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Je me souviens distinctement, il y a quelques mois, dans un élan de frustration spontané particulièrement passif-agressif, avoir publié le statut suivant : « C’est moi où le polyamoureux, c’est le nouveau bisexuel ? »
Le polyamour…
Ce modèle relationnel au nom de X-men russe selon lequel personne “n’appartient” à personne et où tous les partis concernés se voient libres de fréquenter/dater/tomber en amour/baiser qui bon leur semble dans un tout miraculeusement fonctionnel (en gros… sentez-vous bien libres de me faire chier sur la définition dans les commentaires).
Pas que j’entretenais quelque chose contre l’idée (au contraire), je crois simplement avoir été victime à l’époque d’un certain épuisement face aux individus autour de moi (énormément plus qu’on pourrait le croire) qui balançaient ce terme de droite à gauche en essayant d’ouvrir mon esprit au “futur des relations amoureuses” pour justifier le fait qu’ils ne voulaient pas s’engager en partant quand même avec le beurre, l’argent du beurre, le cul de la laitière, une couple de vaches et un baiser sur la joue à Mathurin.
Un terme erroné, balancé à tort et à travers pour montrer sa petite ouverture d’esprit et avoir l’air de son temps, à l’image de cette adolescente un peu pompette qui frenche sa meilleure amie dans un bar parce qu’elle est “tellement bi” et certainement pas pour se valoriser directement à même les cris de macaques des garçons qui viennent simultanément d’ajouter la scène à leur imaginaire érotique pour une future séance de masturbation.
Si vous venez de lire ça à voix haute, prenez le temps de reprendre votre souffle…
Ajoutez à ça le fait que, de mémoire, il me semble ne jamais avoir été témoin d’un exemple de ce type de relation où quelqu’un ne se faisait pas royalement baiser (dans tous les sens du terme). Je l’écris, et surviennent automatiquement à mon esprit ces images du partenaire qui sourit tristement, la résignation dans le regard, quand son/sa copain/copine essaie d’épater la galerie dans une soirée en faisant l’apologie du fait que : « Dans notre couple, on peut voir qui on veut parce que le vrai amour c’est pas de se réduire en esclavage » et blablabla… Vous voyez, j’ai maintenant envie de gifler mon personnage imaginaire, parce qu’il était évident qu’un des deux partis était plus d’accord que l’autre avec cette affirmation.
Dans tous les cas, j’ai vu la microseconde de tristesse infinie dans le regard de la personne qui tolère, la personne qui fait un compromis, la personne qui se retrouve “polyamoureuse” malgré elle parce que l’autre lui a imposé le fait qu’il/elle préférait papillonner avec tout le bonheur et la stabilité d’une relation de couple, en sachant très bien que l’autre serait beaucoup trop attaché pour imposer ses limites. « Il/elle est comme ça… C’est comme ça… *long soupir*. » Beurk.
La vérité, c’est que je me suis toujours targué d’être un de ces “vieux jeux monogames” parce que je trouve qu’il y a quelque chose de profondément beau dans l’idée du « je t’aime tellement que je m’interdis toute autre personne si toi aussi », « je t’aime tellement que je veux qu’on fusionne nos existences en une troisième entité parce que c’est le seul moyen de vraiment construire quelque chose à deux », je trouve que c’est un beau sacrifice, c’est noble, c’est… Statistiquement désastreux d’improbabilité…
Pas que c’est une impossibilité, loin de là !
J’en suis même venu à me demander si c’était pas ça le seul vrai modèle sain de relation de couple : se fréquenter jusqu’à ce qu’on s’écœure et ensuite répéter le processus jusqu’à sa mort.
Par contre, j’en suis malheureusement à cet âge (coucou les jeunes trentenaires !) où toutes les relations issues de la vingtaine autour de moi s’écroulent en poussière. Les histoires de gens qui se trahissent dans le secret commencent à ressurgir. Les “un tel couchait avec un tel finalement”, les amoureux du collège qui veulent vivre d’autres expériences, les sept, huit, neuf, dix ans de relations de couple qui se lassent, plus de magie, « la routine nous a tués », « on a emménagé ensemble et tout a chié », « je voulais voir si j’avais pas manqué quelque chose », etc.
J’en suis même venu à me demander si c’était pas ça le seul vrai modèle sain de relation de couple : se fréquenter jusqu’à ce qu’on s’écœure et ensuite répéter le processus jusqu’à sa mort.
