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Oscar 2023 du meilleur film : on a tout regardé pour vous
La 95e cérémonie des Oscars aura lieu le 12 mars prochain au Dolby Theatre à Los Angeles. Cette remise de prix annuelle veut à la fois tout et rien dire, pour les artisans du métier. À la fois perçue comme la consécration ultime du septième art et la célébration incestueuse d’un trop petit milieu qui se récompense lui-même année après année, elle continue néanmoins de faire jaser la planète cinéma. Pour le meilleur comme pour le pire.
Encore une fois cette année, dix longs métrages sont dans la course pour la statuette ultime : l’Oscar du meilleur film. Et comme à chaque édition, je me fais un devoir de tous les regarder et de vous proposer un petit guide des candidats nécessaires, moins nécessaires ou même inexplicables. Parce que personne, à part peut-être le gars d’URBANIA qui couvre les films et la télé, n’a le temps ou l’envie de se taper les dix en un seul mois.
à l’ouest rien de nouveau
Adapté du court roman d’Erich Maria Remarque, À l’Ouest rien de nouveau raconte la Première guerre mondiale du point de vue des Allemands. À travers les yeux de son jeune protagoniste Paul Baümer (joué par Felix Kammerer), on y confronte la désinformation, la cruauté, la terreur et la mort qui rôde de scène en scène.
La séquence d’ouverture du film est de loin la plus brutale et saisissante de tous les candidats à l’Oscar du meilleur film, mais elle révèle pas mal tout ce qu’on doit savoir sur la trame. Pendant 147 minutes, on y voit principalement de jeunes garçons terrifiés et des morts violentes. C’est bon, mais ça vient à jouer sur le moral après un bout.
Est-ce que c’est nécessaire de le regarder ? Non, mais c’est disponible sur Netflix.
Est-ce que ça va remporter l’Oscar ? Non plus. C’est une sorte de tradition à Hollywood de mettre en nomination des films de guerre et de ne jamais les faire gagner. Le dernier à avoir remporté la statuette est The Hurt Locker, en 2009.
Avatar 2 : la voie de l’eau
On continue avec l’improbable suite de l’écofantaisie de James Cameron que personne ne voulait vraiment voir en 2009, mais que tout le monde a vu quand même parce qu’elle promettait une utilisation révolutionnaire de la technologie 3D. Quatorze ans plus tard, Avatar : The Way of Water vient raconter la suite directe des aventures du courageux guerrier Jake Sully.
En toute transparence, j’ai beaucoup mieux aimé Avatar 2 que son prédécesseur. Il existe plusieurs similarités entre les deux films, mais le nouveau volet de la série offre un scénario mieux ficelé avec des enjeux plus immédiats et surtout moins abstraits que les films de Marvel où tout le monde sauve l’univers aux cinq minutes.
Est-ce nécessaire de le regarder ? Non, mais vous pourriez faire pire. C’est un bon film à visionner en famille ou en présence d’auditoires aux sensibilités radicalement différentes.
Est-ce que ça va remporter l’Oscar ? Ce serait très surprenant. Il existe un lobby populaire en faveur des films « grand public » aux Academy Awards, mais cette nomination est probablement une forme de remerciement pour avoir renfloué les coffres de l’industrie.
The Banshees of Inisherin
Un film on ne peut plus irlandais à propos d’un divorce amical entre deux chums de brosse qui escalade lentement, mais inévitablement en guerre froide. À la base une comédie satirique, The Banshees of Inisherin est parfois drôle, parfois extrêmement déprimant. Il s’agit également du troisième film du réalisateur Martin McDonagh à être sélectionné aux Oscars.
The Banshees of Inisherin est tout d’abord une métaphore pour la guerre civile irlandaise, mais c’est aussi beaucoup plus que ça. On se heurte à des questions difficiles et encore peu débattues comme l’importance de laisser un héritage et le refus d’accepter sa propre insignifiance. Mon film préféré de cette cohorte.
Est-ce nécessaire de le regarder ? Ça vaut le coup, en tout cas. C’est un film intelligent, accessible et avec beaucoup de cœur.
