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MeToo : Caroline Fourest nous donne le vertige
336 pages et… presque autant de passages médiatiques. Publié il y a deux semaines, Le Vertige MeToo de Caroline Fourest monopolise les plateaux de France 2 à BFM TV.
Un essai “nuancé et argumenté” pour Léa Salamé, “passionnant” pour Benjamin Duhamel, “extrêmement courageux” pour Sonia Mabrouk et “formidable à lire” pour Christophe Dechavanne. Raphaël Enthoven compare même la journaliste à Albert Camus.
“Les micros se sont offerts, en longueur et avec complaisance”, écrit l’observatoire des médias Acrimed qui rappelle “la liste vertigineuse de mensonges, calomnies et erreurs” commises par l’éditorialiste dans son ouvrage.
Le livre de Caroline Fourest ne se présente pas comme “anti-MeToo”, mais comme un exercice critique du mouvement qui serait allé trop loin dans la “chasse à l’homme” avec des innocents “brûlés vifs sur le bûcher médiatique”.
“LA HONTE A CHANGÉ DE CAMP, MAIS LA MEUTE AUSSI. ET SA GUILLOTINE EST À GÉOMÉTRIE VARIABLE, SELON QUI ACCUSE ET LA NOTORIÉTÉ DE L’ACCUSÉ.” – Caroline Fourest
En voulant “sauver MeToo de ses excès”, l’essayiste se perd. Elle remet en question le “Je te crois” adressé aux victimes et regrette de mettre toutes les accusations de violences sexistes et sexuelles “dans le même sac”.
Ce qui a particulièrement agacé cette auditrice de France Inter :
Alors que le procès des vi*leurs de Mazan montre une certaine évolution de la société française vis-à-vis de l’horreur vécue par Gisèle Pelicot, Caroline Fourest hiérarchise dans son livre le comportement des victimes qui ne devraient pas être dans l’émotion, ni se mettre en avant pour dénoncer leur agresseur.
Adèle Haenel aurait ainsi “le visage tordu de haine” et Judith Godrèche serait sous l’emprise de “marionnettistes avides d’utiliser son visage pour servir leurs messages”.
Décrite comme mariée à Benoît Jacquot à 14 ans (alors que c’est faux), Judith Godrèche a tenu à répondre à Caroline Fourest :
En effet, les hommes accusés de VSS sont pour certains épargnés, voire excusés par Caroline Fourest. Roman Polanski, qui sera jugé aux Etats-Unis au civil en 2025 pour des accusations de viol sur mineur ? “Les faits sont très anciens, prescrits, et le réalisateur ne semble plus présenter de danger”.
Et alors qu’elle affirme ne s’en tenir qu’aux faits, l’éditorialiste laisse une grande place à son ressenti comme le souligne Clémentine Autain :
Au-delà de ses prises de position qui sont tout à fait discutables, Caroline Fourest a commis de nombreuses erreurs dans son essai, notamment en voulant s’attaquer à Mediapart.
Le journal – accusé par l’essayiste d’aimer “croquer du people et du puissant” – a comptabilisé une dizaine d’erreurs dans Le Vertige MeToo. Caroline Fourest accuse notamment Mediapart de ne pas l’avoir contactée dans le cadre d’une enquête. Ce que le média réfute, preuve à l’appui.
“Aucun désaccord intellectuel ou politique ne légitime la calomnie et le mensonge”, écrivent Lénaïg Bredoux et Valentine Oberti, codirectrices éditoriales de Mediapart.
Les Inrocks parlent de leur côté d’un livre “éprouvant”, voire d’un “brûlot réactionnaire” où Caroline Fourestpasse son temps à “déformer la réalité au prisme de son idéologie (anti-woke et réactionnaire, donc)”.
Un gâchis lorsque l’on connaît le parcours de la journaliste qui s’était engagée pour le PACS, le droit à l’avortement et au mariage pour tous. Si elle se revendique toujours féministe, elle semble bloquée en 2010-2015. Une décennie de retard dans les combats progressistes qui trahissent aujourd’hui une pensée réac’.
“Il est normal que mon livre dérange les tenantes du féminisme LFI ou victimaire. Puisqu’il remet en question leur appropriation de ces luttes et leur façon de les mener”, répond Caroline Fourest à Libération.
Malgré tout, la journaliste est reçue avec complaisance par les médias audiovisuels généralistes, comme le relève Acrimed :
“Paresse intellectuelle ; mimétisme moutonnier ; droitisation… On ne saurait hiérarchiser les ressorts qui sous-tendent le « phénomène Fourest » et, en dernière instance, reviennent à mépriser l’information de même que l’éthique journalistique la plus élémentaire.”
Voulant remettre sur les bons rails une “génération Z, biberonnée au narcissisme plaintif”, Caroline Fourest devrait peut-être sortir de sa bulle et justement aller à la rencontre de cette jeunesse qui a grandi avec #MeToo pour comprendre l’impact positif de ce mouvement dans notre société.