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On parle d’horreur et de musique de film avec Slash (oui, oui, de Guns N’ Roses)

P'tite conversation très "casual" avec une légende du rock.

Par
Benoît Lelièvre
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Tout le monde a une liste de célébrités qu’il souhaite un jour rencontrer. Tout le monde a aussi sa liste de célébrités tellement célèbres et iconiques qu’il a fait la paix avec l’idée de ne jamais les rencontrer. De quoi parleriez-vous avec Beyoncé, par exemple ? Vous voyez ce que je veux dire. Le nom de Saul Hudson alias Slash était pas mal au sommet de cette deuxième liste pour moi jusqu’à vendredi dernier.

Pour les non-initié.e.s (allô maman !), Slash est le guitariste du groupe rock Guns N’ Roses et pas mal l’une des dernières grandes rockstars dans le sens classique du terme. Ses riffs de guitare endiablés et son look légendaire (chapeau haut de forme, lunettes fumées, pantalons de cuir, tope et guitare Les Paul) sont des éléments cruciaux du folklore de Guns N’ Roses. Il compte à sa liste de chansons classiques : Welcome to the Jungle, Sweet Child O’ Mine, November Rain, You Could Be Mine et autres titres qui passent au moins une fois par jour à la radio aujourd’hui. Il est autant une personne qu’un avatar mystique de l’esprit du rock n’ roll dans la conscience populaire.

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Qu’est-ce que Slash fait aujourd’hui à part la tournée de réunion de Guns N’ Roses ? Il produit des films d’horreur. Il est d’ailleurs producteur exécutif du film The Breach, basé sur l’œuvre de l’écrivain canadien Craig Davidson et présenté ce soir en première mondiale au festival Fantasia. Il en signe aussi la bande sonore.

Un tantinet ébaubi, j’ai eu la chance de m’entretenir avec Slash au téléphone pour parler d’horreur et de musique de film.

Je suis assez familier avec l’œuvre de Craig Davidson et, bien sûr, avec la tienne, mais ce sont deux univers créatifs que je n’aurais pas nécessairement cru compatibles à première vue. Comment est-ce que cette rencontre s’est orchestrée ?

En fait, je n’ai rencontré Craig qu’après le tournage du film. Le réalisateur Rodrigo Gudiño m’a tout d’abord fait parvenir le scénario. Lui et moi, on se connaît depuis longtemps et il me fait toujours lire un paquet de trucs. J’ai trouvé The Breach particulièrement intéressant, parce qu’il avait une aura de vieux film d’horreur. C’est bien écrit et ça n’essaie pas d’être rétro comme plein de films aujourd’hui essaient de l’être. C’est très pur.

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J’ai grandi avec des films d’horreur. Mes parents étaient des hippies qui me traînaient partout avec eux. J’ai donc connu les films Hammer, les vieux films de monstres et tout le tralala. C’était l’époque avant les Freddy Krueger, Michael Myers et compagnie où tout est devenu une franchise. The Breach m’a rappelé la pureté de ces vieux films. C’est comme ça que j’ai embarqué dans le projet.

Si tu es fan de films d’horreur depuis l’enfance comme moi, tu dois avoir un film qui t’a terrorisé en bas âge. L’amour des films d’horreur, ça commence toujours avec quelques nuits blanches. Le mien, c’est The Fly de David Cronenberg. Le tien, c’est lequel ?

Ah man, c’est une question vraiment difficile parce que j’ai tellement été familiarisé tôt avec les films d’horreur que j’ai vraiment toujours eu du plaisir à les regarder. Les gros monstres épeurants et la musique orchestrale me faisaient rire.

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Tu sais quoi ? Il y en a un qui m’a traumatisé. Ma mère et son amie m’avaient emmené voir un programme double au cinéparc : Night of the Living Dead et The Exorcist. Je devais avoir sept ou huit ans, pas plus. Night of the Living Dead était tellement différent des films d’horreur que j’avais connus. Tellement glauque. Je me rappelle ne pas avoir dormi pendant un p’tit bout. (rires)

Tu as joué deux rôles dans la production de The Breach : celui de producteur exécutif et de compositeur. Qu’est-ce qui te rend le plus fier à propos du film ?

