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Où en est la révolution promise par la fausse viande ?

Le futur à base de plantes devra patienter encore un peu.

Par
Billy Eff
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Avec la pandémie, de plus en plus de gens ont fait le choix de limiter ou arrêter complètement leur consommation de viande. Notre sensibilité face aux changements climatiques est à son pic et nous sommes conscient.e.s que notre amour de la chair animale a son rôle à jouer. Pourtant, il semble que la fausse viande ne nous intéresse pas tant que ça non plus.

Depuis l’introduction en bourse de Beyond, leader dans ce secteur alimentaire, le prix de ses actions a dégringolé de près de 93%. La compagnie a renvoyé 20 % de ses employé.e.s et près de la moitié de ses cadres, mais a également mis sur glace des projets de recherche et développement, incluant celui de la saucisse à hot-dog végane. Si Impossible se porte légèrement mieux, reste que ce segment de produits recule en popularité et a enregistré des baisses de ventes en 2022.

Alors où en est cette fameuse révolution ?

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Un futur sans viande

Si vous avez déjà été végétarien.ne, vous savez qu’on vit probablement dans la meilleure ère pour le devenir. La plupart des restaurants, fast-foods et cantines proposent maintenant des alternatives végés. Non, pas juste du champignon grillé ou des galettes de végé-pâté peu alléchantes : des croquettes qui rappellent vraiment le poulet ultra-transformé et même de la fausse viande faite à partir de protéines de pois qui goûte le bœuf.

Ça fait des années que l’on parle de cette révolution de la fausse viande comme la révolution alimentaire du siècle pour réduire l’énorme empreinte carbone causée par l’élevage de bétail. Lorsqu’en 2019, Beyond a été introduit en bourse pour près de 4 milliards de dollars, ce fut la plus grande entrée depuis la crise de 2008.

En 2022, le nombre de consommateurs.rices qui en achètent « parfois » n’a pas augmenté, restant à 47 %

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Cette nouvelle technologie a piqué l’intérêt de grand.es investisseurs.euses comme Leonardo Di Caprio, Tyson Foods (le plus grand transformateur de vraie viande au monde) et même Bill Gates qui a aussi investi dans Impossible, le compétiteur de Beyond.

Mais, malgré tout l’engouement suscité par cette nouvelle manière de manger, le public n’est simplement pas au rendez-vous. Récemment, la firme Deloitte identifiait quelques-uns des problèmes de cette industrie tout en offrant des explications.

L’alimenflation

Si chez vous, c’est vous qui achetez la bouffe, inutile de vous rappeler que tout coûte plus cher, et ce pour une variété de raisons qu’on s’amuse à recenser depuis trois ans.

Le coût des aliments, en particulier, a drastiquement augmenté, ce qui n’est pas une bonne nouvelle pour les compagnies de fausse viande. Étant encore à leurs débuts, celles-ci chargent un prix fort pour leurs produits, car elles ont besoin d’argent pour produire plus et mieux.

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En avril dernier, un rapport de l’Université de Dalhousie relevait que la fausse viande coûtait en moyenne 38 % plus cher que la vraie viande malgré l’explosion des prix de la viande. De plus, la guerre en Ukraine a affecté la chaîne d’approvisionnement en matières premières de fausse viande, soit les pois, le blé, le soja et les pommes de terre.

Notre relation avec le poulet BBQ, les burgers, le bacon et le steak n’est pas anecdotique : elle est imbriquée dans le tissu de notre identité.

Si plusieurs non-végétarien.ne.s se disaient prêt.e.s à payer un peu plus pour de la fausse viande il y a quelques années, il est difficile de leur demander la même chose dans une période d’inflation où chaque centime compte. Selon les consommateurs.rices, quitte à devoir payer plus cher, ce serait pour de la vraie viande d’excellente qualité.

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Le but d’Impossible, Beyond et comparses est d’un jour arriver à vendre leurs produits au même prix, voire moins cher, que la viande traditionnelle. Et si le coût de la viande continue d’augmenter, peut-être que cela arrivera plus tôt que prévu. Pour l’instant, convertir le public à un produit plus cher en période d’inflation reste compliqué.

