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En 2004 arrivait sur la chaîne américaine ABC l’histoire des rescapés du vol Océanic 815, échoués sur une petite île du Pacifique. Véritable bombe audiovisuelle, la première saison est immédiatement suivie par près de seize millions de téléspectateurs par épisode. Vingt ans plus tard, la série est toujours autant adorée. Décryptage.
La série des records
“C’est ma série préférée”, “je la regarde en entier quasiment tous les deux ans”, “j’ai jamais rien vu d’aussi créatif”… il suffit d’un seul appel à témoignages pour recueillir un nombre impressionnant de critiques dithyrambiques sur Lost. Malgré ses vingt ans, la série n’a pas pris une ride dans l’esprit de ses fans, encore nombreux à la binger sur Disney + ou encore Netflix, où elle vient juste d’arriver. Pour Mimosa Effe, autrice de polars, la série a d’abord réussi à accrocher un large public grâce à la qualité de sa première saison “À la base, la commande de la chaîne est de s’inspirer de Survivor, (version américaine de Koh-Lanta) et d’utiliser le concept de survivants sur une île, pour en faire un show de science-fiction. La grosse réussite, c’est l’écriture de la première saison, avec une grande maîtrise de la narration, qui fait très peu appel au surnaturel dans un premier temps, pour l’amener plus tard.”
Plot-twists, cliffhangers et autres retournements de situation sont au menu de chaque épisode, dans une narration qui s’étend sur deux chronologies différentes. Et si le procédé de faire appel à des flashbacks pour raconter la vie des personnages restent classiques dans les trois premières saisons, la série prend un autre tournant à partir de la saison 4, avec l’utilisation de flashforwards (scènes dans le futur), puis de flashsideways (scènes dans une réalité parallèle), des concepts encore rarement vus à l’écran. “L’idée des deux timelines est une des forces de la série, il y a un travail autour de la chronologie qui est énorme. Cela m’a énormément inspiré en tant qu’autrice” explique Mimosa Effe.
Des personnages complexes pour l’époque
Si l’usage des deux timelines est si important, c’est qu’il permet de développer en profondeur une dizaine de personnages, là où les séries de l’époque se concentraient majoritairement sur un groupe restreint de cinq ou six. Une femme enceinte, un personnage gros, un couple koréen, un junkie… les passagers du vol Océanic 815, sont à l’image de la société, ultra divers. Pour certains, cette représentation y est pour beaucoup dans leur amour de la série, comme Anis, 32 ans, qui regardait Lost adolescent : “à l’époque, il y avait peu d’hommes arabes à la télé, et ils représentaient souvent des dealers où des types dangereux. Je trouvais le personnage de Sayid génial, il savait tout faire et il était super utile sur l’île !” s’enthousiasme le jeune homme en faisant référence à Sayid, un personnage ancien soldat irakien. “ Ils ont fait un show choral, avec de la complexité pour tous les personnages, qui sont bien plus ambigus et intéressants chacun qu’il n’y paraît”, confirme Mimosa Effe.
Une fin approximative
La suite de chiffre 4 – 8 – 15 – 16 – 23 – 42, le projet Dharma, les bunkers, les “Autres”, les voyages dans le temps, rares sont les séries à avoir pu installer une mythologie aussi puissante tout au long de son développement. Avec ses milliers de théories et son énorme fanbase, Lost est une série qui explose ses audiences à chaque saison. Mais en 2010, alors que la saison 6 est annoncée comme la dernière, l’épisode final laisse tous les fans perplexes. Parmi les nombreux mystères et arcs narratifs développés, le public ne trouve que peu de réponse à ses questions. “La fin est un gros débat” concède Mimose Effe, “les créateurs ont choisi une fin d’ordre mystique, qui ne convient pas à plein de personnes qui voulaient des réponses concrètes, scientifiques. On s’est retrouvé à la fin avec quelque chose de très spirituel”.
Est-ce que la série a péché par son orgueil ? Les fans ont-ils eu raison de s’insurger ? “C’est compréhensible que des gens se sentent floués, personnellement, je n’ai pas aimé non plus” précise l’autrice, “mais Lost est un entre deux, avec de la science fiction et du fantastique.” Pour l’autrice, il faut aussi prendre en compte les enjeux de création de l’époque, où les showrunners commençaient une série sans savoir quand est-ce qu’elle allait se terminer, ni si elle serait renouvelée d’une année à l’autre, avec 24 épisodes à écrire. “De nos jours, des séries plus récentes comme Dark sont bien plus millimétrées.” Aujourd’hui, l’industrie des séries privilégie de plus en plus les mini-séries bouclées en une saison, au concept maitrisé du début à la fin. “Bien sûr, maintenant, les acteurs sont meilleurs et les effets spéciaux aussi, mais en perdant ce type de série qui se visionnait sur une année entière, on perd l’imagination et la créativité qui allait avec” conclut Mimosa Effe. Malgré sa fin étrange, Lost reste une série adorée.