Tu vas peut-être trouver ma réponse nulle, mais c’est simplement d’avoir réussi à le faire. Le tournage a eu lieu en pleine crise de la COVID-19. On a dû interrompre la production et ça a occasionné des problèmes de financement. On a dû trouver des lieux de tournage sécuritaires pour l’équipe. C’était un sacré casse-tête.

J’étais moi-même coincé à Los Angeles pendant le confinement, alors je n’ai pas pu me rendre sur le plateau. C’était OK parce que j’ai pu participer à distance, on m’envoyait les scènes tournées chaque jour. Mais tu comprends ce que je veux dire ? Que ce film voie le jour, c’est en soi un triomphe sur l’adversité.

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La distribution de The Breach est très jeune et peu connue. Est-ce que c’était important pour toi de donner une plateforme à une prochaine génération de jeunes talents ?

Non, ça s’est passé plus organiquement que ça. L’acteur qui joue le rôle principal (Allan Hawco), c’était quelqu’un qu’on visait déjà. Le reste s’est fait au casting. On a engagé beaucoup d’acteurs locaux vu les circonstances. L’important dans notre processus décisionnel était de trouver la bonne personne pour chaque rôle.

À quel point c’était important pour toi de t’impliquer sur le plan créatif ?

C’était une sorte de bonus, si tu veux. Remarque que j’ai pas fait la bande sonore tout seul, hein ! Ce fut un travail d’équipe. C’est toujours quelque chose que j’aime faire. Je suis un gros fan de musique de film.

C’est quoi la plus grosse différence entre composer de la musique pour Guns N’ Roses et composer de la musique pour un film ?

Le processus est complètement différent. Quand t’écris des chansons de rock, tu t’enfermes dans un local avec tes musiciens et tu jam jusqu’à ce que tu tiennes quelque chose. Écrire une bande sonore est un processus beaucoup plus contemplatif. Il faut que tu regardes la scène. Que tu te laisses inspirer. C’est pas nécessairement plus difficile. Ça m’est venu quand même assez naturellement, mais c’est vraiment très différent.

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T’es-tu inspiré de compositeurs célèbres pour la bande sonore de The Breach ?

Ah man, je suis constamment inspiré par des compositeurs de musique de film. C’est vraiment quelque chose que je consomme beaucoup. Plus particulièrement dans ma voiture. J’ai une station Sirius XM qui ne fait que jouer ça : Ennio Morricone, John Williams, Danny Elfman… Hans Zimmer. Je l’aime quand même pas mal, lui, même s’il est très commercial. J’adore cette station, c’est comme une boîte à surprises. On peut passer d’une bande sonore de comédie romantique à un vieux western entre deux chansons.

Ton contemporain Trent Reznor est devenu lui-même compositeur au tournant du siècle et c’est pas mal devenu son boulot principal depuis. Est-ce que c’est une transition qui t’intéresserait potentiellement toi aussi ?

Pas du tout. Je n’ai aucun intérêt à me spécialiser là-dedans. Le rôle de producteur m’intéresse beaucoup plus parce qu’il me donne plus de latitude pour aider un projet dans lequel je suis impliqué. Comme je te le disais tout à l’heure, la composition, c’est vraiment un bonus pour moi.

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Avant qu’on se quitte, j’aimerais ton opinion d’expert sur un débat qui fait rage dans mon cercle d’amis : la guitare heavy metal dans une bande sonore de film, trouves-tu ça cool ou kitsch ?

Wow, c’est vraiment une bonne question ! Je comprends totalement la nature du débat. C’est vrai que c’est souvent fucking kitsch, mais ça dépend toujours de l’utilisation. C’est pas quelque chose qui se prête à tous les contextes.

Des fois, ça fonctionne. Regarde la dernière saison de Stranger Things. Le contexte est très particulier parce que c’est une série d’horreur et de science-fiction qui s’adresse principalement à un public familial, mais ça fonctionne. La guitare et le personnage qui la joue font partie de l’histoire. La chanson qu’il choisit est juste fucking bad ass. Je comprends ce que tu veux dire par contre, et je suis assez d’accord. C’est vrai que ça peut être très kitsch si c’est mal employé.

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