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Musulmane, ma bisexualité reste virtuelle

En partenariat avec la ZEP (Zone d’Expression Prioritaire).

Par
La ZEP
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Ce récit provient des ateliers d’écriture animés par les journalistes de la Zone d’Expression Prioritaire (la ZEP), un média qui accompagne l’expression des jeunes pour qu’ils.elles se racontent en témoignant de leur quotidien et de toute l’actualité qui les concerne.

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« J’installe ma jambe gauche au niveau de son intimité, la bougeant de sorte à ce qu’elle frotte celle-ci déjà bien humide. Alors qu’au même moment, ses yeux brûlants de désirs et ses mains accrochées à mes épaules me supplièrent presque d’arrêter. » Personne ne pourrait imaginer que ce texte vient de moi. La fille timide et réservée de la famille. Et pourtant, sur Wattpad, je suis spécialisée dans l’écriture d’histoires érotiques gays. C’est une application où toute personne peut lire ou écrire des histoires. Je l’ai découverte bien avant de connaître mon orientation sexuelle, grâce à ma petite soeur qui lisait dessus. À la découverte de ma sexualité, n’ayant personne à qui parler et avec plein de pensées dans la tête, je me suis mis, à mon tour, à écrire.

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Ce que j’écris me fait tout oublier, d’où je viens, mes coutumes, ainsi que ma religion. Je me libère enfin. J’ai grandi à Mayotte, une petite île de l’océan indien, dans une famille de neuf enfants. Je suis musulmane et je suis croyante.

Chez moi, l’orientation sexuelle ne fait pas partie du vocabulaire

Chez moi, c’est mon père qui décide pour tout. Il a encore des pensées traditionnelles, du genre : la femme doit faire toutes les tâches ménagères, doit pouvoir bien cuisiner pour son futur mari, elle doit le considérer tel un prince… Enfin, j’en passe. L’orientation sexuelle chez moi ne fait pas partie du vocabulaire, puisqu’il n’y a rien à dire. Tout le monde est hétéro. Même parler de sexe tout court n’est pas envisageable, et encore moins pensable. S’ils savaient que j’étais bisexuelle, comment pourraient-ils m’accepter ? Ils ne peuvent pas. Ils ne doivent pas. Sans parler du regard des autres, que ça soit notre famille autour, la société. Tout le monde va parler. C’est certain. J’entends déjà les paroles : « Quoi ? Mais comment ils peuvent même accepter que leur fille soit … Oh mon dieu ! Alors qu’elle est musulmane, comment peuvent-ils ?… » Je serais un déshonneur pour toute ma famille. Telles sont les pensées négatives qui me traversent l’esprit depuis un an.

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Quand j’écris, j’efface la réalité

Écrire m’aide beaucoup. Je suis une tout autre personne quand j’écris. Ou plutôt, je suis moi-même. Sans Wattpad, je ne sais pas comment je vivrais. Est-ce que je vivrais même ? Plus j’écris, plus je me sens bien, j’efface la réalité et j’oublie qui je dois être aux yeux de ma famille, ce pourquoi je suis venue au monde. C’est l’occasion de retirer mon masque autant que de libérer mon esprit.

Des questions restent en suspens. Encore combien de temps vais-je vivre de cette manière ? Pourquoi ai-je si peur ? Pourquoi ne suis-je pas comme les personnages de mon histoire ? Courageuse, forte et désintéressée… Pourquoi je me prive de vivre de la même façon, d’avoir des relations, de connaître les diverses émotions et sensations, de découvrir ce qu’est finalement l’amour, avec un grand « A » ? Encore combien de temps exactement vais-je devoir vivre derrière un masque, cachant mon vrai visage aux yeux de tous ? Seulement deux de mes amis de l’an dernier sont au courant de mon orientation sexuelle. Je suis loin de me sortir de cette vie, de l’ombre. Oui. Très loin.

Maïa, 19 ans, étudiante, Brest

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