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Manifeste contre les covers, cette arnaque du siècle
« C’est la même chanson… mais la différence c’est que toi tu n’es plus là », disait Claude François. On ne pouvait pas mieux parler des reprises. Ou « covers ».
« Alleluiah ». Un tube mondialement connu de Jeff Buckley. Enfin, selon une génération récente. Car les vrais savent que c’est originellement un tube de Leonard Cohen. Et donc, viennent de cracher leur café en lisant cette première phrase. Pourtant, dans l’inconscient collectif, et par son nombre de passages radio, Buckley est plus souvent associé à ce titre que l’auteur. Et malheureusement, l’histoire étant un éternel recommencement, il a souvent été prouvé que la chanson devenait connue grâce à sa « reprise ». Et c’est ainsi que pullulèrent ce que l’on nomme les « Covers ». Et aujourd’hui, impossible de lancer une playlist Spotify, de mater une chaîne de clips ou d’écouter la radio sans tomber sur une de ces reprises nouvelle génération.
Mais ça vient d’où, cet engouement pour les « covers » ? Avec la multiplication des télé-crochets comme The Voice (La Voix), les jeunes candidats tentent de se faire repérer via une reprise d’un tube lors de leurs auditions. Encore, et encore, et encore. Depuis 20 ans, même, si on prend en compte la « Star Academy ». Au point que pour sortir du lot et convaincre les jurés blasés au bout de leur 5e saison sur les sièges, il a alors fallu « réinventer » la chanson. Soit faire une reprise, mais avec un nouvel arrangement, un nouveau rythme, un nouveau grain de voix. C’est ainsi que les « softs songs » basés sur Titanium se sont multipliés. Principal symbole de cette tendance : une jeune femme nommée Madilyn Bailey. Et je vais le dire tout net, quitte à me prendre des pelleteuses de sel sur la face: je déteste les profils comme Madilyn, Alexander Stewart, et autres « Youtubeurs-Coveristes », bien que je n’ai absolument rien contre eux. Mais ils sont devenus l’emblème d’une industrie musicale malade, frileuse, et qui limite les risques.
Car, à leur image, de nombreux jeunes (et moins jeunes, pas d’ostracisme) se filment dans leur chambre, accompagnés ou non d’un instrument, pour reprendre les tubes du moment. Certains s’en sont même fait une spécialité, alimentant leur chaîne de manière hebdomadaire avec une nouvelle « cover », toujours réinventée, toujours de plus en plus loin de la version originale, pour prouver leur créativité artistique.
Ne vous méprenez pas, j’admire leur talent. J’suis moi-même pas foutu de chanter correctement « Bohemian Rhapsody » sous la douche sans que les flics ne cognent violemment à la porte en pensant qu’il y a une querelle de couple (« Nan m’sieur l’agent, c’est juste moi qui fais les différentes voix sur « Galileo Figaro » »). Mais permettez-moi, s’il vous plait et en toute indulgence, de ne pas aimer ce barnum. Pourquoi ? Mais je vais vous le dire, pourquoi. Parce que les maisons de disques ne jurent plus que par cela. Et que, rapaces comme elles sont, lorsqu’elles repèrent un « coveriste », elles le signent pour un album… de reprises. Logique, un titre original de Gwendu Lokaï (pardon si tu existes vraiment, malgré mes efforts pour inventer un nom à la con) n’intéresserait personne. Et on peut se poser la question si ces artistes sont vraiment complets. Phénomène de mode ou de foire, on les éponge, les presse, et lorsqu’ils nous ont régalé de quelques covers, on se lasse. On les renvoie ainsi en bout de ligne, pendant qu’un autre occupe son quart d’heure de gloire. Volatilité.
