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Parrain-marraine : un rôle encore utile ?

C’est une responsabilité qui va au-delà des cadeaux.

Par
Caroline Décoste
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Deux lignes roses. Tout de suite après : « Félicitations ! C’est pour quand ? » (Réponse : quand bébé va se décider), « P’titgars ou p’tite fille ? » (Réponse : je sais pas, le genre est une norme sociale) et « Avez-vous des noms en tête ? » (Réponse : on va se décider quand on va voir sa tête), la next question est souvent : « Ça va être qui, les parrain-marraine ? », surtout si la personne à qui tu parles espère que la réponse soit « toi ».

Mais, dans une France où la religion catholique fait figure de décoration vintage, ça sert à quoi d’octroyer ce titre à des gens ? Ça symbolise quoi, si c’est pas un accompagnement le long d’un chemin spirituel ? Puis imagine que tu te trompes puis que le parrain se casse ou que tu t’embrouilles avec la marraine?

On est sur les grosses questions philosophiques, aujourd’hui.

Pour se construire un village

Meilleur échantillon pour un sondage : demander à mes ami.e.s sur Facebook leur opinion là-dessus. C’est pas l’IFOP, mais ça fait le taf.

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L’idée d’élargir la famille par des rôles symboliques revient souvent chez les parents milléniaux. Comme pour Mariève, qui a choisi son amie Stéphanie comme marraine pour son aînée. « La choisir comme marraine de Loulou est l’une des meilleures choses que j’ai faites pour ma fille. » Tatatie, comme Loulou l’appelle, a prodigué du temps de qualité et un espace d’écoute à sa filleule de 3 ans quand les jumeaux sont arrivés, alors que Mariève et son conjoint en avaient plein les bras.

« Je voulais que quand Loulou serait ado pis qu’elle allait m’haïr, parce que ça va arriver, qu’elle ait en Steph une adulte significative vers qui se tourner. Quelqu’un dont je connais les valeurs, qui pourra l’écouter et la conseiller. C’est pour moi un filet de sécurité. »

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Même son de cloche chez Josiane, qui a fait son choix en fonction « autant de la géographie que des liens du cœur. Mon mec et moi, on a nommé une amie très fidèle, présente, aimante, fiable, qui n’allait pas disparaître dans la nature. » Josiane pense déjà aux éventuelles tempêtes de l’adolescence et voulait offrir à sa fille « un endroit où elle serait accueillie à bras ouverts, sans jugement, avec beaucoup de care. »

Des parrains emo

Recevoir le titre de parrain-marraine est souvent gratifiant, sentimentalement parlant, même si on n’a pas l’intention de faire une virée shopping au Toys’r’Us à chaque visite.

Faut lire les tendres déclarations de mes amis mecs, qui se sont empressés de répondre à mon appel. Pour Mathieu, être nommé sur le tard comme parrain du fils de sa meilleure amie a été un grand honneur. « Pour Jo-Annie, je pense que c’est une façon de me rentrer officiellement dans la famille. Avec un titre autre que “mon ami Mathieu”, parce que notre relation est plus profonde que ça, mais y a pas de mots pour l’exprimer. »

Gabriel, lui, n’a pas hésité une seconde quand un couple d’amis lui a offert d’être parrain de leur fille, Lily. « On a notre abonnement au théâtre jeunesse et on mange des hot-dogs ketchup-moutarde. On écoute des films qui font “un peu peur” et je lui lis des albums qui contiennent un minimum de bruits de pets. Je tente de lui transmettre un peu de ce que j’aime dans la vie, de mes intérêts, et je m’émerveille de découvrir la personne qu’elle devient avec le temps. J’en retire beaucoup d’amour et de fierté. »

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Si t’as pas un peu les larmes qui montent aux yeux en lisant ça, vérifie si ton canal lacrymal n’est pas bouché.

Des fois, ça sert à rien

Parfois, le titre est surtout honorifique, malgré toute la bonne volonté des deux partis.

C’est ce qui est arrivé à Bianca (nom fictif) quand son frère a eu son premier enfant. « J’étais intéressée à bâtir une relation significative avec son enfant, vu que j’étais la marraine. Mais mon frère puis sa meuf sont tellement des gens occupés que je pouvais quasiment jamais les voir ! Finalement, je suis devenue la tante qui donne un gros cadeau deux fois par année, et c’est pas mal tout. Je suis déçue, c’est sûr. »

D’autres fois, on peut même se passer du gros cadeau (qui n’est jamais nécessaire anyway) et du titre. « Mon mec et moi, on ne s’est juste pas posé la question. Le concept de parrain-marraine n’a aucune signification pour nous. Je me suis toujours dit que je faisais des enfants pour moi, pas pour mettre une responsabilité additionnelle sur les autres », explique Véronique, mère de trois enfants d’âge scolaire. Son point de vue sur la question est somme toute assez rationnel.

« Quand tu deviens parent, tes amitiés peuvent changer. Je suis contente de ne pas avoir nommé parrain ou marraine une personne avec qui je n’ai plus d’affinités, aujourd’hui ! »

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Les cadeaux sont-ils vraiment plus gros ?

Perso, si j’avais voulu recevoir de gros cadeaux avec le concept de parrain-marraine, je me serais fait plus d’ami.e.s fiscalistes ou avocat.e.s (les auteur.rice.s, c’est pas super riche, hein?), ou j’aurais convaincu mon beau-frère de devenir radiologiste.

Ce que lui et sa meuf apportent à mon aînée, qui a maintenant 9 ans, est davantage de l’ordre humain. Elle a droit à des cartes faites maison, à des sorties à l’aquarium, à une lanterne Totoro faite à la main qui rend toutes ses amies jalouses (et moi aussi). Elle a aussi droit à une relation privilégiée avec des adultes qui la traitent avec bonté et qui lui enseignent la gratitude au-delà du matériel.

Et ça, c’est un putain de gros cadeau.