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Metallica sait comment faire de l’argent
Qu’on l’aime ou qu’on le déteste, on ne peut nier la popularité du groupe Metallica. Avec plus de 100 millions d’albums vendus, il se classe au dixième rang des groupes rock les plus vendeurs de tous les temps, derrière les Beatles, Led Zeppelin, Pink Floyd, Queen, les Eagles, AC/DC, les Rolling Stones, U2 et Aerosmith.
La différence entre Metallica et les autres ? L’ambition commerciale.
Vivement critiqués par une partie de leur audience depuis plusieurs années pour plein de raisons semi-valides, les membres de Metallica ne se sont jamais empêchés d’essayer de faire la piastre à toutes les occasions possibles, et celles-ci n’ont pas manqué depuis 1983.
Comment ? Pourquoi ? Que font-ils de si disgracieux au juste ? Explorons la question ensemble.
Metallica et le fantasme de l’intégrité créative des fans de rock
Pour comprendre le génie commercial de Metallica, il faut tout d’abord comprendre ce qu’on reproche au groupe et comment il s’en est affranchi. Voyez-vous, la doléance générale contre les membres Metallica, c’est d’avoir changé. Avoir vieilli, avoir arrêté de consommer de l’alcool et de la drogue, être devenus pères de famille, etc. Personne (du moins publiquement) ne s’est arrêté pour déclarer haut et fort que la fougue autodestructrice des membres Metallica était peut-être le produit de leur jeunesse. Qu’un changement de style de vie allait entraîner un changement de son et d’attitude envers leur musique et leur célébrité.
Si Metallica et ses ambitions ont perduré et prospéré au fil du temps, c’est grâce à sa marque. C’est un terme trop souvent galvaudé par les webinaires et cours de marketing 101, mais qu’est-ce que ça veut dire au juste? Les définitions varient, allant de pratico-pratique à méga-philosophique, mais utilisons celle de l’expert en marketing Seth Godin pour les besoins de la cause : une marque, c’est « une série d’attentes, de souvenirs, d’histoires et de relations qui, mis ensemble, influent sur la décision d’achat d’un consommateur ». Metallica est extrêmement fort quand vient le temps de créer attentes, souvenirs, histoires et relations.
Le problème (pour certain.e.s), c’est que le groupe le sait très bien et qu’il est sur le coup jour et nuit. Ça fait que ses efforts commerciaux sont, disons… de qualité variable. Je vous ai préparé une petite liste de ses meilleures, pires et plus loufoques décisions d’affaires afin d’illustrer ce dont je parle.
Le meilleur
L’album noir
Dites-en ce que vous voulez. Appelez l’album noir « le début de la fin » si ça vous chante, mais les chiffres parlent d’eux-mêmes. Selon les statistiques adaptées qui prennent en considération les téléchargements et les écoutes en ligne, l’album noir de Metallica compte plus du double de ventes et d’écoutes que son plus proche compétiteur …And Justice For All et près du triple de Master of Puppets. Que vous l’admettiez ou non, c’est pour la plupart d’entre vous l’album qui vous a fait connaître Metallica. C’est mon cas d’ailleurs. J’avais 8 ans.
En ayant le courage de changer de son et de commercialiser son approche, Metallica s’est attiré un gigantesque auditoire qui n’attendait que d’être conquis. C’est grâce à l’album noir que le groupe est devenu immensément plus populaire que ses contemporains du Big 4, Megadeth, Slayer et Anthrax.
Encore aujourd’hui, c’est l’album qui joue dans les stades et les arénas 98 % du temps. Simplifier l’approche compositionnelle de Metallica était devenu inévitable après la mort de Cliff Burton, mais ce fut extrêmement bénéfique pour l’image de marque du groupe.
Metallica by Request
Après des années à se faire insulter en ligne par des hommes vieillissants qui auraient voulu qu’il enregistre Master of Puppets ad vitam æternam, Metallica a décidé de mener l’ultime sondage. Poussez-vous de d’là les experts IPSOS. James, Lars, Kirk et Rob ont annoncé en 2014 une tournée où les acheteurs et acheteuses de billets avaient droit de vote sur les chansons jouées. Non seulement le résultat a été frappant, mais il a grandement influencé l’écriture de leur album suivant, Hardwired… to Self-Destruct.
Vingt des trente-deux chansons qui ont été jouées pendant la tournée Metallica By Request provenaient des mythiques quatre premiers albums du groupe. St. Anger a été inexplicablement jouée sept fois et la chanson Lords of Summer semble avoir été la seule imposée par le groupe, mais son auditoire a parlé très clairement. Neuf chansons ont été choisies à toutes les représentations et quinze l’ont été plus que vingt fois. Le chialage contre Metallica n’a plus jamais été aussi véhément par la suite.
