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Oui, le documentaire de Netflix sur Pamela Anderson vaut amplement le détour
De vieilles VHS, des pages de journaux intimes, des photos personnelles, des révélations inédites: dans Pamela, a love story, l’ex-star d’Alerte à Malibu se livre avec générosité, intelligence et autodérision.
Le documentaire, diffusé sur Netflix et produit par le fils de l’actrice et mannequin américano-canadienne, offre une réflexion sensible et bouleversante sur l’exploitation, les violences patriarcales et l’empowerment d’une icône qui reprend enfin le contrôle de l’image qu’on lui a dérobée.
Une étoile est née
Il était une fois une jeune femme originaire de l’île de Vancouver, en Colombie-Britannique. Enfance trouble, père alcoolique, gardienne abusive, viol aux mains d’un homme de 25 ans alors qu’elle en avait 12 : le film réalisé par Ryan White dresse un portrait sensible de celle qui deviendra l’une des stars les plus emblématiques du monde.
Après avoir été repérée par hasard dans un stade de football canadien, Pamela Anderson entame sa carrière en posant pour des publicités de la marque Labatt. Celle qui se décrit alors comme une jeune femme timide s’envole pour Los Angeles, où on lui ouvre grand les portes du Playboy Mansion. Ses multiples apparitions dans les pages de la revue coquine la mènent tout droit vers les plages californiennes, alors qu’elle décroche le rôle de Casey Jean Parker dans Alerte à Malibu (Baywatch). Et comme on dit en anglais, the rest is history…
Bombe à retardement
Même si elle n’a pas mis les pieds à Malibu ni posé pour Playboy depuis belle lurette, ce sont ses innombrables images en bikini, ses photos nues, sa généreuse poitrine et ses yeux aguicheurs qui nous viennent d’abord en tête quand on pense à Pamela Anderson. Et c’est justement cette image de bombe sexuelle écervelée que la star essaie de nuancer en prenant aujourd’hui la parole.
À travers des confidences, des images d’archives et des vidéos maison, l’actrice de 55 ans reprend le pouvoir sur son histoire, trop longtemps racontée par d’autres.
On fait la rencontre d’une femme résiliente […] qui livre un discours poignant sur la condition des femmes exploitées par une industrie aux valeurs patriarcales.
J’avais peu d’attentes en commençant le film. Je ne connaissais pas tellement le personnage. Je n’avais pas regardé Pam & Tommy, la minisérie de Hulu qui revient sur le scandale de la sex tape de Pamela Anderson et de son ex-mari Tommy Lee, que l’actrice a d’ailleurs toujours refusé de visionner. De surcroît, je ne m’étais jamais véritablement questionnée sur ce qui se cachait derrière les maillots de bain, les pulpeux attributs et l’iconique chevelure blonde la centerfold girl.
Au fil du documentaire, on fait la rencontre d’une femme résiliente, sensible et brillante, qui livre en filigrane un discours poignant sur la condition des femmes malmenées et exploitées par une industrie aux valeurs patriarcales et misogynes.
Pourtant, c’est pour se réapproprier sa sexualité que Pamela Anderson accepte initialement de poser pour la célèbre revue de Hugh Hefner. « Je l’ai fait de façon magistrale », raconte-t-elle, à propos de l’affirmation d’elle-même à travers la mise en scène de son corps et de sa sensualité. « J’ai senti que je n’étais pas seulement belle, mais douée pour ça. Je me suis sentie libérée. »
Beaucoup interpréteront la féminité exacerbée et la sexualité assumée de la playmate comme un assujettissement au désir des hommes. Mais pour Anderson, il s’agit plutôt d’une performance empreinte de liberté. « Dans les posters centraux de Playboy, je jouais un personnage », considère-t-elle. Dès lors, elle embrasse une conception positive de la sexualité féminine (sex positive), des idéaux qui se retourneront contre elle.
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Et si on parlait de vos seins ?
À la suite du succès planétaire de Baywatch dès 1992 et de sa participation au navet Barb Wire, quatre ans plus tard, contenu dans lequel Pamela Anderson apparaît tour à tour en maillot de bain rouge et en tenues de cuir moulantes, les journalistes, chroniqueurs et chroniqueuses du monde entier n’en ont plus que pour une seule chose : ses seins !
Ryan White nous présente une revue de presse extrêmement dérangeante au cours de laquelle les animateurs.rices les plus en vogue des années 90 l’interrogent sur sa poitrine, son décolleté, ses sous-vêtements et ses implants.
