Mais qui lit encore la presse people ?

Dans la salle d’attente du dentiste, je procède à mon rattrapage annuel de l’actualité people. Avec deux exemplaires récents sur la table (Voici et Public), je suis gâté – et je me dis que j’ai bien fait d’arriver en avance. Mais en tournant les pages, une question me taraude : qui lit encore ces magazines ? Et pourquoi ?

Pendant longtemps, la presse people a permis à ses lecteurs de glisser un œil dans l’intimité des stars qui les font rêver. Un acteur qui mange une glace, une présentatrice télé qui promène son chien, un chanteur qui trompe sa copine avec la miss météo… Entre ragots, moquerie et voyeurisme, ces titres nous dévoilent les petits à-côtés du conte de fée des célébrités. Et offrent des sujets de discussion légers pour la pause café ou les déjeuners en famille : on risque moins de s’embrouiller en parlant du nouveau régime de Nabila que de la réforme des retraites.

L’histoire commence au début des années 60. L’hebdomadaire France Dimanche abandonne l’information générale pour se consacrer à la vie des célébrités, inspiré par les recettes des tabloïds anglais. Le succès est phénoménal : 1,3 millions d’exemplaires chaque semaine. Si les révélations sont encore discrètes et les photographes respectent l’intimité des célébrités, la donne change en 1987 avec l’arrivée de Voici, le « journal des paparazzi ». Pour la première fois, un magazine prévoit un budget procès (généralement pour atteinte à la vie privée). Il y en aura 170 rien qu’en 1997, mais les ventes s’envolent et compensent les frais de justice. La concurrence s’aligne et de nouveaux titres l’imitent.

En 1997, la mort de Lady Diana freine temporairement leur croissance. Le public est écœuré de l’attitude des paparazzis et de leurs dérives sensationnalistes. Mais le succès revient au début des années 2000 grâce aux stars de la télé-réalité. Public et Closer rejoignent les rangs pour raconter les vies passionnantes de Loana et de Jenifer.

La dernière révolution du secteur, c’est l’arrivée des politiques, désormais considérés comme des people. Sarkozy qui flirte avec Carla Bruni à Disneyland, Ségolène Royal en maillot de bain sur la plage, François Hollande qui rejoint sa maîtresse en scooter… Ces scoops offrent à Closer et compagnie leurs plus belles ventes historiques.

Pourtant, depuis quelques années, les chiffres sont en chute libre : 300 000 exemplaires en moins chaque semaine pour les 5 leaders (Paris Match, Voici, Closer, Point de vue et Public). La fin d’une époque ? Les Français (ou plutôt les Françaises, puisque les femmes représentent 75% du lectorat) ne s’intéressent donc plus aux célébrités ?

C’est plutôt que le rapport qu’entretiennent les « stars » avec leur public a changé. L’avènement des réseaux sociaux a instauré une relation de proximité inédite : de nombreuses célébrités publient désormais elles-mêmes les photos de leurs vacances en famille, de leur grossesse, de leurs nouveaux compagnons… Pendant le (re)confinement, elles nous ont ouvert les portes de leur intimité. Concert à domicile, confidences filmées depuis leur lit, séances de yoga dans le salon… Le chanteur Raphaël a ainsi offert à ses abonnés un moment de vie intime, avec l’intrusion de sa compagne Mélanie Thierry dans la cuisine en plein live : « Je dois faire à bouffer ».

Lorsque Vanessa Paradis, l’une des chanteuses les plus traquées par les paparazzis, est interviewée via Skype au pied de son lit par Quotidien, les internautes sont stupéfaits de découvrir la simplicité de la déco. On l’imaginait vivre dans un manoir, elle apparaît non maquillée dans une chambre digne d’un hôtel Formule 1.

Quand aux célébrités 2.0, stars de la téléréalité, d’Instagram ou de Youtube, difficiles de révéler des scoops à leur sujet tant ils évoquent spontanément leur vie privée sur leurs réseaux, en toute transparence (en toute indécence ?). Thibo in Shape demande à ses abonnés de voter pour sa prochaine copine. Karine Lemarchand annonce sa séparation avec Joeystar sur Instagram. Kylie Jenner poste une photo de sa fille le jour de sa naissance. Joe Jonas voit son mariage à Las Vegas diffusé en direct sur Facebook par un invité. La presse people est prise de court, et se contente de reprendre des infos que les internautes connaissent déjà.

Bien sûr, il reste les articles de fond et les enquêtes rondement menées. Dans Public, par exemple, je me souviens d’un dossier consacré aux couples de stars dont madame est plus grande que monsieur. Dans Voici, il y avait aussi la liste des ex de Renée Zellweger sur quatre pages.

Mais je n’aurai pas le temps de les potasser, c’est l’heure de mon détartrage.