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Majeur·e·s : enfin un annuaire pour contrer les boys club

« On essaie de casser cette dynamique d’entre soi ».

Par
Daisy Le Corre
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« Je veux embaucher des femmes mais je ne sais pas où les trouver » ; « Je veux diversifier mes collaborations mais je ne sais pas comment faire ». C’est pour ne plus entendre ce genre de phrases que l’annuaire Majeur·e·s a été créé, par l’entremise de Marie-Anne Robert, d’ailleurs première femme à diriger une major en France (Sony). C’est elle qui a permis de nouer un partenariat privilégié avec Spotify et de donner vie au projet.

On a discuté avec Claire Morel, présidente de shesaid.so France, l’association qui a lancé Majeur·e·s., pour en savoir plus sur cet annuaire 2.0 qui lutte contre l’invisibilisation des femmes, des personnes trans et non-binaires dans le monde de la musique.

Quel est le premier objectif de la plateforme ?

On veut essayer d’enrayer le problème du recrutement des femmes, des personnes trans et non-binaires dans l’industrie musicale, en rétablissant un certain équilibre et en visant l’égalité. Dans ce contexte, Majeur·e·s apparaît vraiment comme un outil correctif !

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Notre objectif c’est aussi de mettre ces personnes en avant via notre plateforme, de créer des modèles, et de montrer qu’elles existent ! Ça parait bête mais c’est hyper important. Il y a des personnes déjà bien installées dans leur métier qui vont sur Majeur·e·s aussi, et c’est cool parce que ça crée de vrais modèles. Il en faut toujours plus.

Notre but c’est de désacraliser les habitudes de recrutement, les cooptations, pour faire émerger de nouvelles expertises, de nouvelles voix, etc.

On essaie vraiment de casser cette dynamique de boys club et d’entre soi qui est insupportable et qui n’a pas lieu d’être dans l’industrie musicale française ! Franchement, c’est un fléau. C’est un système de pouvoirs et de dominations à abattre. On veut montrer aux gens qu’on n’a plus d’excuses, qu’il faut s’y mettre et diversifier ses équipes.

Plus on va diversifier les équipes de travail, moins on va créer de biais et d’injustices.

Comment ça fonctionne Majeur·e·s ?

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Concrètement : je suis un.e professionnel.le de la musique, j’ai besoin d’être référencé.e, je me connecte sur le site, je rentre mes coordonnées, je dis si je suis dispo ou non et le tour est joué !

Il y a plusieurs personnes qui ont été embauchées grâce à Majeur.e.s, on est super content.e.s que ça fonctionne ! Ce sont de belles opportunités qui ont été créées grâce à la plateforme.

Mais Majeur.e.s, c’est plus que ça : c’est aussi et surtout l’idée de se mettre en réseau qui est importante, c’est d’ailleurs l’ADN de shesaid.so : en 2017, on a commencé en faisant des réunions en non-mixité, et ça a grossi comme ça. C’est aussi une forme d’activisme !

Quels sont les faits ou les chiffres les plus choquants à l’heure actuelle sur le sujet ?

Il y en a tellement… D’autant qu’il y a des inégalités d’embauche et de salaire sans parler de l’effet d’éviction passé 30 ans. Les femmes qui travaillent dans l’industrie musicale sont des “couteaux suisses”, elles ont énormément de compétences mais sont coincées dans un métier, cernées de parois et de plafonds de verre, elles ont un mal fou à avancer. Hélas, ça s’applique aussi à plein d’autres secteurs d’activités…

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Quelques exemples frappants en vrac : alors que les femmes restent plus diplômées que les hommes, 41% d’entre elles occupent des postes d’employées ; la part des cadres est plus élevée chez les hommes que chez les femmes : 24%, contre moins de 19% ; les femmes sont 28 % à travailler à temps partiel : c’est 3,4 fois plus que les hommes ; 17% d’autrices et compositrices sont inscrites à la SACEM (seulement), et sur ces 17%, très peu sont jouées en radio. On pourrait continuer encore longtemps.

On dirait que rien n’évolue depuis des décennies…

Oui, en fait, ce qui est aberrant c’est que plus on monte dans la hiérarchie, plus c’est masculin ! Comme souvent malheureusement. Il n’y a qu’à regarder le dernier rapport du Haut Conseil à l’Égalité et celui du CNM … C’est déprimant ! Il y a un manque de représentativité et de volonté.

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C’est comme quand on discute avec certaines chanteuses françaises, on se rend compte qu’il y en a beaucoup qui savent écrire et composer mais qu’on leur a mis des directeurs artistiques dans les jambes… On les a juste empêchées d’écrire et de composer, Pomme en parle très bien de ça et de la façon dont elle a pu s’en affranchir. C’est inspirant.