Si bien que lorsqu’un artiste mondialement connu (Ariana Grande, Justin Bieber, Selena Gomez et autres poids lourds de la Pop mondiale) sort un nouveau titre, vous pouvez être sûrs qu’une centaine de « covers » pulullent sur Youtube, ou autres réseaux sociaux musicaux. Dans l’urgence. Derrière un bel équipement musical comme un micro à 3000 balles, ou des djembés eco-responsables. Ou en multi-écrans (j’ai essayé de faire prononcer « split-screen » à mes grands-parents, ça a été un massacre « SpillsQuinne », alors maintenant je dis multi-écrans), avec instruments joués à la bouche par une dizaine de versions de soi-même. Je dirais même des caricatures, l’air pénétré, mais aussi fragile, ou déterminé, prêt à bouffer le monde. Bref, habités par toutes les chansons existantes avec la même énergie. Je pensais pas que c’était possible quand on a du goût. Une surenchère. Plus souvent encore, on voit des reprises de reprises. Des plagiats ?
https://www.youtube.com/watch?v=iiU1ef64PEc
Aujourd’hui, même un artiste affirmé ne peut plus vendre sans sortir un album de reprises. « Génération Goldman », M. Pokora reprend Claude François dans « My Way » (c’est pas du tout sa way, d’ailleurs, puisque c’est pas perso). J’en passe et des plus mauvais. Même les vieux de la vieille comme Julien Clerc ou Michel Fugain ne peuvent plus sortir d’album frais sans avoir auparavant partagé une reprise de leurs plus grands tubes en duo, pour revendre quelques galettes avant de signer, éventuellement, pour une dizaine de titres originaux. Et ils le font souvent avec des jeunes artistes issus de ces télé-crochets. Le seum de ouf qu’ils doivent avoir. Même des génies comme Christophe doivent passer par là. Et se mettre ainsi sur le même registre que les Kids United. Oh bon sang, j’en chiale de dire ça…
« No Time To Die » de Billie Eilish, se voit ainsi bafouée, en version métal, en version country, voire en version K-pop. Et nos oreilles, si elles avaient une bouche, vomiraient tout ce qu’elles savent.
Percer. Dans sa chambre. Sans caméraman. Et surtout sans public. Que valent ces « coveristes » en live ? Trop peu d’occasions de le savoir, vu qu’ils ne partent que très rarement en concert. Les artistes originaux sont irrités : ils ont appris le métier pendant des années, jusqu’à apprendre ce que c’est, de devoir capter l’attention de 3 mecs bourrés dans un bar un vendredi à 22 heures, après avoir transporté tout le matos sur 50 kms dans une vieille Renault Clio prêtée par les parents. Tout ça pour qu’une jeune ado de 16 ans, dans sa chambre, monétise sa chaîne en leur pétant les droits d’auteur, et en touchant plus qu’eux. Un exploit qui va même jusqu’à faire en sorte que la « cover » soit plus diffusée ou connue que l’originale. « No Time To Die » de Billie Eilish, se voit ainsi bafouée, en version métal, en version country, voire en version K-pop. Et nos oreilles, si elles avaient une bouche, vomiraient tout ce qu’elles savent.
Et puis, je vais vous dire. À force de multiplier les reprises, j’ai l’impression que tous chantent de la même manière, gars à la voix légèrement éraillée. Filles portant la fragilité à fleur de peau, style « Super Emo ». Et ça me gonfle ! Comment voulez-vous sortir du lot en faisant comme tout le monde ? Ce qui devait être leur solution, redevient leur problème d’origine.
Je veux bien essayer de voir un point positif dans tout ça. On a eu droit à des rédemptions comme celle de Tom Jones et son album de reprises « Reload » en 1999. Mais quand je vois que Robbie Williams en est réduit à sortir un album de reprises de chansons de Noël pour survivre, quelle tristesse. Son manager lui a sûrement dit quelque chose comme: « Tu vois, Robbie, ce que les gens aiment, en ce moment, c’est pas des chansons originales. Ce sont des reprises. Tiens, regarde. Ma nièce, elle mate cette chaîne Youtube toute la journée avec ses copines. Ça cartonne ! T’as vu ? 16 millions de vues en un mois. Bon, au pire, si tu veux pas, je fais enregistrer le même album par ma nièce, hein. On s’en fout de qui chante, en fait. On veut juste réentendre des chansons qu’on connaît déjà. Parce que les gens sont nostalgiques. Et puis qu’on est des fainéants. Et pis les gens n’aiment pas ce qu’ils connaissent pas. À ton avis, pourquoi il y a autant de remakes et de suites ? ». Ah oui, mais ça c’est une autre arnaque du siècle, je vous en reparlerai…