L’offre ratrappe la demande

La théorie initiale de Beyond et Impossible était que le jour où le prix et le goût de la fausse viande seraient comparables à celui de la vraie, les gens arrêteraient de consommer de la viande animale. Mais notre attachement à la viande est culturel. Notre relation avec le barbecue, les steaks et autres saucisses n’est pas anecdotique : elle est imbriquée dans le tissu de notre identité.

Et le fait que les dirigeant.e.s de ces compagnies n’aient pas su identifier cette complexité dès le début prouve que ces personnes ne sont pas issues du monde de l’alimentation, mais bien de celui des sciences de la technologie. En ce sens, Impossible et Beyond sont des compagnies de tech et sont évaluées ainsi, de la même manière que McDonald’s est avant tout une compagnie immobilière et que Starbucks est essentiellement une banque.

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Les avancées dans le goût de la viande artificielle ont eu une influence sur sa popularité, mais des expert.e.s estiment que le segment de la population ouverte à consommer et acheter régulièrement ces produits est peut-être déjà saturé. En 2022, le nombre de consommateurs.rices qui en achètent « parfois » n’a pas augmenté, restant à 47 %. Et, selon Deloitte, « l’autre 53 % qui n’en achète pas pourrait être difficile à joindre, en partie à cause de la résistance culturelle à un produit qui pourrait être vu comme étant woke ». Il y en aura pas de facile.

Le Washington Post identifie également un argument de vente qui, pour certain.e.s, pourrait être un obstacle : on dirait de la vraie viande. Il est donc possible que les personnes qui ne consomment pas de viande pour des raisons éthiques et morales soient dégoûtées par quelque chose qui se rapproche de la chair d’animal mort et préfèrent opter pour des légumes ou un aliment moins ultra-transformé qu’une galette Impossible.

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La situation est semblable à quelqu’un.e qui aurait une grande conscience de l’environnement : la mise en marché d’un pick-up électrique ne les poussera pas nécessairement à s’en acheter un, si les modes de transport actif et en commun font déjà partie de ses habitudes.

Malbouffe à base de plantes

Le terme « à base de plantes », autrefois associé au segment « santé » de l’agroalimentaire, est utilisé pour tout et pour rien, ces jours-ci : il a perdu de son lustre en devenant un terme marketing.

Mais, comme le rapporte Deloitte, cette perception du public est en train de changer et même chez les adeptes de fausse viande, l’aspect santé semble perdre du terrain. En 2021, 68 % des consommateurs.rices de viande alternative croyaient qu’elle était meilleure pour la santé que celle animale. En 2022, cette proportion a baissé à 60 % et un regard de plus en plus critique est posé sur sa composition. Idem du côté de la perception de la durabilité qui a baissé de 5 % l’an dernier.

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Selon les consommateurs.rices, quitte à devoir payer plus cher, ce serait pour de la vraie viande d’excellente qualité.

Si les galettes de fausse viande ont envahi les menus de fast-foods en 2021, la plupart de ces articles véganes ont vite été retirés soit par manque d’approvisionnement, soit parce que les ventes n’étaient juste pas au rendez-vous.

McDonald’s, qui s’était associé à Beyond pour créer le McPlant, ne vendait que 20 sandwiches par jour dans les magasins qui l’offraient. Lancé en grande pompe, le burger végétarien a été discrètement retiré des menus de l’enseigne américaine.

Tout ça n’est pas pour dire que la viande artificielle est vouée à l’échec. La technologie continuera de s’améliorer, les entreprises auront assez d’argent pour mieux contrôler leurs chaînes d’approvisionnement et de production et on verra de plus en plus de compétition dans le secteur. C’est peut-être le calme avant la tempête pour cette industrie qui pourrait dès maintenant se mettre à changer les habitudes alimentaires d’une nouvelle génération. Mais ça, ça prend toujours du temps !

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