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On parle du documentaire sur Dinosaur Jr. avec J Mascis

Entretien avec une légende de la guitare (et de l'expression monosyllabique).

Par
Benoît Lelièvre
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Il n’y a pas d’entre-deux lorsqu’on parle du groupe rock américain Dinosaur Jr. : soit on adore, soit on ne connaît pas du tout.

Fondé en 1984 à Amherst au Massachusetts par le légendaire Joseph « J » Mascis, Lou Barlow et Emmett Jefferson « Murph » Murphy sous le nom Dinosaur, Dinosaur Jr. a influencé une génération entière de musicien.ne.s malgré qu’aucun de ses albums n’ait franchi la 44e position sur les palmarès de l’époque. C’est le groupe préféré de votre groupe préféré et probablement le groupe préféré du nerd de musique dans votre vie.

J’ai eu la chance de voir le documentaire Freakscene – The Story of Dinosaur Jr. Adepte de Dinosaur Jr. depuis l’âge de 12 ans (ben quoi ? j’ai toujours aimé la grosse guit), j’ai appris beaucoup de choses à propos des tensions qui ont déchiré le groupe et mené à sa séparation en 1997, et au sujet des raisons qui ont permis la réunion (et aussi la grande réconciliation) en 2005.

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J’ai également eu la chance d’en parler avec J Mascis lui-même pour éclaircir des zones d’ombres dans l’histoire racontée, face à face sur Zoom. Les cheveux en bataille, sirotant son p’tit café matinal, il a répondu à mes questions avec toute la patience et le stoïcisme monosyllabique qu’on lui connaît.

Dans Freakscene, Murph et toi mentionnez que les premières années de Dinosaur Jr. n’étaient pas agréables du tout. Qu’est-ce qui n’était pas agréable au juste ? Être ensemble ? Le processus créatif ?

On vivait dans des conditions très austères. On était beaucoup sur la route. Notre van était toujours au garage. C’est ce genre de choses qui pesaient lourd.

Qu’est-ce qui vous a gardé ensemble pendant toutes ces années alors ?

La musique. On savait qu’on était bons ensemble. C’est dur à comprendre si t’as jamais été dans un band, mais quand tu tiens quelque chose de spécial, tu vas te battre pour que ça fonctionne.

Un autre aspect que le film a mis en lumière, c’est la tension entre Lou et toi. Elle semblait exister avant même la formation du groupe, est-ce que je me trompe ? À un moment donné, Lou raconte qu’il était surpris que tu lui demandes de se joindre au groupe parce qu’il croyait que tu le détestais. Pourquoi est-ce qu’il pensait ça ? En avez-vous parlé ensemble ?

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Lou ne parlait pas du tout à l’époque. Comme on peut le voir dans le film, c’est quelqu’un de très introverti. J’ai toujours eu une forte personnalité alors je suppose que ça accrochait avec lui. Il n’en a jamais parlé, sauf quand on l’a sorti du groupe. Là, il a tout déballé. Cette journée-là, c’est lui qui a parlé et moi qui n’ai rien dit.

Qu’est-ce que tu penses de la façon dont le documentaire dépeint ton groupe ? Ça me semble presque trop honnête, non ?

Ça se rapproche autant que possible de la réalité. Il y a des gens qui ont déjà écrit notre histoire et ils se l’étaient un peu trop réappropriée à mon goût. Je préfère vraiment la version du film.

Une intervenante dans le film raconte que vous aviez mauvaise réputation dans les bars à l’époque, mais elle n’élabore pas là-dessus. Pourrais-tu m’expliquer pourquoi vous étiez interdits de certains établissements ?

Deux raisons : la première, c’est qu’on avait aucun fan. Jouer devant des salles vides, c’est la meilleure façon de s’aliéner des tenanciers de bars, parce que ça leur fait perdre de l’argent. La deuxième, c’est qu’on joue vraiment à très haut volume, comme tu le sais probablement. Les serveurs et les barmans avaient de la difficulté à prendre les commandes et nous haïssaient à la fin de la soirée. Disons qu’on s’est pas fait d’amis à cette époque-là.

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Qu’est-ce qui a changé entre vous trois depuis la réunion en 2005 ? Personnellement et philosophiquement ?

Euh… on est plus investis ? Particulièrement Murph. Il ne s’impliquait pas vraiment dans le processus créatif à l’époque. On a tous gagné en maturité et en respect pour notre propre travail.

Beaucoup de vos albums les plus populaires et influents datent d’il y a longtemps. Moi-même, je dois avouer que j’écoute Bug (qui date de 1988) encore très souvent. Est-ce que ça t’agace quand on t’arrête dans la rue pour te parler de ta vieille musique au lieu de te parler de celle que tu fais aujourd’hui ?

D’habitude, non. Ça dépend des circonstances. L’autre jour, j’étais avec Kim Gordon (de Sonic Youth) et il y avait un gars qui n’arrêtait pas de nous payer des verres. Il est venu nous voir à un moment donné pour nous dire : « Je vous aimais vraiment dans les années 80 ! » Mais on n’a jamais vraiment arrêté de faire de la musique depuis… C’est un peu chiant de se faire aborder comme ça.

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Avant qu’on se quitte, je me dois de te le demander directement parce que c’est une légende urbaine qui court sur internet : est-ce que c’est vrai que Kurt Cobain t’as déjà invité à jouer dans Nirvana ?

Oui.

Mais est-ce qu’il était sérieux ou est-ce que vous étiez juste en train de parler en buvant une bière ?

Non, il était sérieux. On était plus populaire qu’eux à l’époque, alors c’est plutôt moi qui l’ai pas pris au sérieux.

Ça paraît peut-être mal aujourd’hui, mais je lisais une entrevue avec Dave Grohl au sujet de ses premières années dans Nirvana et il racontait manger des hot-dogs trois fois par jour et dormir sur un canapé. Je ne suis pas sûr que ça m’aurait plu de vivre ça. J’aurais peut-être pas fait long feu.