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« Comment gérer la baisse de libido dans son couple », « Mon couple va mal : 10 conseils pour pimenter sa vie sexuelle », « Help, on ne fait plus l’amour »… Il n’y a qu’à taper les mots « sexe » et « couple » dans son moteur de recherche pour s’en apercevoir : les contenus traitant de l’épanouissement sexuel au sein du couple abondent sur internet pour venir en aide aux lecteurs, souvent lectrices, disons-le, qui rencontreraient des soucis dans leur vie de couple et donc, sexuelle.
Comme si, premièrement, couple et sexualité étaient forcément liés. Et puis, surtout, comme si ne pas faire assez souvent l’amour avec sa ou son partenaire était le signe d’un problème urgent à régler. À noter que les contenus moins axés sur le sexe au sein du couple, tels que par exemple « Help, on ne communique plus » sont, eux, beaucoup moins nombreux.
Mais pourquoi les rapports sexuels devraient-il tenir une place si importante dans le couple ? Pourquoi cette idée nous obsède-t-elle ? Le sexe est-il un besoin naturel que l’on doit assouvir à la fois pour soi et pour l’autre, sans quoi la santé du couple, voire la santé tout court, serait menacée ?
La réponse est non. En tout cas, pas pour Lucie Groussin, militante féministe et sexologue, pour qui la sexualité n’a rien à voir avec un besoin naturel et donc vital, contrairement à ce qu’on pourrait essayer de nous faire croire : « Du point de vue de la santé, contrairement à manger, boire ou dormir, la sexualité n’est pas un besoin vital. Elle n’est absolument pas nécessaire à notre survie en tant qu’individu. On peut tout à fait vivre normalement sans aucune vie sexuelle, partagée ou solitaire. »
La sexualité, une injonction parfois plus qu’une récréation ?
Malgré ce non besoin, force est de constater que la sexualité est partout : dans les livres, dans les films, à la télé, sur le panneau publicitaire du coin de la rue. Depuis les années 70, suite à la législation de l’IVG puis à l’arrivée de la pilule, la révolution sexuelle nous a toutes et tous invités à jouir d’une sexualité épanouie. Depuis, avoir des rapports sexuels réguliers est devenu la norme.
Pourtant, dans son livre Désirer à tout prix, Tal Madesta, journaliste indépendant et activiste féministe trans, fait un constat frappant, en se basant sur plusieurs discussions avec ses proches : « Quand on parle de sexualité publiquement, on en parle comme d’un espace récréatif. Mais il suffit d’avoir ces conversations en plus petit comité, avec des gens avec lesquels on est un peu plus intime, pour se rendre compte que la sexualité n’est pas si facile que ça pour la plupart des gens. Certains se lassent vite de la sexualité, certains n’en ont tout simplement pas envie, d’autres ont des douleurs, de vrais symptômes physiques. »
Mais alors, pourquoi voulons nous absolument faire l’amour ? Pourquoi se met-on la rate au court-bouillon, même quand l’envie n’y est pas, ou plus ? Pour l’auteur, un des éléments de réponse se situe dans l’approche productiviste que l’on a de nos corps à l’ère du capitalisme. Ce dernier souligne également l’habitude que nous avons prise d’aborder nos sexualités par le prisme des chiffres : combien de fois par semaine faut-il avoir de rapport.s sexuel.s, depuis combien de temps je n’ai pas joui, combien j’ai eu de partenaire.s…
« Je fais le lien entre la question de la sexualité obligatoire et du capitalisme car il y a une injonction à optimiser son plaisir, son désir. Cette injonction fait notamment pression chez les femmes. Or, je pense que la question n’est pas de savoir combien de fois par semaine elles devraient jouir, mais plutôt de savoir pourquoi elles font 3h26 de tâches domestiques dans leur journée ».
Une charge mentale parmi d’autres
Et si la sexualité obligatoire était finalement devenue une charge mentale supplémentaire pour les femmes ? Remettre la sexualité à sa juste place permettrait à beaucoup de personnes de se libérer d’un poids qui, comme on l’a dit, incombe souvent aux femmes dans le couple hétéro, avec l’idée que ce serait aux femmes de satisfaire les besoins sexuels des hommes.
Une charge mentale parmi tant d’autres, donc, dont il serait grand temps de se libérer aussi afin de, pourquoi pas, renouer avec une sexualité vraiment épanouissante. « Ce qui fait que les femmes n’ont pas de sexualité épanouissante au sein du couple hétéro, ce n’est pas parce qu’elles n’ont pas assez de sextoys par exemple, ou qu’elles ont moins de libido que les hommes, mais plutôt parce qu’elles ont plus de charge domestique à gérer, ou encore qu’elles subissent inégalités d’ordre économiques au sein de leur couple. »
Et si la clé était de faire moins de sexe, mais mieux ?
Et si la révolution sexuelle n’était pas encore advenue ? Si la véritable libération adviendra en fait lors de l’allègement de la charge mentale des femmes, et la prise en compte plus grande de leur consentement ?
Depuis les années 70, le mouvement #Metoo, et la question du consentement ont pris le devant de la scène en ce qui concerne la sexualité des femmes, ce qui est entrain de provoquer un véritable changement des mentalités, constate Lucie Groussin. « Je pense qu’on va aller vers une société qui repense la place de la sexualité dans nos vies en la remettant à sa juste place, et en remettant nos véritables envies au centre. Un peu comme le slowfood, il s’agira de consommer moins, mais consommer mieux. »
Levée des injonctions, allègement de la charge mentale, prise en compte systématique du consentement… Un futur plus épanouissant semble donc se dessiner. Mais en attendant, force est de constater que nous entretenons une relation plutôt toxique avec nos sexualités, qui nous amène à réfléchir à la place que nous donnons à la sexualité dans nos vies et dans nos couples, et ainsi, d’interroger nos façons de faire couple. Car qu’est-ce qu’un couple, au fond ? Avoir un.e partenaire sexuel.le ? Avoir des projets ensemble ? Partager des moments d’intimité et de complicité ?
« Les personnes qui n’ont plus ou moins de relations sexuelles au sein de leur couple pensent que leur couple est fini. C’est une façon de penser très réductrice. Car en réalité, faire couple, c’est beaucoup de choses, et bien au-delà de la sexualité. »