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Noël à la TV : ces programmes ringards devenus tendance

Les téléfilms de Noël sont (déjà) là, la saison est lancée pour les programmes qui vont vous réchauffer le coeur.

Par
Stéphane Moret
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Je m’adresse à tous ceux qui, pendant des années, ont passé des soirées de noël seuls devant la télévision. Ceux qui n’aiment pas les fêtes ou qui ne passent pas ce réveillon entourés de proches. Par choix ou pas. Vous êtes vengés. Car les programmes que vous avez subis, contre votre gré, sont aujourd’hui devenus les plus recherchés, les plus diffusés, les plus vus : téléfilms, bêtisiers et bons sentiments sont devenus tendance…

Nous pouvons officiellement lancer la saison de Noël, car depuis fin octobre en réalité, TF1 et M6 diffusent chaque jour un téléfilm de Noël en début d’après-midi. Vous savez, la comédie romantique qui se passe à Noël. C’est devenu un classique. Alors qu’au début, c’était ringard. M6 diffusait ça parce que ça coûtait pas cher. C’était produit par une chaîne du câble américain, qui arrivait à se différencier en proposant une des rares productions « maison » de l’année. Depuis, c’est devenu un Empire, une référence.

M6, encore elle, a commencé à en diffuser un par jour. TF1 lui a emboîté le pas. Et les chaînes TNT proposent à leur tour des rediffs de ces programmes, un peu plus tôt dans la journée. Si bien que vous pouvez enchaîner au moins 4 téléfilms Christmas Spirit dès 11 heures du matin, jusqu’à 16 heures, sans bouger du canapé. Histoire de vous faire patienter avant le gros du réveillon : les bêtisiers, Love Actually ou Maman J’ai Raté L’avion.

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Prenons une soirée de réveillon traditionnelle dans une famille qui se rassemble, ces dernières années. À l’origine, le soir de Noël, on passait donc des rediffusions de films familiaux, ou bien un film d’animation Disney. Parce que tata Jacqueline est en train de siroter une huitième coupe de punch (« Ah on sent bien le fruit, hein »), que tonton Antoine a oublié de faire réchauffer les blinis pour le tarama, que mamie te raconte encore une fois sa septicémie, et que ton cousin montre les meufs qu’il veut pécho sur son smartphone : la maison est sens dessus dessous. Et la télé est allumée dans le fond de la pièce, comme bruit de fond, et juste pour que ton oncle bourré puisse gueuler sur Macron ou un animateur télé chaque fois qu’une nouvelle tête apparaît : « Nan mais lui, il paraît que c’est un con, c’est Charlie qui me l’a dit, de l’époque où il bossait avec son cousin ». La télé ne prouve son utilité que lorsque tout le monde est pompette, et qu’on met les mômes devant, histoire de s’en débarrasser.

Le bêtisier. C’est une de mes émissions préférées. Le zapping et la culture TikTok avant l’heure : une séquence de 15 secondes en chasse une autre.

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Alors oui, pendant des années, les chaînes n’investissaient pas particulièrement dans les programmes « à l’esprit de noël », parce que ça ne faisait pas d’audience. En tous cas, pas ce soir-là. Mais pendant les jours de vacances, chacune programmait des films comme Maman j’ai raté l’avion, des Disney, des bêtisiers… et des téléfilms sur la thématique. Et là, mes amis… on arrive aux deux mamelles de cette période de fêtes. Le bêtisier et les téléfilms. Parlons tout d’abord du bêtisier. C’est une de mes émissions préférées. Le zapping et la culture TikTok avant l’heure : une séquence de 15 secondes en chasse une autre. Et surtout, des gens qui rigolent alors ça nous fait marrer aussi. Ah qu’on aime ces moments de gadins, de fous rires, de comportements animaux… le tout couvert d’un doublage immonde aux voix foireuses par des comédiens pourris qui cherchent juste à grailler en tentant d’être drôle. Sur son CV, à « Expériences », c’est marqué « voix du bêtisier ». Et ouais !

Ce que j’aime le plus dans les bêtisiers, ce sont les lancements des animateurs avant une séquence. C’est toujours d’un excellent niveau littéraire, doublé d’une interprétation remarquable, on plonge directement dans le monde du malaise, ça me fascine. Mais en fait, les bêtisiers, ça ne coûte pas cher à produire, vu que la production rachète des images déjà existantes. Et comme personne ne l’a vu le 24 décembre à 21 heures, les chaînes le rediffusent le lendemain en fin d’après-midi, quand tu finis de cuver la bûche au beurre, tout en tentant de revendre tes cadeaux sur Le Bon Coin. Cette émission marche si bien, que les chaînes ont inventé le bêtisier de Pâques, le bêtisier de l’été, de la rentrée, des animaux, du sport… Si bien qu’ils en produisent 10 dans l’année. Pas de souci, on rediffuse tout pendant les 15 jours de vacances, à raison d’un par jour. Et hop, encore une grille de programmes qui coûtera pas grand chose.

Vous pouvez enchaîner au moins 4 téléfilms Christmas Spirit dès 11 heures du matin, jusqu’à 16 heures, sans bouger du canapé.

