.jpg)
L’insoutenable légèreté de « Crazy Bear »
Avant même de prendre l’affiche en août 2006, le film Snakes on a Plane était déjà un phénomène culturel. L’honnêteté radicale de son titre, à l’époque temporaire, avait généré un buzz viral et près de deux fois la valeur de son budget de production au box-office. Même ceux qui ne l’ont pas vu savent de quoi je parle. Si vous étiez vivants et sur internet à l’époque, c’était impossible de passer à côté.
Snakes on a Plane a été la première chose à laquelle j’ai pensé lorsque j’ai appris l’existence du film Cocaine Bear (Ours sous cocaïne, pour les amoureux de la langue française). Dans un monde post-Marvel, est-ce possible de rassembler les foules pendant 90 minutes avec une simple idée farfelue ? La bonne foi allait-elle être au rendez-vous ou bien l’ours cocaïnomane allait-il être crucifié pour n’être qu’une célébration grotesque de la cruauté envers les animaux avec un humour gore mal placé ? Les idées extrêmes n’ont pas la cote par les temps qui courent.
Cocaine Bear est le genre de film que vous pouvez regarder avec votre petite cousine végane et votre grand-père accro à BFMTV sans provoquer de conflit intergénérationnel armé.
Samedi dernier, les parents de ma copine nous ont invités au cinéma pour voir Cocaine Bear pour la seule et unique raison que je ris trop fort pendant les films débiles et qu’ils adorent m’entendre rire. Ils ont été servis, mais j’ai surtout ri parce que c’était très drôle et bien foutu. Je suis ici pour vous dire que Cocaine Bear est le genre de film que vous pouvez regarder avec votre petite cousine végane et votre grand-père accro à BFMTV sans provoquer de conflit intergén érationnel armé.
Entre le fait vécu et le folklore régional
Ça peut vous sembler complètement débile, mais oui : Cocaine Bear est inspiré d’un fait vécu. Le mot-clé ici est « inspiré ». L’histoire réelle, c’est qu’un ours est tombé sur une brique de cocaïne lancée d’un avion en détresse au-dessus du parc national Chattahoochee-Oconee, en Géorgie. Il ne s’est rien passé de très excitant. Il est juste mort d’une surdose. Aujourd’hui, l’animal est empaillé et exhibé aux curieux à Lexington, au Kentucky.
Cocaine Bear (le film) raconte pour sa part la cavale meurtrière d’une maman ourse devenue accro à la blow au beau milieu d’un parc où se trouve plus de 70 kg d’or blanc et beaucoup trop d’humains. Parmi eux: une maman à la recherche de sa fille qui fait l’école buissonnière, une garde forestière extrêmement dangereuse avec une arme à feu, des trafiquants de drogues encore plus dangereux qu’elle, des petits voyous locaux, des flics, et tout le bordel !
C’est sûr que votre appréciation de Cocaine Bear sera 100 % dépendante de votre capacité à rire de personnages qui se font dévorer vivants par un ours défoncé.
Cocaine Bear a certes un pied dans le fait vécu, mais l’autre repose fermement dans le folklore régional, les histoires de bar distendues et exagérées et les légendes urbaines.
Le scénario de Jimmy Warden réserve cependant ses gags burlesques les plus corsés à des personnages sans grande intériorité et auxquels il est difficile de s’attacher. La garde forestière Liz en est le meilleur exemple : obsédée par l’idée de séduire l’inspecteur sécurité-incendies du comté, elle refuse initialement de venir en aide à une maman inquiète (jouée par Keri Russell) et met tout le monde en danger à chaque fois qu’elle essaie d’intervenir contre l’ours cocaïnomane. Comme dans tout bon film d’horreur, c’est un personnage qui existe pour se faire démollir.
Des blagues ultraviolentes, ça ne fonctionne que lorsqu’on a l’impression que les personnages concernés n’existent pas pour de vrai. Cocaine Bear a certes un pied dans le fait vécu, mais l’autre repose fermement dans le folklore régional, les histoires de bar distendues et exagérées et les légendes urbaines. Personne ne se sent coupable lorsque le générique de fin défile à l’écran parce que tout le monde est conscient que les événements du film ne se sont jamais déroulés et ne se dérouleront jamais.
C’est drôle d’avoir à vanter l’improbabilité d’un film, mais ça sert vraiment le propos ici.
La question de l’ours
Et la maman ours, là-dedans ? N’est-elle pas une innocente victime des machinations de trafiquants de drogue et de l’incompétence des services publics ?
Oui et non. Le destin du vrai ours sous cocaïne (aussi surnommé Pablo Eskobear, ça ne s’invente pas) est beaucoup plus triste que celui de l’ours CGI qui emprunte libéralement le langage corporel des accros à la cocaïne. L’ours fictif du film se comporte beaucoup plus comme un croisement entre Yogi L’Ours et Popeye (lorsqu’il ingère des épinards) que comme un animal sauvage. Le film n’est pas du tout sérieux, il n’y a pas de sous-texte toxique normalisant un quelconque comportement à problème.
Vous pouvez le regarder avec l’âme en paix.