Juste quand on pensait avoir une petite pause de mauvaises nouvelles jusqu’au temps des Fêtes, 2020 a encore une fois décidé de nous faire un tacle bien vicieux dans les chevilles.
Diego Maradona, l’un des meilleurs joueurs de foot de tous les temps, s’est éteint mercredi à l’âge de 60 ans. Ce sombre événement a peut-être seulement suscité un léger arrêt de scrollage sur votre fil d’actualité Facebook. Mais pour les Argentins et les fans de foot à travers le monde, cette nouvelle a eu l’effet d’un coup de massue sur des protège-tibias de piètre qualité. En d’autres mots: ça a fait très mal.
Pour comprendre toute l’étendue de ce drame national, on s’est entretenu avec trois Argentins pour qui le «gamin en or» représente bien plus qu’un as du ballon rond.
Nicolas Harguindey
Recherchiste pour l’émission Dans les médias à Télé-Québec
«Mon destin est en quelque sorte lié à celui de Maradona», avoue d’emblée Nicolas.
Fils d’Argentins ayant émigré en Belgique, le recherchiste n’était qu’un bambin lorsque ses parents ont fait le choix de retourner dans leur pays natal en 1985, soit un an avant que l’Argentine remporte sa première Coupe du monde au Mexique en 1986. «Évidemment, je ne me rappelle pas d’avoir célébré la victoire avec les milliers de personnes dans la rue, mais j’ai senti l’influence de Diego tout au long de ma vie », raconte le recherchiste, qui avoue rêver «assez souvent» à l’athlète.
Lorsqu’il a appris la nouvelle de sa mort, Nicolas confie avoir éprouvé une grande peine. «Il faisait partie de la famille de tous les Argentins. Il était dans notre quotidien depuis 79 et c’était probablement l’humain le plus connu sur Terre à la fin des années 80. Il a littéralement mis l’Argentine sur la map», estime Nicolas, visiblement affecté par la tragédie.
«Il faisait partie de la famille de tous les Argentins. Il était dans notre quotidien depuis 79 et c’était probablement l’humain le plus connu sur Terre à la fin des années 80.»
« Lorsqu’il a gagné, pratiquement à lui seul, la Coupe du monde, il a amené de la joie et un sentiment d’union nationale à un pays qui sortait d’une dictature qui a entraîné plus de 30 000 morts », explique-t-il.
En plus de la lueur d’espoir patriotique qui l’entourait, Maradona représentait également un «self-made man» exceptionnel selon Nicolas. «Il est parti d’un milieu archi pauvre pour finalement atteindre le firmament de la célébrité grâce à son talent».
S’il reconnaît que le héros de l’Argentine est aussi célèbre pour ses problèmes de drogues ou le fameux but très contesté de «la main de Dieu», qui a permis d’éliminer l’Angleterre de la Coupe du monde en 1986, Nicolas estime que le maestro du ballon rond est une «carte de visite rassembleuse» à l’international. «Quand on dit qu’on vient d’Argentine à un chauffeur de taxi, les premiers mots qui sortent de sa bouche sont Diego Maradona. Il a réussi à créer une image de fougue, de courage et d’excellence qui colle encore aujourd’hui à la nation argentine partout à travers le monde».
Carlos Soria
Contrôleur de gestion
Quand il a vu la nouvelle de la mort de Maradona, Carlos Soria s’est tout de suite dit que c’était une blague. «Il était tellement plus grand que nature que je me disais que ça ne se pouvait pas qu’il parte aussi vite à seulement 60 ans. Mais quand j’ai vu tout ces articles en provenance de plusieurs médias différents, j’ai réalisé que c’était vrai», confie l’Argentin de 33 ans qui habite à Paris depuis 4 ans.
Même s’il estime que l’athlète a été une «grande figure» pour son pays, Carlos ne se considère pas comme le plus grand fan de Maradona. «Je n’ai pas connu son époque la plus glorieuse lorsqu’il a ramené le trophée en Argentine. Pour moi, son nom résonnait plutôt avec une idole déchue».
Carlos rappelle que le «gamin en or» a aussi eu des agissements «douteux», comme son appui à Nicolas Maduro, le controversé président vénézuélien, ou ses fréquentations dans le milieu de la prostitution.
«C’est de ça que j’ai envie qu’on se souvienne: sa détermination légendaire, son amour du sport et de son pays».
Contrairement à Nicolas, Carlos ne croit pas nécessairement que d’être associé à Maradona à l’international soit une si bonne chose. «Oui, il y a tout le côté légende du sport qui est génial pour briser la glace lors de conversations, mais pour beaucoup de gens, surtout dans d’autres pays d’Amérique latine, il représente aussi la tricherie et la vantardise», explique-t-il.
Malgré ce côté plus sombre de la vedette, Carlos ne s’est pas empêché de partager une vidéo se remémorant l’ascension fulgurante de Maradona sur sa page Facebook. «C’est de ça que j’ai envie qu’on se souvienne: sa détermination légendaire, son amour du sport et de son pays».
Mariano Lopez
Intervenant psychosocial
«Le téléphone n’a pas arrêté de sonner depuis cet après-midi. Les gens m’appellent pour m’offrir leurs condoléances», confie l’Argentin de 53 ans à l’autre bout du fil.
Mariano se rappelle bien la finale de la Coupe du monde de 86. Il était alors dans son pays natal quand l’Albiceleste (le surnom de l’équipe d’Argentine de football) a soulevé le trophée doré. «J’étais avec des amis à Buenos Aires et on n’y croyait pas. C’était magique», relate l’intervenant psychosocial.
Au bout du fil, il se remémore un joueur créatif, imprévisible et haut en couleur sur le terrain comme à l’extérieur. «Ce sont ces traits de caractère qui l’ont mené encore plus loin qu’il pensait aller», estime Mariano.
«Il a connu des hauts et beaucoup de bas. C’est quelqu’un qui a profondément souffert malgré la gloire et la richesse et qui vivait ses émotions sans filtre.»
L’annonce de son décès a évidemment créé une «grande tristesse» chez l’intervenant pour qui la légende sud-américaine était d’abord et avant tout un modèle d’humanité. «Il a connu des hauts et beaucoup de bas. C’est quelqu’un qui a profondément souffert malgré la gloire et la richesse et qui vivait ses émotions sans filtre. C’est ce qui le rendait aussi attachant, je crois».
Pour garder en mémoire son idole de jeunesse, Mariano pourra compter sur son tshirt arborant le numéro et le nom de Maradona, un artéfact qu’il conserve précieusement. «Il m’a transmis sa passion pour le foot et pour ça, je serai toujours reconnaissant. J’espère qu’il se repose en paix maintenant».