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L’origine anticapitaliste du jeu Monopoly

Passez par la case départ et redistribuez la richesse.

Par
Justin Gélinas
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Monopoly est à la base un jeu d’argent et de pouvoir. L’objectif des joueurs et joueuses est d’utiliser leurs ressources pour éliminer les autres. Depuis sa sortie en 1935, le petit bonhomme à la moustache a su conquérir le monde. Malgré son succès planétaire, l’origine réelle du jeu reste peu connue et tout aussi frustrante qu’une fin de partie de Monopoly.

L’histoire officielle

Avant la commercialisation du Monopoly tel qu’on le connaît aujourd’hui, il existait déjà plusieurs versions dans les années 30.

L’invention du Monopoly a longtemps été attribuée à l’ingénieur américain Charles Darrow. Il aurait inventé le jeu alors qu’il était au chômage pendant la crise économique des années 30. Convaincu par son idée, il serait allé voir le fabricant de jeu Parker Brothers, qui commercialisera ensuite le jeu en 1935.

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La suite, on la connaît : Monopoly connaîtra un grand succès, Darrow deviendra millionnaire, et le fabricant passera go et réclamera aussi plusieurs millions de dollars en ventes.

Cette histoire mise en vedette sur tous les jeux de Monopoly est en partie vraie. Charles Darrow a bel et bien fait commercialiser le jeu, mais il ne serait pas son inventeur !

Un jeu qui était déjà en circulation

Avant la commercialisation du Monopoly tel qu’on le connaît aujourd’hui, il existait déjà plusieurs versions dans les années 30. La plus populaire était le Landlord’s Game (le jeu du propriétaire foncier) inventé par Elizabeth Magie. La jeune femme souhaitait à l’époque montrer le côté obscur et antisocial du principe du monopole. Le jeu de Magie était une critique du capitalisme. À sa sortie en 1904, il était surtout connu des universitaires de la côte est américaine. Pourquoi ?

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Le jeu a attiré l’attention de certains professeurs puisqu’il s’inspirait des théories de l’économiste Henry George. Celui-ci proposait un système de taxation unique basé sur la valeur réelle de la terre, c’est-à-dire sans prendre en considération l’ajout d’infrastructures. Par exemple, selon la théorie de l’économiste, la Place du parc au Monopoly conserverait la même taxation, peu importe le nombre de petites maisons placées sur sa propriété. Le but était de limiter les gains des propriétaires qui se basaient uniquement sur l’amélioration, ce qui avait pour conséquence d’appauvrir les locataires.

Une vision éducative avant tout

Afin d’illustrer sa critique économique, Magie proposait deux versions de son jeu.

La première s’appelait « Prospérité ». Chaque joueur ou joueuse gagnait de l’argent chaque fois qu’un.e autre achetait une nouvelle portion de terre. De cette façon, tou.te.s les participant.e.s pouvaient s’enrichir. C’était un jeu basé sur la collaboration et le bien social.

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La deuxième version s’appelait « Monopoly ». L’objectif était de gagner de l’argent en prenant des propriétés et des loyers à ceux et celles qui avaient moins de chance. Le ou la vainqueur.e était la personne qui avait utilisé son pouvoir pour ruiner tout le monde. C’était un jeu d’accumulation et de pouvoir.

Monopoly était à ses origines bien plus qu’un simple jeu d’accumulation de ressources et de pouvoir.

L’objectif de ces deux versions proposées par Magie était de nous faire prendre conscience de la différence de nos comportements et de notre humeur selon la version jouée. Elle espérait conscientiser les gens aux lacunes du système économique en place et aspirait même à ce que les politiques puissent s’en inspirer dans le futur. Malheureusement pour elle, une seule de ces deux versions sera copiée et popularisée (je vous laisse deviner laquelle).

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Une copie pas représentative de l’original

Malgré le brevet déposé par Magie en 1903 pour Landlord’s game, Charles Darrow a pris une de ces versions, l’a un peu modifiée et l’a commercialisée avec Parker Brothers sous le nom de Monopoly 30 ans plus tard.

Le problème, selon une enquête du New York Times sur le Monopoly, c’est que « Darrow n’a fait que revisiter ce qui existait déjà… pour en changer complètement le sens. Le jeu devait en effet, dans sa version originale, dénoncer la nature antisociale des monopoles ».

La vraie leçon du Monopoly

Monopoly était à ses origines bien plus qu’un simple jeu d’accumulation de ressources et de pouvoir. Il permettait de prendre conscience des limites du système économique en place et proposait de se projeter dans un autre mode de jeu collaboratif qui favorise l’entraide.

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Il est dommage que l’œuvre d’Elizabeth Magie ait été copiée par Charles Darrow et Parker Brothers. Malgré sa mauvaise adaptation, il est toujours possible de sentir la contribution de Magie. Comment ? Demandez-vous à quand remonte votre dernière partie de Monopoly qui s’est terminée dans la joie et la bonne humeur…