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Partir en vacances cet été : rêve ou renoncement ?

Éléments de réponse.

Par
Isabelle Delorme
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Certains sont français, habitent le Québec et voudraient retrouver leurs proches cet été. D’autres habitent en France, mais avaient prévu de rejoindre le continent américain pour les vacances. Tous ont le sentiment d’une perte de contrôle sur leur quotidien, et notamment ce qui est souvent pour eux le rayon de soleil de l’année : le moment où ils pourront enfin revoir leur famille – en vrai, pas sur zoom! – ou s’offrir un moment d’évasion. Un souhait d’autant plus cher en cette période d’isolement prolongé à la maison. Ils nous confient leurs doutes, leur déception, mais aussi leurs projets pour vivre la situation le plus sereinement possible.

Selon Alexandre de Juniac, directeur général de l’association internationale IATA, 40% des usagers ont indiqué en avril qu’ils vont probablement attendre 6 mois ou plus pour reprendre l’avion et presque 70% ont précisé qu’ils veulent d’abord voir leur situation financière se stabiliser avant de retourner dans les airs. Pour certains, les billets sont déjà pris et l’attente est longue…

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Des projets en suspens

La dernière fois que Claire-Marine, Montréalaise d’adoption, a vu sa famille en France, c’était il y a un an. «Avec mon conjoint québécois, nous avions prévu d’aller les voir pendant un mois du 15 juin au 15 juillet. C’était la première fois que j’avais prévu de partir aussi longtemps !», regrette la jeune femme. Son vol ayant été annulé en avril, le couple a choisi un avoir plutôt qu’un remboursement qui lui aurait fait perdre de 500 à 600 dollars selon Claire-Marine. Mais sa déception est grande.

Avec un papa en première ligne et des grands-parents âgés dans une région très touchée, la jeune Française se sent bien loin. «Mon père est pompier donc il est premier répondant, explique-t-elle. Je m’inquiète car il déplore le fait qu’ils ont une ambulance spéciale pour le COVID mais pas pour les appels réguliers».

La frustration est d’autant plus grande pour Claire-Marine qu’étant asthmatique, elle ne prévoit pas de se jeter dans le premier avion. «Je sais ce qu’est la détresse respiratoire et j’ai déjà atterri aux soins intensifs à l’âge de 12 ans, déclare la Française. Donc je suis à risque et je ne vais pas me précipiter dès que les avions vont redécoller. C’est vraiment difficile de rester plus d’un an sans voir la famille…. C’est comme une espèce de barrière irréelle, comme si subitement nous étions séparés de bien plus que 6.000 kilomètres», déplore la jeune femme.

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Depuis son appartement parisien, Caroline se réjouissait pour sa part de fêter les 18 ans de sa fille en famille au Brésil. Une escapade minutieusement préparée, d’autant plus attendue que l’année de terminale a été très studieuse pour la lycéenne qui a préparé des concours en parallèle de sa scolarité, ce qui a conduit à un rythme familial très parisien et soutenu pendant les week-ends et petites vacances scolaires.

«Nous avions calé notre voyage dès janvier, racontait Caroline lorsque nous lui avons parlé par visioconférence le 28 avril. Nous avons nos billets d’avion et avons déjà payé 50% du voyage pour payer les hôtels. Aujourd’hui, nous n’avons aucune information. Nous avons le sentiment que ça ne va pas bien se passer, mais rien qui nous confirme que le vol sera annulé ou les frontières fermées. Nous allons devoir bientôt payer la deuxième partie du séjour mais nous ne le ferons pas parce que nous sommes complètement dans l’incertitude !».

Si le couple n’était pas trop inquiet au sujet de ses billets Air France, qu’il pensait troquer contre un avoir, la situation leur paraissait plus préoccupante du côté brésilien. «Pour nos arrhes versées à des petits hôtels dans le Nordeste du Brésil, par l’intermédiaire d’une agence locale, nous avons un sérieux doute», confiait la Française, qui ignorait par ailleurs si la famille aurait le droit de quitter la France, entrer au Brésil, puis revenir en France.

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Pourtant, si les planètes étaient alignées, la famille se disait toujours partante pour cette évasion, même en période de pandémie. «Nous allions dans un endroit très désertique donc ne sommes pas inquiets. S’ils maintiennent l’avion – ce dont je doute car nous devions atterrir dans la ville de Fortaleza, une liaison qui ne sera pas forcément prioritaire pour la reprise… – nous imaginons qu’il feront ce qu’il faut pour maintenir les distances. Et puis de toute façon si j’annule de mon propre chef à ce stade, les frais seront pour moi car ce sera ma décision». Les choses se sont précisées pour Caroline depuis notre conversation, car l’agence de voyages brésilienne lui a finalement proposé un report sans frais.

Une incertitude pour quelques temps encore

Les perspectives sont donc compliquées dans l’Hexagone, pour les particuliers comme pour les professionnels du tourisme. Elles le sont a fortiori pour des déplacements à l’étranger.

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Edouard Philippe l’a clairement indiqué lors de son allocution devant l’Assemblée nationale le 28 avril consacrée au déconfinement : il faudra attendre le 2 juin au plus tôt pour avoir des précisions concernant les vacances d’été et les plages françaises resteront fermées au moins jusqu’au 1er juin. Les perspectives sont donc compliquées dans l’Hexagone, pour les particuliers comme pour les professionnels du tourisme. Elles le sont a fortiori pour des déplacements à l’étranger.

