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Mayotte : entre négligence et récupération politique
Des vents de 226 km/h, des pluies torrentielles, des vagues de 6m de hauteur : Chido a été le cyclone le plus violent à avoir frappé la France depuis près d’un siècle.
Fraîchement désigné Premier ministre, François Bayrou a eu du mal à saisir la gravité de la situation, peut-être parce que le 101e département français se situe à 8 000 km de Matignon (ou plutôt à 7 760 km de Pau).
Plutôt que de prendre le 1er avion pour Mamoudzou, le nouveau locataire de Matignon a préféré prendre un jet – à 12 000€ les 52 minutes – pour présider son conseil municipal et défendre le cumul des mandats. Une situation ubuesque que même les élus locaux ont eu du mal à comprendre :
Face à une telle “faute politique”, on aurait pu penser que l’expérimenté François Bayrou – élu depuis plus de 40 ans – allait faire amende honorable et expliquer en maniant la langue de bois qu’il était concentré avant tout sur la formation de son gouvernement en ajoutant que Macron allait se rendre sur place.
Mais non. Il s’est enfoncé dans son ignorance de la situation, voire son mépris, en répondant indirectement que Mayotte, ce n’est pas vraiment la France :
François Bayrou n’est pas le seul à s’être tristement distingué ces derniers jours.
Alors que Mayotte peine à compter ses morts qui peuvent se chiffrer en milliers, Bruno Retailleau n’a pas manqué de remettre la faute du désastre causé par le cyclone sur… l’immigration.
Les réactions de Bayrou et Retailleau résument à peu près la place qu’occupe Mayotte dans l’imaginaire politique français : un département oublié, méprisé ou seule la question migratoire vaut la peine d’être posée. Une dérive sécuritaire en phase avec la volonté de Macron qui a supprimé le ministère de l’Outre-mer, désormais dissous dans celui de l’Intérieur.
Peu après son élection en 2017, le président de la République s’était d’ailleurs distingué au sujet de Mayotte en déclarant : “Le kwassa–kwassa pêche peu, il amène du Comorien !”
Une référence aux embarcations utilisées par les passeurs pour joindre Mayotte depuis l’île comorienne d’Anjouan, causant de nombreux naufrages. La distance qui sépare les deux îles est considérée par de nombreux observateurs comme “le plus grand cimetière marin du monde”.
Un simple “trait d’humour malheureux” du chef d’État selon l’Élysée.
Mais les politiques ne sont pas les seuls à faire de condescendance avec Mayotte.
Dernier exemple en date sur l’antenne de RMC où la chroniqueuse Barbara Lefevbre a déclaré OKLM que Mayotte ne méritait pas de minute de silence ou de deuil national car il y a “trop de clandestins”.
Une déclaration qui n’a pas été remise en question par le reste du plateau.
Réduite à l’immigration, Mayotte doit faire face à de nombreuses inégalités, qu’il s’agisse du système de santé, de l’illettrisme, du chômage ou tout simplement de développement économique.
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Département français depuis 2011, le territoire ne bénéficie pas du même code du travail, ni des mêmes prestations sociales qu’en Hexagone : “Mayotte, c’est un demi-siècle de retard par rapport à la métropole”, estime l’économiste Olivier Sudrie.
Des inégalités peu abordées au niveau national, malgré une immense grève générale en 2016 qui n’a pas permis de faire bouger les choses.
Le cyclone Chido aura peut-être au moins le mérite de mettre un coup de projecteur sur la situation catastrophique de Mayotte où le RN profite de l’abandon de l’État et des politiques.
C’est dans l’archipel que Marine Le Pen – accueillie là-bas en superstar – y fait ses meilleures scores : les Mahorais ont voté à 59,1 % pour la candidate d’extrême droite au 2nd tour de la présidentielle en 2022.