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Non, mon meilleur ami ne m’aime pas en secret

En partenariat avec la ZEP (Zone d’Expression Prioritaire).

Par
La ZEP
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Ce récit provient des ateliers d’écriture animés par les journalistes de la Zone d’Expression Prioritaire (la ZEP), un média qui accompagne l’expression des jeunes pour qu’ils.elles se racontent en témoignant de leur quotidien et de toute l’actualité qui les concerne.

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« Alors avec Étienne, ça avance ? » « Tu es certaine qu’il ne t’aime pas en secret ? » « L’amitié entre les hommes et les femmes ça n’existe pas, moi aussi j’étais amie avec mon copain avant que l’on se mette ensemble, tu verras. »

Je ne compte même plus le nombre de fois où j’ai subi ces remarques de la part de mes proches, de mes potes, parfois même de mes amis de longue date. Cela fait plusieurs années que j’éprouve une très forte complicité avec Étienne. On s’entend si bien, on rigole tous les jours au lycée, on débat sur les sujets qui nous intéressent, on parle de tout et de rien, on s’engueule aussi parfois. On forme un duo incroyable. On se raconte tout, on éprouve l’un pour l’autre une confiance aveugle. Je suis là pour lui, il est là pour moi. Pour synthétiser : on se connaît par cœur, et pourtant, on ne se lasse jamais l’un de l’autre.

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Nous n’avons jamais douté de notre amitié. J’ai toujours eu des amis garçons. Pourtant, je suis contrainte d’écouter les remarques et propos ignorants de mes groupes de pairs. Même ceux qui connaissent la sincérité de notre amitié ne se lassent pas d’esquisser un petit sourire lorsque je leur parle de lui, comme si c’était naturel de constamment tout remettre en doute. Selon une grande majorité de personnes, par simple analogie : l’amitié entre deux personnes hétérosexuelles et de sexes opposés est vouée à l’échec. C’est une simple croyance partagée de tous : les hommes et les femmes doivent se marier, fonder une famille, c’est dans l’ordre des choses depuis des siècles. Les autres options, comme l’amitié, ne sont pas envisageables.

Les persuader que lui et moi étions sincèrement amis

Alors, une seule solution : me justifier. Au début de notre amitié, j’étais déterminée à prouver à tous ceux qui doutaient que les hommes et les femmes peuvent être liés par d’autres liens que l’amour. Je tentais de les persuader que lui et moi étions sincèrement et réciproquement amis. Il m’est arrivé de déclarer à une amie (persuadée qu’il était possible qu’il éprouve des sentiments pour moi) qu’il me parlait des filles qui lui plaisaient, et que ce n’est pas un sujet que l’on aborde naturellement avec la personne que l’on aime. Ce qui garantissait son amitié envers moi.

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J’ai honte mais j’ai même songé l’année dernière, constatant en vain que rien ne marchait, à justifier ses intentions envers moi par le fait qu’il soit gay. Ce qui est faux. Cela aurait été très irrespectueux de mentir à son propos, de trahir sa confiance. Mais ce songe prouve bien qu’il est pénible de constamment entendre les mêmes discours puérils à notre sujet.

Et si laisser parler les gens, les laisser dans leurs convictions, dans leur ignorance, et peut-être même dans leur immaturité, était la seule chose plausible ? Après tout, cela n’a aucune incidence sur notre relation amicale, malgré le fait que le manque d’ouverture d’esprit de certains nous énerve et nous désespère. Après trois ans d’amitié, je ne me justifie plus.

Anaëlle, lycéenne, 17 ans, Rambouillet