« Je voulais faire quelque chose de plus intéressant que mes seins ! »
Bien qu’elle garde le sourire et fasse appel à l’humour, un moyen de défense féminin classique, l’actrice admet désormais que « c’est si déplacé de poser ce genre de questions à une femme. Il devrait y avoir des limites à ne pas dépasser. Je voulais faire quelque chose de plus intéressant que mes seins ! »
À travers tous ces exemples se dessine l’histoire d’une femme, très belle, certes, que la société, les médias et Hollywood ont enfermée dans un carcan, la réduisant à son image sexualisée à outrance.
« Après la Baywatch, on ne m’a proposé que des rôles très sexuels, poursuit la star de 55 ans. Je me suis retrouvée coincée dans une caricature. Et je me suis surprise à devoir vivre dans cette caricature ».
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Une histoire d’exploitation et de slut shaming
Que l’on fasse référence à son enfance marquée par plusieurs abus, l’utilisation univoque de son image hypersexualisée, ses relations avec ses nombreux maris et l’argent engendré par la distribution excessive de la fameuse sex tape volée et diffusée massivement sur le web, l’histoire de Pamela Anderson se déploie sous le signe de l’exploitation.
Son récit personnelle résonne toutefois beaucoup plus largement. En effet, le parcours de l’actrice me rappelle le destin de Marilyn Monroe qui a elle aussi été tragiquement prisonnière d’une image de bimbo superficielle.
Pamela Anderson cherche à se définir dans un monde jonché d’injonctions à l’égard des femmes, jusqu’à devenir victimes de ces mêmes standards.
À l’instar de la vedette de Some Like It Hot, Pamela Anderson cherche à se définir dans un monde jonché d’injonctions à l’égard des femmes, jusqu’à devenir victimes de ces mêmes standards. En outre, ces femmes sont célébrées pour leur beauté, leur minceur, leur blondeur, leur sensualité, mais se voient insultées et ridiculisées pour ces mêmes caractéristiques. Stupide, superficielle, soumise, idiotes : la liste des insultes misogynes lancées aux Pamela Anderson et aux Marilyn Monroe de ce monde est longue.
Le documentaire de Ryan White pose également la question des violences patriarcales auxquelles a été confrontée Pamela Anderson. Harcèlement, agressions sexuelles, violences conjugales : tant d’hommes ont cherché à prendre le contrôle de l’actrice, qui fait aujourd’hui résonner sa voix en toute humilité.
Ceci étant dit, il ne faut pas croire que ce cercle vicieux est derrière nous. Récemment, Millie Bobby Brown, Scarlett Johansson, Megan Fox, Sophia Bush, Emily Ratajkowski et plusieurs autres actrices se sont exprimées sur les violences physiques et psychologiques ainsi que sur les impacts de l’hypersexualisation dont elles ont pu faire l’objet au cours de leur carrière.
C’est d’ailleurs le paradoxe élaboré par Emily Ratajkowski dans son livre My body. Si l’actrice et mannequin y parle de son corps, « c’est d’abord pour rappeler qu’[elle] a un esprit ». Celle qui admet avoir acquis un statut parce qu’elle plaisait aux hommes et correspondait aux standards de beauté revendique désormais le droit d’afficher sa sexualité sans pour autant être réduite à son apparence physique.
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Petite nouvelle : les femmes peuvent être belles et sexy tout en étant intelligentes et rigoureuses. La journaliste Monic Néron en a d’ailleurs documenté les paradoxes dans une passionnante enquête à son émission de radio Le genre humain.
En plus d’engendrer des réflexions criantes d’actualité, Pamela, a love story donne à voir une femme attachante, intelligente et profondément lucide.
« Pamela a traversé un nombre incroyable d’épreuves, mais pour une raison ou une autre, elle n’a jamais perdu sa fibre romantique, son optimisme, sa candeur », a récemment révélé Ryan White à La Presse. « Je savais qu’en disséquant le phénomène et qu’en déboulonnant le mythe dans un film, ça donnerait quelque chose d’intéressant. »
Si le documentaire suggère que lesdites épreuves rencontrées par la star ont eu raison de sa carrière jusqu’à aujourd’hui, je suis convaincue que, forte de ses 55 ans, Pamela Anderson saura raviver l’étoile allumée il y 30 ans. Et je parle ici de son étoile à elle, pas celle imaginée par les autres.