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Ils sont plus d’un millier de policiers à s’être mis en arrêt maladie pour protester contre le maintien en détention provisoire d’un de leur collègue de la BAC de Marseille, soupçonné de violences en réunion envers Hedi, un jeune homme de 21 ans. La victime, qui venait de sortir du travail, a été rouée de coups et souffre d’un hématome intracérébral, d’une fracture de la mâchoire, et d’une perte de la vision de l’œil gauche. Si l’ouverture d’une information judiciaire ne donne pas toujours lieu à une privation temporaire de liberté, elle est possible à la demande du juge d’instruction, lorsque les nécessités de l’enquête l’imposent.
Mais il semblerait que le respect de l’état de droit soit aussi facultatif que la décence pour quelques hauts gradés de la police qui s’indignent, de concert avec les syndicats et les forces de l’ordre, qu’un gardien de la paix puisse se retrouver en cellule. C’est d’abord le Directeur Général de La Police Nationale (Frédéric Veaux), qui s’est fendu d’un message de soutien qui en dit long sur la considération que certains hauts fonctionnaires portent à nos institutions. Il aurait ainsi confié aux journalistes du quotidien Le Parisien à propos du policier mis en cause que “le savoir en prison (l’) empêche de dormir” et “qu’avant un éventuel procès, un policier n’a pas sa place en prison même s’il a pu commettre des fautes ou des erreurs graves dans le cadre de son travail”. Des déclarations ensuite reprises dans un tweet par le préfet d’Ile-de-France Laurent Nunez, qui en a également profité pour placer un petit bout de son CV, à toutes fins utiles…
Après des années de tension marquées par des mouvements de protestation de grande ampleur (gilets jaunes, réforme des retraites, émeutes) cette soudaine multiplication d’arrêts maladies pour cause “d’anxiété chronique” est une manière détournée pour les membres des forces de l’ordre de faire grève, alors qu’ils sont normalement tenus d’assurer un service continu. Et au-delà d’alerter sur le moral en berne des troupes, dont l’épuisement est sans doute bien réel, cette stratégie apparaît également comme un nouveau moyen d’instaurer un rapport de force avec nos dirigeant.es, et de s’assurer à l’avenir de la totale impunité des policiers coupables de violences. D’ailleurs le gouvernement, qui s’était pourtant promis de faire la chasse aux arrêts maladies de complaisance, semble d’un coup moins enclin à sanctionner la seule corporation qui le soutient encore… Mais puisqu’il n’y a pas de raison que les forces de l’ordre soient les seules à profiter de cette trêve surprenante dans la traque aux faux malades, voici quelques motifs d’absence à faire valoir lors de votre prochain rendez-vous avec la médecine du travail.
UNE FATIGUE CHRONIQUE A VOIR LE GOUVERNEMENT SE PLANTER
Mi-avril après la promulgation de la réforme des retraites, Emmanuel Macron avait fait le pari des 100 jours d’apaisement, avec comme horizon la date symbolique du 14 juillet qui sonnerait l’heure d’un premier bilan. Finalement, le printemps et l’été ont débuté sous des tirs de mortier. Le chef d’état avait également promis un mandat placé sous le signe de l’écologie, mais là encore, le résultat laisse à désirer avec au choix un discours réclamant une pause sur les réglementations environnementales auprès de l’UE, ou bien la sanctuarisation des méga-bassines – et donc de la privation de l’eau – à Sainte-Soline.
Alors de désillusion en désillusion, la réserve de confiance que vous accordez habituellement aux institutions est désormais aussi à sec que les sols d’une grande partie de l’Hexagone. Un gros coup de mou qui nécessite bien une petite mise au vert de quelques mois. Voire quelques années.
UN ÉTAT D’ÉCO-ANXIÉTÉ AVANCÉ
D’après un sondage IFOP de 2022, 67% des Français.es déclarent souffrir d’éco-anxiété. Un chiffre qui n’est pas prêt de diminuer puisque la nouvelle Secrétaire d’Etat à la biodiversité – Sarah El Hairy – a l’air aussi calée en réchauffement climatique, qu’Eric Ciotti en extensions pour cheveux. Pour convaincre définitivement vos supérieur.es hiérarchiques que vous avez besoin de faire le point et vous assurer une totale tranquillité d’esprit durant votre absence, n’hésitez surtout pas à en faire des caisses en perspective de votre demande d’arrêt. Instaurez un minimum de 5 passages aux toilettes avant de tirer la chasse d’eau, récupérer les mégots des pauses clopes pour garnir les poufs de la salle de repos, éteignez systématiquement le chauffage ou la climatisation dans les bureaux et surtout, mettez hors tension tous les appareils électriques de vos collègues dès qu’ils ont le dos tourné. Vous ne devrez pas avoir trop de problème à justifier de votre éco-anxiété (et peut-être aussi à vous faire licencier).
UNE PHOBIE DE L’UNIFORME
D’après un sondage IFOP réalisé fin juin pour le journal Le Figaro, l’image de la police nationale ne semble pas avoir véritablement pâti des affaires de violence qui ont fait la une des journaux ces dernières années. Ainsi, 57% des Français.es ont un avis positif à propos des autorités… Mais peut-être que vous faites partie des autres. De ces 32% de Français.es qui éprouvent de l’hostilité ou de l’inquiétude à l’égard des gardiens de la paix. Une angoisse telle qu’elle s’est même progressivement muée en peur panique, comme pour cette habitante de Castres qui a été interpellée en janvier pour outrage, et a justifié son comportement par une phobie des agents de police. Et le problème lorsqu’on commence à souffrir d’une crainte aussi handicapante de l’uniforme, c’est qu’elle peut vite s’étendre à d’autres métiers. Conducteurs de bus, employé.es de la poste en tournée, ou salarié.es de la Mie Câline : votre énième retard de la semaine n’est pas dû à votre manque total d’intérêt pour l’entreprise, mais à toutes les personnes en tenue réglementaire ou petits polos floqués que vous avez vaillamment tenté d’esquiver sur le chemin du boulot.
UN TROUBLE ANXIEUX EN PERSPECTIVE DES PROCHAINES ÉLECTIONS
Toujours imaginer le pire, c’est le quotidien de nombreuses personnes en France, qui souffrent d’un trouble anxieux d’anticipation. Mais face à la montée en puissance des leaders d’extrême droite dans le pays, et plus largement dans le reste de l’Europe (ex : les derniers scores du RN dans l’Hexagone, l’élection de Giorgia Meloni en Italie, le succès récent d’Alternative für Deutschland outre-rhin ou encore le parti des Démocrates de Suède et leurs racines néonazies qui commencent à faire leur trou en Scandinavie), la peur du repli identitaire et d’un raz-de-marée facho sur le Vieux Continent gagne de plus en plus de terrain. Alors si on vous demande pourquoi vous n’êtes pas venu.e au bureau ces deux dernières semaines, vous pourrez toujours évoquer des hallucinations auditives, et préciser que le bruit assourdissant des bottes vous a éloigné.e un temps des tableurs Excel.