Lorsqu’on entame des études en histoire, avouez que les chances de finir éminent professeur, volubile, charmant, toujours en veston tweed, patch de cuirettes aux coudes, une foule qui boit nos paroles et qui s’esclaffe de nos anecdotes à saveur historiques sont minces. On passera davantage de temps à justifier notre choix d’études à notre famille éloignée, à se demander l’utilité réelle du cours sur le règne de Nabuchodonosor Ier. On se console en méditant qu’au moins, on a une bonne culture générale.
Imaginez maintenant si un historien, féru du 18e siècle colonial, se retrouve dans l’équipe névralgique de la super boîte d’Ubisoft à Montréal. Imaginez maintenant la réaction de sa grand-mère! C’est le cas de Maxime Durand, ancien étudiant à l’Université de Montréal, cuvée 2010, qui s’est fait approcher par Ubisoft pour être consultant pour sa populaire franchise de jeux Assassin’s Creed. Ubisoft vient d’annoncer qu’Assassin’s Creed Valhalla, le nouvel opus du jeu culte, sortira prochainement: alors on en profite pour vous présenter Maxime, l’historien derrière la saga.
«Ubisoft va un peu à contre-courant en misant sur l’authenticité, sur la crédibilité de ses personnages, de ses lieux, de ses monuments».
Évidemment, on se demande tous comment il a réussi l’exploit de se faufiler dans les bureaux huppés, basés dans le Mile-End à Montréal. Il nous dit que ce « fut un concours de circonstances », qu’il reçut une lettre de son département pour l’inviter à participer au très coooooool projet d’Assassin’s Creed III.
L’univers du jeu vidéo est campé au milieu de la Révolution américaine (18e siècle), époque affolante en ébullition constante, il leur fallait donc des experts en la matière pour décortiquer tout ce beau bordel. Les astres s’alignaient pour Maxime qui avait déjà un penchant pour cette période riche de l’histoire américaine, il est donc devenu une ressource non négligeable pour les créateurs du jeu. Il pouvait répondre à ce genre de questions :
- quels genres de calottes portent les généraux de l’armée britannique?
- Y a-t-il plusieurs tribus amérindiennes qui ont participé à l’insurrection?
- Est-ce qu’on se serrait la main à cette époque-là?
- Est-ce que c’est vrai que les martiens ont bâti les pyramides?
Dans un monde qui se fout de plus en plus de la vérité, pourquoi Ubisoft se donne la peine d’engager un historien? Maxime nous confirme que même si le but premier de son employeur est de divertir, il y a un souci réel pour la véracité des évènements. Selon lui « Ubisoft va un peu à contre-courant en misant sur l’authenticité, sur la crédibilité de ses personnages, de ses lieux, de ses monuments ».
Effectivement, il paraît que certains professeurs d’architecture vont même jusqu’à montrer quelques plans de la série de jeux vidéo dans leurs cours tant elle est fidèle à la réalité. Certains utilisent aussi le jeu pour faire découvrir Florence au temps de la Renaissance, etc.
Question reloue mais l’encyclopédie Wikipédia n’était-elle pas suffisante pour Ubisoft? Avoir une armada d’historiens au sein de son entreprise permet, selon Maxime, d’ajouter « une plus-value, une crédibilité ». On le ressent jusqu’au moindre recoin du jeu, dans les petits détails.
Une tâche complexe qui nécessite plus que des mots clés tapés sur Google ou sur Wikipédia.
Bref, grâce à Maxime, il existe des « gamers » qui doivent certainement mieux comprendre les moments charnières de l’histoire après s’être tapé la série Assassin’s Creed que d’avoir suivi un cours à l’université.