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On a l’habitude de reconnaître la France à travers 1000 choses. Il y a la baguette, le béret, le vin rouge, l’amabilité légendaire, les macarons, le saucisson, les croissants, la tour Eiffel, la culture (du viol), Emily in Paris et maintenant la traditionnelle manifestation française, bien de chez nous. Zyeutée et admirée de par le monde entier, c’est un véritable art de vivre prisé par celles et ceux qui vivent de près ou de loin au pays des droits de l’homme (avec un petit “h”, oui, on arrête de faire semblant).
Aux États-Unis, c’est l’indétrônable John Oliver qui n’a pas manqué de clamer son admiration, avec une bonne pincée d’ironie. Tout y passe, à commencer par ce couple de Bordelais qui sirote tranquillement du vin en terrasse pendant que tout brûle et part en fumée autour d’eux. Quoi de plus français que ça ? « C’est une marque de fabrique », estime le célèbre présentateur américain. Il n’a pas tort.
Et il semble même respecter la noble cause pour laquelle le peuple du roi Macron se bat depuis maintenant 3 mois : « La France a la chance d’avoir le type de politique de protection sociale généreuse qui se fait de plus en plus rare aujourd’hui, et c’est probablement pour cela qu’ils se battent si fort pour la protéger. »
C’est ensuite autour de la désormais célèbre Mathilde Caillard de défrayer la chronique. Oui, cette même Mathilde qu’on a eu la chance de croiser en vrai en manif’:
« C’est honnêtement intimidant pour moi de regarder ça parce qu’elle fait tout ce que je ne peux pas faire : danser, avoir l’air cool avec des lunettes de soleil et une frange », confie le journaliste américain, un brin jaloux. On le comprend.
Démocratie à la française
Du côté de la Grande-Bretagne, c’est l’odeur des poubelles qui séduit et intrigue.
Mais aussi (et surtout) leur bon goût français pour la démocratie, comme le raconte bien la journaliste Dalia Gebrial. « On a une idée très limitée de la démocratie en Grande-Bretagne, comme si ça se résumait à aller voter tous les 5 ans. On a tendance à mettre de côté le sens de la démocratie au travail ou dans l’économie et à minimiser l’importance des manifestations. (…) On a beaucoup à apprendre des mouvements historiques qui se jouent aux 4 coins du monde, surtout par les temps qui courent avec l’augmentation de la répression, le manque de ressources et l’exploitation qui fait rage. »
Au Pays-Bas, et plus exactement à La Haye, alors qu’Emmanuel Macron devait prendre la parole pour évoquer des questions de souveraineté, il a été interrompu par des manifestants très solidaires des manifestant.e.s français.e.s (on les remercie). « Je crois que nous avons perdu quelque chose : où est la démocratie française ? », ont questionné deux militants depuis les gradins. « Les manifestants français du mouvement social et environnemental se battent, pendant que vous contournez une nouvelle fois le Parlement français ! Personne n’écoute ! Vous avez des millions de personnes dans les rues ! Les conventions sur le climat sont reléguées au second plan ! Qu’avez-vous à nous dire sur l’Europe ? » Touché, coulé.
« J’ai l’impression qu’il y a une véritable culture de la contestation sociale, ancrée dans les mœurs. »
Pour Gabrielle Richard, une chercheuse québécoise installée en France depuis 8 ans (qu’on a eu la chance d’interviewer ici), cela ne fait aucun doute : en France, les manifestations font partie des mœurs. « Je suis absolument épatée de la capacité de mobilisation (et du souffle de ces mobilisations) française ! J’ai l’impression qu’il y a une véritable culture de la contestation sociale, ancrée dans les mœurs. Je constate que rares sont mes interlocuteurices du quotidien qui y prennent ombrage, qui estiment que c’en est trop et qu’il faudrait que les choses reprennent leur cours normal. Et pourtant, c’est loin d’être facile à gérer, surtout quand ça a un impact sur les transports, sur les établissements scolaires ou sur les poubelles ! Alors quand on dit que les Français.es (ou les Parisien.nes) se plaignent beaucoup, force est de constater que ce n’est pas nécessairement le cas sur ce plan. Et je pense qu’on gagnerait à s’en inspirer, au Québec, quand on se plaint du manque de vision politique, du fait que les gens sont blasés, etc. »
Raymond*, un Français installé au Canada, a un avis partagé sur la question. « Je suis à la fois admiratif de la pugnacité avec laquelle les Français sont prêts à défendre leurs acquis sociaux et fier de ce côté rebelle, pour ne pas dire insoumis, typiquement français, et d’un autre côté je suis toujours surpris de l’absence de culture économique et du côté un peu “bébé gâté” de mes compatriotes à toujours compter sur l’état pour tout, sans se soucier de ses moyens et souvent sans se poser la question des solutions. »
« Les Français ont de très bonnes raisons d’être fâchés mais sont-ils tous fâchés pour les bonnes raisons ? Je ne suis pas certain. »
D’après lui, les Français ne se rendent pas compte du caractère exceptionnel et normalement responsabilisant de leurs fameux acquis sociaux. « En prenant justement pour acquis qu’on peut rester au chômage pendant plusieurs années parce qu’on n’a pas trouvé le travail idéal qu’on “mérite”, ou parce qu’on a besoin de prendre une pause pour réfléchir, comme si c’était un droit fondamental de “se chercher” aux frais du contribuable quand le pays va super mal. Mais il est assez clair que l’État français fait preuve d’autoritarisme, regarde ses citoyens de haut, les maltraite et gère le pays n’importe comment, si on se fie à l’état des institutions les plus importantes, comme l’école et l’hôpital. Pour résumer, les Français ont de très bonnes raisons d’être fâchés mais sont-ils tous fâchés pour les bonnes raisons ? Je ne suis pas certain. » Le débat (pavé dans la mare ?) est lancé.
Sur les réseaux sociaux aussi, le mouvement a pris de l’ampleur avec notamment l’apparition d’un nouveau hashtag sur Twitter #BeMoreFrench. Sur Youtube, un certain Luis (plus d’un million et demi d’abonnés sur Youtube) a fait le buzz en essayant de trouver le meilleur croissant de Paris en pleine manifestation… Deux spécialités très françaises (on ne saurait dire laquelle est la meilleure).
Et même sur Animal Crossing, les Français manifestent… Preuve que la lutte continue, au-delà du réel et du jusqu’au-boutisme présidentiel. On lâche rien. ON EST LÀ.
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