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Manger bio ou local : c’est quoi le mieux ?

Par
Bettina Zourli
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Récemment, en allant faire mes courses, je me suis posé une question à laquelle j’ai eu beaucoup de mal à répondre. J’étais dans un supermarché classique, dans le rayon fruits et légumes et je cherchais à acheter uniquement des produits locaux (à savoir, belges, dans mon cas). Après avoir évincé tous les fruits exotiques qui sont pourtant achetés en masse mais aussi les légumes français, néerlandais, et espagnols, et bien… il ne me restait plus grand chose. Je tiens aussi à consommer bio au maximum, et là, mes options se sont réduites comme peau de chagrin (j’aime l’oignon mais enfin quand même).

Du coup, j’ai décidé de réfléchir : manger bio ou local, c’est quoi le mieux, puisque force est de constater que la majorité de la population n’a pas accès à un choix varié combinant les deux ?

Le local avant tout ?

Pour ma part, je privilégie toujours le local. A vrai dire, je trouve cela même absurde de consommer un avocat bio, s’il engendre à lui seul des guerres de territoires (à propos, je vous conseille l’épisode L’avocat de la discorde de l’émission Sur le front) ainsi qu’une empreinte carbone désastreuse de par son transport.

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Pour autant, le local ne fait pas tout ! Prenons l’exemple de la Belgique : nous sommes bientôt en hiver, les tomates vendues dans les supermarchés sont 100% belges … mais elles poussent sous serre. C’est un procédé extrêmement énergivore, mais ce n’est pas forcément moins écologique qu’importer des tomates.

En effet, comme j’ai pu le lire dans cet article québécois, tout dépend du système de chauffage utilisé pour chauffer les serres : au Québec, plus de 50% des serres sont chauffées au mazout (très énergivore) mais on peut aussi chauffer au gaz naturel, et auquel cas, l’empreinte carbone devient moindre par rapport à une tomate importée (de Floride pour le Québec ou d’Espagne pour la Belgique).

Je trouve cette nuance intéressante, mais je pense que l’article a oublié un point majeur : l’idéal, c’est tout simplement d’arrêter de manger des fruits et légumes qui ne sont pas de saison ! Ainsi, on mange local sans encourager la culture sous serre.

Margaux de Ré, députée au Parlement à Bruxelles et engagée en faveur de l’écologie, me confirme : « Un ananas qui vient du Brésil, aussi bio soit-il, a quand même traversé l’océan pour arriver en Europe. Du coup, s’il peut être meilleur pour la santé de prime abord, il a un impact plus négatif sur l’environnement, les conditions sociales des travailleurs, etc. Et donc son bilan total n’est pas positif ! Malgré l’intérêt des labels bio qui permettent d’y voir clair quant à la qualité des produits consommés, je suis donc plutôt favorable au circuit local. »

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J’ai également demandé à Laurie, créatrice de contenus engagée pour l’écologie de me donner son avis. « Si on est dans l’impossibilité de faire ses courses ailleurs que dans ces supermarchés alors je conseillerais d’opter pour du bio, pour le côté santé d’une part mais aussi pour garder les sols cultivables et non rincés de pesticides », me dit-elle. Aimée Renault, média-activiste engagée pour la justice sociale et climatique, parle quant à elle d’une grande confusion entre le bio et le local, et admet que la réponse n’est pas intuitive, ni évidente.

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Alors, vaut-il mieux manger bio ou local ?

Nous venons d’avancer un peu dans notre réflexion, mais tout cela ne rend la réponse que plus floue. On mange quoi, alors !?

Julien Fosse, adjoint à la direction de France Stratégie, expliquait lors des Rencontres du l’alimentation durable en 2019 que « le transport ne représente que 17 % de gaz à effet de serre dans le processus de production. La production, elle, représente 50 à 55 % des gaz à effet de serre ».

Ainsi, manger local ne fait pas tout, puisque, comme indiqué plus haut avec les serres, tout dépend de la manière de produire les aliments. Toutefois, manger local, en évitant les intermédiaires, par exemple, en choisissant des AMAP ou des organismes comme La ruche qui dit oui, permet une meilleure rémunération des agriculteur.ices : cela a donc un impact positif en termes économiques et sociaux.

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A ce propos, voici l’avis que j’ai pu récolter auprès de Clémence, responsable de la communication chez La ruche qui dit oui, un réseau qui permet d’acheter auprès de producteurs locaux (en moyenne situés à 60 kilomètres de chez soi) mais qui promeut aussi une agriculture biologique : pour elle, manger local mais oublier la saisonnalité, c’est un non-sens écologique. De même, si l’entreprise propose une alimentation la plus locale possible, elle a bien conscience que les circuits courts ne sont pas forcément les moins énergivores. En effet, comme je l’ai relevé plus haut, c’est la production qui est cruciale dans l’empreinte carbone de nos aliments.

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Clémence me donne aussi l’exemple des tomates : Salvéol, géant de l’agroalimentaire en France, se targue de proposer des tomates bio, qu’ils produisent de manière intensive, toute l’année, et sous serre, tout en les sur-emballant et en se prenant une marge immense.

Ainsi, si La Ruche qui dit oui propose du 100% local, ils prennent aussi soin de ne pas proposer des aliments qui ne sont pas de saison. Mais surtout, leur engagement se situe du côté économique et social, avec une juste rémunération des producteur.ices.

Une question de privilèges ?

Quand je décide de traiter un sujet, j’essaie toujours de faire un travail d’humilité en étant honnête sur ma position, sur mes privilèges. Je suis une femme blanche, issue de la classe moyenne, qui a pu faire de longues études et qui habite en ville. J’ai à disposition beaucoup de choix, mais aussi des informations suffisantes pour motiver ce choix. Ainsi, je peux souvent allier le bio au local (via des organismes comme La ruche qui dit oui ou des AMAP). Dans les quartiers défavorisés, le choix ne se pose tout simplement pas.

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Cependant, il faut parfois choisir. Ainsi, Laurie m’explique à nouveau son point de vue : « Quand il est question de faire un choix, je choisis le local pour faire vivre l’économie locale et soutenir des artisans de ma région ». Toutefois, elle a bien conscience que tout le monde n’a pas accès à des magasins indépendants qui promeuvent le 100% local. « Évidemment la réflexion n’est pas la même lorsqu’on fait ses courses en supermarchés, là où la nourriture est souvent industrialisée qu’elle soit bio ou non ».

Aimée, quant à elle, préfère privilégier le bio. « À choisir, le mieux reste la consommation bio car le modèle agricole est plus respectueux de l’environnement, les pesticides et le travail du sol endommageant la biodiversité et le sol. »

Bref, vous l’aurez compris, il n’y a pas de réponse toute faite !

Au final, je pense qu’il s’agit avant tout d’une question de sensibilité personnelle. Certain.e.s préféreront éviter les pesticides, d’autres privilégier une rémunération honnête des producteur.ices. Bien sûr, l’idéal étant de pouvoir allier les deux.

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Pour ma part, je décide d’allier alimentation de saison uniquement (Greenpeace a mis en place un super calendrier par mois), et, en fonction des jours, je choisis de consommer 100% belge ou alors bio.