L’association de marques avec Stranger Things
L’avenir nous dira à quel point l’association avec la série Stranger Things aura été payante pour Metallica, mais les résultats se font déjà sentir. L’album Master of Puppets a fait son entrée dans les palmarès de ventes pour la première fois en 36 ans d’histoire. Metallica (dont les membres sont, rappelons-le, presque soixantenaires) est devenu le nouveau darling de TikTok et une toute nouvelle génération s’est ouverte à sa musique par le truchement de son immortelle chanson du même nom que l’album.
L’histoire ne raconte pas combien d’argent Netflix a versé à Metallica pour l’usage de la chanson, mais le processus de négociation n’aurait pas été très très difficile. En bons hommes d’affaires, les gars de Metallica ont su voir plus loin que le bout de leur nez et comprendre les retombées potentielles d’une telle association de marque.
Le pire
La poursuite contre Napster
A posteriori, les motivations de Lars Ulrich, le batteur de Metallica, dans sa poursuite contre la plateforme de streaming musical Napster sont compréhensibles. Il voulait empêcher la dévaluation de la musique de son groupe par le partage peer-to-peer, mais c’est le modèle d’affaire de l’industrie de la musique au complet qui s’est retrouvé aux poubelles à la suite de ce changement de paradigme. En devenant le visage de toute l’industrie, Lars a porté le plus grand coup à l’image de marque de son groupe.
Déjà que la crédibilité rock de Metallica était mise en doute après que le quatuor californien se soit coupé les cheveux, le groupe est soudainement apparu à son public comme une bande de millionnaires cupides et déconnectés voulant faire payer leurs fans au lieu d’essayer de trouver de nouvelles sources de revenus. Metallica n’a plus jamais été considéré comme une figure anti-establishment après ce fiasco.
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La marchandise de luxe
Un porte-clés à 300 euros. Un set de figurines à 500 euros. Une table tournante à 1 500 euros ! La boutique en ligne de Metallica regorge d’articles hors de prix dont on peut retrouver des contrefaçons un peu partout en ligne. L’auditoire cible de Metallica va peut-être payer 500 € pour des bons billets ou pour un coffret exclusif, mais pas pour un set de figurines, et encore moins pour un porte-clés. Vous êtes pas Gucci, les boys. La promesse de marque de Metallica, à la base, est une expérience. Pas un produit.
LuLu
Je laisse les mots de l’inénarrable critique américain Chuck Klosterman vous expliquer la nature de cet immonde OVNI musical produit et performé en collaboration avec un Lou Reed en fin de carrière : « LuLu est une tentative, dénuée de responsabilité commerciale, d’écrire quelque chose de différent de tout ce qui a été déjà écrit, juste pour voir ce qui allait se passer. »
Heureusement pour Metallica, la plupart de ses fans prétendent encore aujourd’hui que cet album n’a jamais existé. C’est de loin la chose la plus déconnectée commercialement que le groupe n’a jamais produite, et c’est même pas intéressant en plus. Fun fact, vous pouvez acheter le coffret en version deluxe pour seulement 12 $.
Le WTF
Some Kind of Monster
L’idée de départ derrière la production d’un documentaire voulant humaniser le groupe était probablement noble. Le problème, c’est que Some Kind of Monster suit Metallica durant la production du pire album de sa carrière, St. Anger, et c’est un peu difficile de s’identifier aux musiciens ou même de les trouver sympathiques.
Quand James se sauve du studio en disant « JE VEUX JUSTE ÊTRE COMME TOUT LE MONDE » pour aller faire une balade sans casque sur sa moto à 200 000 €, c’est dur de le prendre au sérieux. Et je ne vous parle même pas du thérapeute qui devient obsédé avec le groupe. Un artéfact des plus étranges.
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La marchandise non metal
Si vous surfez sur la boutique en ligne de Metallica assez longtemps, c’est possible de vous trouver le parfait kit du beauf en vacances pour la modique somme de… 210 euros. Aimez-vous Metallica au point de vous couvrir de la marque avec des articles dix fois plus chers que leurs équivalents génériques chez Décathlon ? Il faut aimer un groupe à la folie pour faire ça.
La boutique est vraiment un sac à surprises de niaiseries d’ailleurs. Mentions spéciales à la chaise de camping Metallica à 80 $ et à la robe du temps des Fêtes de St. Anger en spécial à 28 $. Ça pourrit probablement dans un entrepôt quelque part en Californie, tout ce beau matos !