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Le soir de Noël, vers 23 heures, mamie veut qu’on mette la messe. Elle ne fout plus les pieds à l’église à côté de chez elle depuis belle lurette, mais elle tire la gueule si tu lui mets pas la messe à la télé « pour le p’tit Jésus ». Pendant ce temps, le père gueule : ça l’empêche de voir les nénés des nanas du Crazy Horse, diffusé sur l’autre chaîne. Ah quelle belle soirée, mes enfants.

Ce qui a changé, c’est sûrement Love Actually. Pas une année sans qu’on décide de se mettre devant, courant décembre, comme un doudou bien confortable. D’abord parce que le film est réussi, bien évidemment. Mais aussi parce qu’il se déroule, vous l’aurez compris, pendant la période des fêtes, et qu’il est devenu un peu un emblème du lancement de la période des fêtes, après Thanksgiving, tout comme le tube de Mariah Carey « All I Want For Christmas is You », qui tourne à fond dans les magasins et les radios.

Le double succès de Love Actually au cinéma et sur petit écran a donné lieu à une succession de films de Noël au cinéma (The Holiday, Elfe…) qui sortaient un peu des seuls films à destination d’un public enfantin, comme le nouveau Disney sur grand écran. Or, devant la multiplication des chaînes, il fallait bien remplir les grilles de programmes, et il y a eu un appétit pour les rediffusions de ces films. Avec toujours un succès d’audience assez probant.

Ces films sont un chamallow géant trempé dans un chocolat chaud. Objectif : réconfort avec la magie de Noël. Et en 2020, après une année aussi pourrie, on en a bien besoin.

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Si bien que les plate-formes de SVOD se sont d’abord mis à en proposer un paquet, Love Actually en tête, avant de proposer les Super Noël, ou autre Home Alone en masse. Là encore succès. Il a alors fallu nourrir le catalogue, et Netflix s’est ainsi lancé depuis quelques années dans la production de films de Noël, qui n’ont rien à envier aux originaux, surtout côté faiblesse du scénario. Rien que cette année, le site va dégainer près d’une vingtaine de ce genre de contenus. Des films à l’esprit bon enfant, qui proposent une belle histoire d’amour, ou une aventure menée par des enfants, ou tout simplement le Père Noël et ses difficultés à livrer des cadeaux. Les vignettes reprennent les codes couleurs vert, rouge, blanc. Les titres se différencient peu. Les images promotionnelles sont à peine explicatives de l’intrigue. Mais encore une fois, c’est pas le but. Ces films sont un chamallow géant trempé dans un chocolat chaud. Objectif : réconfort avec la magie de Noël. Et après deux années aussi pourries, on en a bien besoin.

Alors, on se ferait pas du bien en matant La Belle et la Bête 2, le Noël Enchanté ?

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Tout autant voire plus, chez Disney+. Car si on parle de programmes familiaux, c’est bien la plate-forme de streaming par excellence. Fort d’un catalogue déjà très fourni, le site a rangé tout ça en playlists. Vous aimez les films avec de jeunes héros et héroïnes ? Vous allez être servis. Tout comme vous pouvez replonger dans 90 ans de cartoons créés pour l’occasion, ou vous intéresser aux épisodes des séries Disney « spécial Noël », même chez les Simpson. Il y a également quelques « Disney+ Originals », produits pour l’occasion, comme Noëlle, avec Anna Kendrick et Bill Hader. Plus de 400 épisodes ou films consacrés à la thématique vous attendent. Alors, on se ferait pas du bien en matant La Belle et la Bête 2, le Noël Enchanté ? Cette année, ils ont même décidé de produire un remake de Maman J’ai raté l’avion. Mais peut-on succéder à Macaulay Culkin, Joe Pesci et Daniel Stern ?

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Il faut l’avouer, en France on est encore petits joueurs sur le sujet. Car en Angleterre, Hallmark, une grande galerie marchande très connue (un peu comme nos Galeries Lafayette) a créé Hallmark Channel, une chaîne qui diffuse en boucle des téléfilms de Noël pendant 2 mois, avec la possibilité de les revoir en streaming. Des productions à budget encore plus limité que ce que vous pourriez imaginer, mais qui cartonnent. La chaîne fournit d’ailleurs l’essentiel des téléfilms de l’après-midi diffusés en France. Mais surtout, elle ouvre à la diversité en sortant du sacro-saint couple blanc, avec des acteurs et actrices noirs ou latinos. C’est aussi l’occasion de retrouver des acteurs pas vus depuis des années, comme Tamara Mowry, une des jumelles de Sister Sister, ou Ben Savage de Incorrigible Cory, des séries qui cartonnaient quand on était gamins. Là encore, « nostalgie power », les amis. Les producteurs le savent et jouent sur la corde. Ça leur permet aussi d’avoir une visibilité à petits prix.

Finalement, alors que les programmes de Noël étaient une niche qui avait pour impératif de ne pas coûter cher pour des diffusions destinées à ne pas faire des cartons d’audience, ils sont devenus un produit très recherché par les différents médias, qui allient toutes les qualités pour un directeur de chaîne : pas cher, rassembleur, second degré, possibilité de multi-diffuser, et surtout qui joue sur la corde sensible. Parfait pour les annonceurs qui viennent placer leurs produits au milieu de la page de pub. Alors oui, Noël est parfois considéré comme une fête commerciale, mais ça n’empêche pas les bons sentiments.

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