Est-ce que ça va remporter l’Oscar ? Ça me surprendrait beaucoup. Je le lui souhaite, mais c’est quand même un film très existentiel et insulaire. La tendance est aux œuvres plus rassembleuses, depuis quelques années.
Elvis
Un film « biographique » qui dresse un portrait très flatteur du roi du rock’n’roll. Narré par son gérant et principal tortionnaire, Tom Parker (interprété par Tom Hanks), Elvis raconte l’histoire d’un jeune homme charismatique, mais naïf qui tombe en proie à tous les pièges de la vie de rockstar : drogue, adultère, entourage prédateur, etc.
On s’entend, Elvis Presley et Baz Lurhmann (le réalisateur de Moulin Rouge et Romeo + Juliet), c’est une combinaison gagnante. Ce qui est bien à propos de ce film, c’est qu’il retrace l’idée d’Elvis dans la culture populaire au lieu de faire un portrait réaliste de la mégastar du siècle dernier. C’est peut-être un paquet de faussetés, mais c’est pas grave.
Est-ce nécessaire de le regarder ? Maintenant qu’Elvis est cancel, je dirais non. C’est un bon film, par exemple. Ça donne envie d’agiter violemment les hanches.
Est-ce que ça va remporter l’Oscar ? Il y a dix ou vingt ans, peut-être. Aujourd’hui, c’est peut-être le candidat qui a le moins de chances de l’emporter.
Everything Everywhere All at Once
Le plus grand coup de cœur consensuel de la critique et des auditoires en 2022. Everything Everywhere All at Once raconte l’histoire d’Evelyn (Michelle Yeoh), une immigrante chinoise de première génération, qui déteste sa vie et se retrouve malgré elle dans un conflit interdimensionnel, entourée d’autres versions de ses proches. Oui, c’est un peu compliqué.
Opinion impopulaire : je n’ai pas tant tripé que ça sur Everywhere All at Once. J’ai trouvé ça coloré et ambitieux, mais le rythme trois-gags-par-seconde et la suite sans fin de combats de kung-fu contre des personnages peu ou pas importants dans l’histoire m’ont un peu saoulé. Oui, c’est comme du Marvel intelligent… mais j’aime pas Marvel.
Est-ce nécessaire de le regarder ? Absolument. C’est le genre de film à propos duquel il est important de former sa propre opinion. Son succès sera aussi d’une importance capitale pour le futur du cinéma indépendant.
Est-ce que ça va remporter l’Oscar ? C’est mon favori. Surtout qu’il n’a pas gagné le Golden Globe. L’Académie aime bien surprendre depuis quelques années, mais les astres semblent alignés pour le triomphe de ce petit film aux idées folles.
The Fabelmans
Après avoir passé une décennie complète à essayer tant bien que mal de récolter un dernier Oscar du meilleur film, Steven Spielberg a finalement lâché prise et semble depuis quelques années retrouver le feu sacré avec un remake plutôt ingénieux de West Side Story en 2021 puis l’histoire de sa jeunesse en 2022 avec The Fabelmans.
The Fabelmans, c’est une sorte de conte pour tous. Quelque part entre le souvenir personnel et le réel merveilleux, le film retrace le parcours d’un jeune artiste qui rencontre l’amour de sa vie : une caméra. C’est simple, doux et inspirant. Si vous êtes artiste, c’est certain que vous y trouverez votre compte.
Est-ce nécessaire de le regarder ? Zéro. Vous pouvez passer à côté si ça ne vous intéresse pas. Ça ne jouera jamais dans les rétrospectives de Spielberg.
Est-ce que ça va remporter l’Oscar ? J’en doute très fort, mais c’est pas impossible. Ce serait trop convenu comme choix.
Tár
L’idée même d’un film de près de trois heures à propos d’une compositrice et cheffe d’orchestre qui n’a jamais existé est très improbable, mais elle fonctionne. Je vous le jure. Au-delà d’une étude de personnage poussée et audacieuse, Tár évoque un paquet d’idées à propos de la beauté, de l’inventivité et du sacrifice.
