et négatifs

La plupart des bénévoles vous le diront, s’attacher à des chats de refuge crée des relations compliquées. On ne peut pas vraiment s’empêcher de les aimer, mais il faut garder en tête qu’ils ne restent généralement pas là longtemps. Spécialement ceux qu’on peut approcher.

L’an passé, il y avait ce p’tit minou qui était passé maître dans l’art d’escalader des humains sans pour autant les empêcher de travailler. J’aurais tellement aimé le revoir, mais la joie qu’on a eu n’était qu’un excellent indicateur qu’il était prêt à être adopté. Son frère et lui ont été adoptés ensemble et ont même maintenant leur propre compte Instagram !

Je sais déjà que cette année seulement, je vais m’attacher à une quinzaine de nouveaux félins alors que je les rencontre sûrement pour la première et la dernière fois. Ça me fait vivre toutes sortes d’émotions à chaque fois. Ceci dit, certains plus timides ou ayant une condition médicale délicate seront probablement encore là l’an prochain.

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Les minous que je reverrai sont principalement ceux qui risquent de passer leur vie au refuge. Ce ne sont donc pas les plus approchables; ce sont aussi souvent les plus vieux. Il y a des chats qui ne se remettront jamais de leurs vies passées et c’est OK. Un peu comme pour les gens, ce serait injuste de s’attendre des chats qu’ils aillent bien simplement parce qu’ils se retrouvent enfin dans un endroit plus convivial. Certains vont demeurer insécures au point de ne jamais pouvoir vivre dans une nouvelle famille.

Mais il y a aussi des chats qui nous surprennent et qui sont rapidement prêts à recevoir tout l’amour du monde malgré le fait qu’on pensait que ce serait plus long.

Beaucoup d’émotions

Mais s’il y a une chose qui me touche encore plus que les chats cutes quand je passe mon Noël au refuge, c’est de voir l’implication des bénévoles qui consacrent une grande partie de leur vie à ce lieu. Personne n’est payé et l’association fonctionne à 100 % grâce aux dons des particuliers et des entreprises qui veulent bien contribuer à sa mission.

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Vous ne pouvez pas imaginer le nombre de levées de fonds que j’ai vues exploser parce que ma meuf a consacré 15 heures à ça plutôt qu’à un passe-temps standard. Dans le corridor du refuge, il y a des peintures qui rendent hommage aux chats disparus. Personne n’a demandé aux bénévoles de faire ça. Pourtant, ils sont là toute l’année et moi, la journée sur 365 où je le suis, ça me met la larme à l’œil.

Tattie.
Tattie.

Je finis d’ailleurs le texte avec un autre deuil, mais qui me remplit de joie à sa façon. Quand j’ai commencé à passer mes Noëls au refuge, le chat que je voyais chaque année, c’était Tattie. Elle nous a quittés en 2020 à l’âge vénérable de 29 ans. Oui, elle était due. C’était toujours elle que je croisais en allant chercher mon petit biscuit de Noël dans le bureau, qui était devenu sa pièce à elle. À 29 ans, un chat ne se lève pas souvent de son lit, mais elle le faisait chaque année pour venir me saluer.

Tattie.
Tattie.
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C’était touchant et bien qu’elle ne soit plus là, j’aime l’idée qu’elle ait pu devenir ultra vieille entourée d’autres minous relaxes et de gens cool. Un endroit qui rend ça possible est quelque chose que je respecte et auquel je donnerai volontiers bien d’autres Noëls.

Sans offense au concept du réveillon en général, la tourtière de grand-maman ne sera jamais aussi cute que les locataires poilus