Le 19 avril, le premier ministre estimait qu’il n’était pas sûr que le transport aérien pourrait «reprendre dans de bonnes conditions rapidement». Des craintes largement relayées par les organismes internationaux dans le secteur du trafic aérien, qui annoncent une reprise lente, dont le rythme dépendra des régions. Aéroports et compagnies aériennes sont confrontés à des défis logistiques et économiques pour faire repartir leurs avions, qui sont restés des semaines sur le tarmac, tout en devant assurer la sécurité sanitaire des passagers. Dans les aéroports et avions canadiens, les masques sont désormais obligatoires et la patronne d’Air France préconise également le port de masques. Mais quelles compagnies seront encore debout ? Combien de vols pourront être assurés, et à quel prix ?

Dans l’hypothèse la plus favorable, avec une reprise en V, le trafic commencerait à reprendre fin mai (…).

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L’Organisation de l’Aviation Civile Internationale (OACI), basée à Montréal, a planché sur divers scénarios de reprise. Dans l’hypothèse la plus favorable, avec une reprise en V, le trafic commencerait à reprendre fin mai et les capacités en termes de sièges seraient réduites entre 33 à 64% en juillet et entre 18 à 54% en août 2020 par rapport à 2019. Selon le scénario le plus sombre, avec une reprise en U qui redémarrerait au mieux au troisième trimestre, les capacités en termes de sièges seraient réduites entre 74 à 85% en juillet et entre 49 à 80% en août par rapport à l’année 2019. Même chez les professionnels du secteur, on nage dans le flou.

Selon un sondage réalisé début avril sur un échantillon de 560 personnes en France par GroupExpression, seulement 48% des personnes interrogées envisageaient de partir en vacances cet été.

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Le 29 avril, le secrétaire d’Etat chargé du tourisme Jean-Baptiste Lemoyne a déclaré que «le tourisme ne pourra reprendre que de façon concentrique, dans un premier temps, avec une clientèle d’ultra-proximité». Rien ne permet d’affirmer pour l’instant que les Français auront la possibilité de pouvoir partir dans l’Espace Schengen. Les ministres européens du tourisme se sont réunis sur cette question sans dépasser pour l’instant le stade des déclarations de bonnes intentions, et Bruxelles a promis un plan pour la mi-mai au plus tard.

Une incertitude qui peut anéantir tous projets de vacances. Selon un sondage réalisé début avril sur un échantillon de 560 personnes en France par GroupExpression, seulement 48% des personnes interrogées envisageaient de partir en vacances cet été.

Une évasion, mais pas à tout prix

Caroline et sa famille cherchent un plan B en France, mais n’en ont pas pour leur argent. «Je ne sais pas si les prix flambent ou si tout le monde a déjà tout réservé, mais nous avons cherché en Provence dans des coins qui ne sont pas du tout au bord de la mer et les offres nous paraissent très chères».

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Claire-Marine elle, a décidé de «vivre au jour le jour». «La priorité du moment, c’est de rester en santé et checker que notre famille va bien. Je me dis que quand ce sera le moment de se retrouver, on sera encore plus heureux! Il y a des jours où c’est difficile, mais je ne vais pas me laisser abattre, et je vais continuer à facetimer sévère !». Quant aux vacances, la Canadienne d’adoption les imagine heureuses dans la sobriété. «Ce seront des vacances très locales. Je me réjouirai de me promener de nouveau à Montréal, profiter des espaces éphémères, écouter de la musique dans la rue… saisir les petits bonheurs», déclare la Française, philosophe.

Laure est parisienne, mais une partie de sa famille est installée en Guadeloupe. Ses parents s’y sont retrouvés bloqués au début du confinement à l’occasion d’un séjour pour retrouver la famille. Elle hésite à les y rejoindre cet été. «Ils ne savent pas quand ils pourront revenir, raconte Laure. Mon compagnon et moi n’avons fait aucun plan pour les vacances. Nous allons suivre comment les liaisons avec la Guadeloupe évoluent, en ce moment il y a toujours trois liaisons Air France par semaine.»

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Mais ce n’est pas la disponibilité des vols qui inquiète Laure. «Est-ce que je vais représenter un risque pour mes parents ? Ils font très attention, des cousins leur font leurs courses en gardant leurs distances. Je peux peut-être me confiner un moment en arrivant…», s’interroge la Française. Si ce n’est pas raisonnable, Laure restera en France. Pourquoi pas à la montagne, dont on ne profite jamais assez pendant l’été ?

Encore faudra-t-il pouvoir se déplacer. Car, dans l’attente des décisions annoncées par le gouvernement, le tourisme interne soulève des questions. Pourra-t-on se déplacer entre les régions, poser sa serviette sur une plage ou aller à la piscine ? Devant les difficultés rencontrées par le secteur du tourisme, un groupe de députés LR a d’ailleurs proposé de décaler les grandes vacances du 15 juillet au 15 septembre.

Le Guide du Routard est néanmoins en train de plancher sur ses 40 guides permettant de (re)découvrir nos jolies régions de France. Quant au Québec et au Canada, les Français installés sur place n’ont pas fini d’y découvrir de nouvelles pépites même si, là aussi, il n’y a aucune certitude sur la possibilité de se déplacer librement cet été.

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