Puis à un moment donné, après cinq ans de célibat totalement opaque de frustration, il m’est arrivé cette anomalie…
Cette fille que tu ajoutes à tes amis Facebook dans le but de t’improviser une date, et qui, en fin de compte, t’assassine ça après trois heures de conversation à grands coups de « Oh oui ! C’est cool ça ! Moi et mon copain… ». Alarme de sous-marin soviétique, abort mission, on passe à un autre appel, elle est en couple ! Merde…
Néanmoins, je la trouvais très chouette et il semblerait que toute cette déception me soit tombée dessus suffisamment tôt dans le processus pour qu’on devienne des amis. Sainement je veux dire : pas de frustration, pas de double jeu pour éventuellement fuir en Argentine avec, non non, juste de la bonne vieille amitié gars/fille parce que c’est possible d’apprécier beaucoup quelqu’un sans qu’ultimement le but du jeu soit de mettre son pénis à l’intérieur.
Entre temps, je rencontre le copain en question, type irréprochable, et tout ça ne fait que certifier cette idée que rien n’arrivera, parce que je me suis déjà fait avoir et je ne peux pas vraiment le recommander, encore moins incarner dans ma vie cet archétype d’individu que je méprise au plus haut point.
Bref, après trois ans de « pas touche parce que tu es un homme respectable Charles Beauchesne », s’ajoute au script cet échantillon de conversation :
— Hey, c’est mon anniversaire, tu peux amener ton copain si tu veux :)
— Ah oui ? Lequel ?
*fast forward conversationnel*
— T’es là-dedans le polyamour ?
— En fait, c’était une blague, mais je serais pas contre l’idée et je crois que *nom du copain* serait pas contre.
*fast forward conversationnel*
— T’es au courant que j’ai flashé sur toi depuis qu’on se connait, hein ?
— Non !
— Oui, oui !
— Ça te dirait qu’on se fasse une date ?
Fast forward deux mois plus tard, je suis en couple avec une fille en couple. Bang ! Facile comme ça !
Et quand je dis facile, c’est facile dans tous les sens du terme. On a découvert ça à trois. En fait, on ne fait rien à trois, je n’ai pas l’impression d’être à trois, c’est la magie de toute cette entreprise, je crois. Elle et moi, on se voit quand on se voit. (Souvent, en plus ! Trois ou quatre fois semaines, standard “couple régulier”.) Quand on est ensemble, on est ensemble, quand elle est avec lui, c’est avec lui et j’en entends jamais parler. J’ai pas l’impression de faire un sacrifice, j’ai pas l’impression qu’elle en aime un plus que l’autre, cette affaire-là ne fait qu’arriver de façon tout à fait organique, zéro jalousie, et je me demande encore comment c’est possible.
Initialement, je me suis frappé à toutes les réactions d’incompréhension imaginables de la part des proches. « T’as pas peur qu’elle joue une game ? », « Moi je pourrais jamais… », « Les maladies ! As-tu pensé aux maladies ? », et bien sûr le sempiternel « Pourvu que tu sois heureux… »
À tout ça je ne répondrai que ceci : J’ai simplement décidé d’aimer quelqu’un.
On n’aura jamais d’enfants, on n’emménagera probablement jamais ensemble, j’ai pas l’intention de me marier, j’ai juste l’intention d’être en amour le plus longtemps possible. Si ça dure toute ma vie, génial! Si ça dure dix ans, génial ! Si ça se finit le mois prochain, ça en aura valu la peine.
Est-ce que c’est l’avenir des relations de couple ? Certainement pas ! Est-ce que ça existe ? Fuck oui ! Est-ce que ça a plus de chances de mal tourner qu’un autre type de relation plus conventionnel ? Statistiquement, pas le moins du monde. Il y a tout autant de motifs que ça prenne le bord que dans n’importe quel autre couple. Parce que c’est exactement ce que c’est, une relation de couple comme les autres où on a simplement le droit d’aimer d’autres gens en bonus.
Ah ! Parce que oui, la courtoisie m’est étendue. Je n’ai ni le temps ni l’envie, mais si je voulais, ça se pourrait. Tout le monde peut bien voir qui il veut, parce qu’au final ça ne regarde personne d’autre que les principaux intéressés. C’est la magie dans tout ça, vivre des trucs avec d’autres personnes n’invalide aucunement ta relation avec qui que ce soit. Au fait, ça c’est le bruit du concept de la jalousie qui s’envole par la fenêtre, on lui fait des bye bye !
Peut-être que la monogamie c’est définitivement pas pour tout le monde.
Peut-être que la monogamie c’est définitivement pas pour tout le monde.
Je me demande combien de gens se sont cloitrés dans une structure relationnelle qui ne leur convient pas, simplement parce qu’il y a un tabou sur tout ce qui ne s’appelle pas « mariage monogame, on fonde une famille et on patiente jusqu’à devenir grands-parents ». Je laisse ça sur la table, vous en faites ce que vous voulez.
Ah oui, le sexe est cool aussi !