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Nos amis les animaux : les nouveaux rois de la jungle de Twitch ?
Après une journée merdique au bureau, quoi de mieux que de revenir à la maison et se faire accueillir par son toutou, le sourire aux lèvres et prêt à vous lécher la face sans vergogne ? Ou encore de regarder des vidéos de bébés chats trop mignons quand on déprime ? Honnêtement, pas grand-chose. (Pour ceux qui n’aiment pas les animaux, vous pouvez tout de suite arrêter de lire cet article et retourner à votre vie sûrement un peu triste et froide.)
En général, d’autres bons endroits pour avoir une dose de sérotonine poilue tout en profitant du grand air sont les refuges et les zoos. Mais avec la calamité du nom de pandémie qui nous est tombée dessus depuis la dernière année, c’est devenu compliqué.
Flairant (désolé pour ça) la bonne affaire et pour ne pas finir le bec dans l’eau (pour ça aussi), certains établissements partout dans le monde ont décidé de se tourner vers le live stream sur des plateformes comme Twitch pour diffuser du contenu animalier avec un niveau de mignonitude olympique et inciter les visiteurs aux dons. Résultat : les internautes en manque de beau ont été au rendez-vous et ont contribué à faire connaître une année sans précédent à la plateforme.
On a voulu comprendre ce phénomène et analyser la forêt de bêbêtes de Twitch qui se cache derrière l’arbre que sont nos écrans avec Nadia Seraiocco, chargée de cours à l’UQAM spécialisée dans les cybercultures et les réseaux sociaux.
Un coup de marketing qui rapporte
« Il y a une sorte de conjoncture entre plusieurs tendances. Les gens regardent énormément de vidéos d’animaux sur le web en général et comme on le sait, beaucoup de gens ont cherché du réconfort en s’achetant un animal de compagnie pendant la pandémie, ce qui a suscité encore plus d’intérêt pour nos amis poilus », estime la chargée de cours de l’UQAM.
Si elle souligne que la diffusion de contenu animalier en live est née bien avant la pandémie, notamment sur Facebook et YouTube, Nadia Seraiocco affirme que la dernière année fut particulièrement faste pour ce genre de contenu sur Twitch. « Il y a une forte tendance à pousser du contenu de type ASMR visuel et ce genre de live streams entre là-dedans. C’est relaxant et ça nous fait oublier notre quotidien un peu chiant de regarder des animaux mignons boire, jouer dehors ou juste vivre dans un habitat paisible. »
« C’est relaxant et ça nous fait oublier notre quotidien un peu chiant de regarder des animaux mignons boire, jouer dehors ou juste vivre dans un habitat paisible. »
Selon elle, les organismes qui se sont tournés vers cette plateforme l’ont d’abord fait pour une raison bien simple : l’argent. « Les refuges et les zoos sont souvent des OBNL et ils n’ont pratiquement pas eu de visiteurs depuis un an. Ils ont compris rapidement qu’il y a une demande pour ce type de contenu en temps de pandémie et qu’une plateforme comme Twitch leur permet non seulement de garder contact avec leur clientèle, mais aussi de récolter facilement des dons. »
L’experte donne en exemple la populaire chaîne du Marine Mammal Rescue Centre de Vancouver qui diffuse des vidéos de loutres en train de « chiller » qui cumulent des centaines de milliers de visionnements en quelques jours. « C’est énormément de gens qui peuvent avoir accès à ce contenu-là ! C’est super intelligent en ce qui a trait au marketing, en fait. »
« Ils ont compris rapidement qu’il y a une demande pour ce type de contenu en temps de pandémie ».
Bien qu’il est difficile de chiffrer à combien s’élèvent les gains générés par les dons des visiteurs sur des chaînes de refuges ou de zoos, on peut s’imaginer qu’ils ont dû empocher quelques sous quand on sait que des streamers populaires ont amassé des dizaines de millions de dollars en 2020 pour diverses causes.
Une autre tendance typiquement pandémique ?
« C’est sûr que le jour où on ne sera plus confinés devant nos écrans la majeure partie du temps et que la vie “normale” reprendra son cours, ça risque de s’essouffler un peu. Je pense que ces organismes-là vont devoir revoir leur stratégie marketing s’ils veulent continuer d’attirer les gens », affirme Nadia Seraiocco quand on lui demande si cette tendance est là pour rester.
Néanmoins, elle estime que la pandémie a donné l’occasion aux refuges, aux zoos et aux différents OBNL animaliers d’explorer le potentiel de ce genre de plateforme pour le futur. « Les vidéos d’ASMR visuel et relaxant vont continuer à prendre sur le web même après le confinement. Donc si ces organismes trouvent le moyen de surfer sur ces tendances et arrivent à se réinventer en conséquence, elles feront du business. »
Au moment d’écrire ces lignes, la vie « normale » semble reprendre doucement son cours et nous donne espoir que bientôt, on pourra enfin fermer notre ordi et aller voir en personne les loutres jouer dans l’eau dans un zoo près de chez nous.