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Moleskine Detour 2.0 au palais de Tokyo : l’art d’exposer des carnets de notes
Qui n’a jamais, étant enfant, eu dans les mains, ce petit carnet dans lequel on aimait raconter sa journée, défouler sa colère, donner vie à des personnages imaginaires, ou tout simplement plaquer sur papier le brouhaha permanent de ses pensées ? Qu’importe sa forme, le carnet accompagne indéniablement nos vies. Qui mieux donc que la marque Moleskine, égérie du carnet, pour lui rendre hommage dans une exposition ?
On a testé pour vous l’exposition qui bat son plein au Palais de Tokyo jusqu’au 20 février 2022.
Rassemblant 136 carnets-œuvres, l’exposition montre au public les archives fascinantes de tous ces artistes qui ont décidé d’y contribuer en envoyant leur revisites du carnet.
« Le premier support que nous cherchons pour abriter nos idées, c’est le papier. Il n’y a pas de médiation, pas de filtre »
Andrea Salvadori, un des organisateurs de l’événement, m’a raconté que la volonté de cette exposition était tout d’abord de montrer l’esthétisme de l’émulsions d’idées que contiennent ces recueils, tout en proposant une véritable ode à la créativité. « L’écriture à la main et du coup le papier, est au centre du processus créatif. Le premier support que nous cherchons pour abriter nos idées, c’est le papier. Il n’y a pas de médiation, pas de filtre sur le papier. »
Par le processus créatif, la fondation prône la vision du « changement social ». Pour Andrea Salvadori, l’exposition met le focus sur le partage et le soutien de la créativité. « Moleskine croit beaucoup au pouvoir du papier et même si le monde est en train de prendre une direction totalement digitale à tous les aspects, la créativité, la culture passera toujours à travers le papier. »
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C’est donc dans une file d’attente bondée, au pied de la Tour Eiffel, que je me suis rendu à l’exposition MOLESKINE DETOUR 2.0 au Palais de Tokyo. L’occasion pour moi de découvrir la vision sous-jacente derrière le petit carnet à l’élastique.
En arrivant, je suis directement plongé dans une atmosphère qui me rappelle le Paris chic et les soirées mondaines auxquelles je n’ai jamais pu participer. Les rideaux de fils séparant chaque section, m’immergent dans différents thèmes parmi ceux du voyage, des frontières ou encore de l’imagination. À l’entrée, des gants de coton blancs sont mis à notre disposition afin de pouvoir feuilleter les carnets exposés pour être encore plus proche des œuvres, et il faut le dire, c’est très appréciable.
De Joël Andrianomearisoa à Carlo Stanga en passant par le groupe de rock Sigur Rós, 100 artistes internationalement connus ont choisi de donner leurs carnets d’inspirations à la fondation, proposant parfois des revisites totalement déroutantes où le carnet s’oublie et se transforme pour laisser entièrement place à l’imagination.
L’exposition avait déjà pu être présentée en 2007 au centre Pompidou. Depuis, 36 artistes émergents de Paris viennent compléter la collection. « Moleskine croit à l’inclusion, à la créativité, au support, et au soutien des jeunes créateurs. Nous avons donc choisi ces artistes émergents parisiens pour les mettre en avant, mais aussi afin de reconnecter Moleskine à ses racines, car son histoire est née à Paris », explique Andrea Salvadori.
En déambulant entre les différentes zones-thèmes, j’ai été frappé par des carnets lourds de sens ; je suis aussi tombé sur des créations aussi destructurées que déstructurantes. C’est la preuve pour Andrea Salvadori « qu’il n’y a pas de limites et que la créativité peut s’exprimer à 360 degrés ».
Voici donc un pêle-mêle de mes œuvres préférées :
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Nos voyages immobiles – Maurice Pefura
Dans cette œuvre, Maurice Pefura décide de nous ramener à nos souvenirs, quelles que soient nos origines. Le carnet est déstructuré pour se transformer en valise, laquelle contient un diorama d’immeubles. « Les immeubles ressemblent à n’importe quelle ville, n’importe quelle banlieue. Ils peuvent ainsi faire partie du souvenir d’une personne d’origine française née à Paris, tout autant que celui d’une personne d’origine camerounaise née dans la même ville. » La valise est ainsi utilisée comme la métaphore du mouvement, d’une migration, mais aussi de notre tête emplie de souvenirs qu’on emporte avec nous tout au long de notre vie. Avec cette œuvre, on dénonce dans le même temps un sujet plus qu’actuel qui m’a beaucoup touché. « Si les lieux font partie de la mémoire de chacun, faisant partie du bagage personnel, alors la question se pose : qui est l’étranger ? »
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The open universe in which I search for my position – Witford Machill
Cette œuvre de l’artiste Witford Machill a beaucoup résonné en moi. En emprisonnant son carnet dans un bloc de ciment, l’artiste parvient à montrer de manière très imagée cette sensation indescriptible de notre auto-censure. L’artiste aussi peut se retrouver face à la page blanche. On ne saura jamais ce qu’il y avait dans ce carnet à moins que l’artiste décide de briser le roc de son moi intérieur, comme il souhaite le faire dans ces derniers mots : « J’ose vivre sans crainte et trouver un équilibre auquel je peux aspirer. » Un message d’espoir pour tous.tes : osez !
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I care about you – Leilah Babirye
Si je devais retenir une œuvre, ce serait probablement celle de Leilah Babirye. En tant que personne homo, elle a pu traverser le refoulement que l’œuvre de Witford Machill exprimait. Dans cette œuvre, l’artiste évoque notamment la violence qui peut être présente dans les écoles. Par la brûlure, l’artiste explique qu’elle lui permet d’annihiler la souffrance des épreuves qu’elle a dû endurer après les avoir retranscrits dans ce carnet. Brûler toute cette « torture » et cette « intimidation » envers les personnes LGBTI permet de retrouver « espoir » et « force ». Ce journal intime est donc un outil pour toutes ces personnes discriminées, « pour qu’ils voient comment ils peuvent surmonter les choses, être qui ils sont, en racontant des histoires qui les aideront ».
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The Yellow Line – Frances Goodman
Dès mon arrivée, cette œuvre a de suite attiré mon regard. Elle est la preuve que l’imagination peut être sans limite en métamorphosant totalement le carnet en une sorte de chimère reptilienne. Elle est réalisée à partir d’ongles artificiels et dénonce la représentation caricaturale de la dualité féminine aussi fascinante et séduisante, que dangereuse et redoutable. « Extensions du corps féminin quintessentiellement séduisant, les ongles peuvent rayer et faire couler le sang, surtout les affres de la passion (ou de la mort). En utilisant ces matériaux, le travail de Goodman remet en question les définitions de la culture populaire qui réduisent les possibilités de l’identité féminine à des extrêmes de consommation, d’aspiration, d’obsession, de désir et d’anxiété. »
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L’exposition sera ensuite accessible au Ground Effect à côté de République du 23 au 26 février. Pour celles et ceux qui n’habitent pas Paris, pas de panique, toutes les œuvres sont consultables sur le site de la fondation Moleskine.