Tár n’est pas un film pour tout le monde. Pas que ce soit très confrontant ou quoi; une bonne partie du grand public va simplement trouver ça nul. Pour apprécier ce film à sa juste valeur, il faut avoir une certaine curiosité à propos de la création, du monde de la musique et un appétit pour les conversations-fleuves entre intellos.
Est-ce nécessaire de le regarder ? Je vous dirais même que c’est le genre de film qui se regarde deux ou trois fois sans que l’expérience devienne répétitive.
Est-ce que ça va remporter l’Oscar ? Si on y va au mérite artistique et cinématographique, Tár devrait être un des favoris. C’est peut-être un peu dense et académique pour gagner, mais c’est un choix qui se défendrait très bien.
Top Gun : Maverick
L’idée même d’une suite à Top Gun plus de trente-cinq ans après l’origine est plutôt curieuse. Personne ne semblait en ressentir particulièrement le besoin. Le personnage iconique de Tom Cruise revient à l’école de pilotage militaire pour y donner un cours en accéléré à de jeunes soldats avant une mission des plus dangereuses.
On crédite beaucoup Tom Cruise et Top Gun : Maverick pour avoir sauvé le cinéma en 2022 en engrangeant près d’un milliard et demi en revenus. Pas que ce soit un mauvais film (loin de là), mais c’est très similaire au premier et, bien que je sois heureux que cette suite existe, méritait-elle d’être mise en nomination aux Oscars? Pas sûr.
Est-ce nécessaire de le regarder ? Une meilleure idée serait de simplement revoir l’original. À moins que vous ne soyez un homme blanc vieillissant qui ressentirait un besoin irrépressible de voir un autre homme blanc vieillissant péter de jeunes freluquets au football.
Est-ce que ça va remporter l’Oscar ? À moins que Tom Cruise ait des photos compromettantes de plusieurs membres de l’Académie, je ne crois pas.
SANS FILTRE
Ruben Östlund est réputé pour ne pas faire dans la dentelle et son petit dernier fait grincer les dents aussi bien que n’importe quel film des frères Coen. On y suit Carl (Harris Dickinson), un mannequin émergent, et Yaya (la regrettée Charlbi Dean), une influenceuse, à bord d’une croisière pour ultra-riches qui tourne au vinaigre.
Sans filtre est l’histoire de ces trois actes. Ça commence comme le meilleur film que j’ai vu depuis 5 ans, ça évolue en une très bonne comédie politique et ça finit un peu facilement avec la même réflexion sur la vacuité des riches que tout le monde semble avoir depuis quelques années. C’est très bon, mais il y a un je-ne-sais-quoi d’insatisfaisant.
Est-ce nécessaire de le regarder ? Pas si vous avez vu White Lotus, The Menu et autres. Vous avez déjà compris le principe.
Est-ce que ça va remporter l’Oscar ? L’art fait par des riches où on y torture des riches a la cote depuis deux ou trois ans. C’est très possible.
Women Talking
Le négligé de la cuvée. Parue en salles le 23 décembre dernier en plein délire médiatique Avatar : The Way of Water, l’adaptation du roman de Miriam Toews à propos des femmes d’une colonie mennonite en Bolivie est carrément passée inaperçue. Je n’avais aucune idée de son existence avant sa nomination aux Oscars.
Sur papier, ce film n’a rien pour me plaire. Il parle d’une réalité qui m’est lointaine, vécue par une communauté qui m’est plus lointaine encore. Ce fut cependant un de mes films préférés en nomination, avec Tár et The Banshees of Inisherin. Un scénario robuste et des performances mémorables m’ont gardé rivé à mon écran. Rooney Mara y est impériale.
Est-ce nécessaire de le regarder? Pour l’instant, il vous faudra vous rendre au cinéma pour le voir, mais ça en vaut la peine.
Est-ce que ça va remporter l’Oscar? Il y a très peu de chances que ça se produise, mais dans un monde juste, ce serait un des favoris.