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L’histoire traumatisante d’Anna : « Je viens de me faire carjacker »
Deux fois par mois, URBANIA vous propose un rendez-vous de témoignages qui retrace des histoires incroyables. Des moments de vie en voyage, des naissances, des ruptures, des rencontres improbables, des défis insolites… Le genre de série que l’on a envie de scroller sur son téléphone sur la plage, aux toilettes ou même dans le métro. D’ailleurs, si vous aussi avez vécu une histoire incroyable et voulez la partager avec nous, n’hésitez pas à nous écrire à [email protected] (à l’attention d’Anne-Laure Mignon). En attendant, c’est Anna*, 28 ans, qui raconte…
C’était le 29 décembre 2020 à Angers. Après un déjeuner d’anniversaire dans le centre-ville, je suis chargée de repasser chez moi à Monplaisir, un des quartiers nord de la commune, pour prendre ma voiture (celle de ma mère en réalité) et aller chercher une amie à la gare. Jusqu’ici, rien de bien foufou.
Comme convenu, je pars de chez elle vers 19h30. J’arrive chez moi une dizaine de minutes plus tard, je prends les clés, me mets au volant, démarre ma voiture et me dirige doucement vers la gare. Là non plus, rien à signaler.
Je roule, je roule, je suis à une rue de chez moi quand je me retrouve nez à nez avec un vélo au milieu de la route qui m’empêche de passer. J’hésite quelques secondes. Et pour cause, ayant vécu à Madagascar, ça me rappelle le genre de d’installation que les voyous mettent en place pour carjacker les voitures. Mais bon, je me raisonne rapidement… Ici, je suis à Angers. Par précaution, je coupe le contact, je retire les clés et les glisse dans ma poche. Je sors de la voiture, je prends le vélo, je le déplace sur le côté en grommelant un truc comme « non mais qui fait ça sérieux » puis je retourne à ma voiture.
« Quatre mecs cagoulés, masqués et habillés en noir débarquent et me pointent avec un flingue en me criant de descendre de la voiture. »
Je remonte à bord, je ferme la porte, je remets le contact quand tout à coup, quatre mecs cagoulés, masqués et habillés en noir débarquent et me pointent avec un flingue en me criant de descendre de la voiture. Je suis alors complètement paralysée. Je vois toute ma vie défiler. Dans ma tête, je vais mourir. Instinct de survie oblige, je tente un mouv : appuyer sur le bouton pour verrouiller les portes de la voiture. Sauf que sous le coup de la panique, impossible de le trouver. Je me rabats donc sur mon sac, dans lequel j’espère chopper mon portable. Sauf que le mec qui pointe son flingue sur ma vitre est plus rapide que moi, il ouvre la porte, me choppe par le bras, me tire et me colle contre une camionnette garée-là en m’ordonnant de ne pas crier. Flingue dans le dos. Je suis tétanisée. Je vois les trois autres mecs monter dans le véhicule, lui me lâcher et les rejoindre. Ils partent. Tout cela a duré 15 secondes.
Là, je me retrouve littéralement comme une conne, toute seule, sous le choc, sans voiture (déso maman), sans portable, sans sac. J’accuse le coup. Quand un autre véhicule s’insère dans la rue dans laquelle je suis. Je l’arrête immédiatement à coups de grands gestes et en lui gueulant dessus que je viens de me faire voler ma voiture et qu’il me faut son téléphone pour appeler la police. Le mec me prend pour une folle clairement. Mais au bout de deux minutes, il accepte. Il me tend son téléphone, je compose le 17, la police décroche, je lui explique « Je viens de me faire carjacker ! ». Ce à quoi il me répond du tac au tac : « De quelle couleur étaient les agresseurs ? ». Non mais sérieux, c’est ça ta première question, mec ? Bref, il m’envoie la BAC (brigade anticriminalité), qui arrive une minute après la fin de notre coup de fil. Ils inspectent les lieux, me posent quelques questions puis m’invitent à rentrer chez moi.
« Mais qu’est-ce qui vient de se passer ? »
J’habite à quelques mètres à peine mais c’est le retour le plus long de ma vie. Vraiment je me questionnais en boucle : « Mais qu’est-ce qui vient de se passer ? » Je me sentais nue. Je me sentais nulle. Au bout de quelques minutes, j’arrive enfin chez moi. Je retrouve ma sœur. Je m’effondre immédiatement en larmes. Je suis inconsolable. Je n’arrive plus à respirer. Mon cœur s’emballe. Je fais une crise d’angoisse. Elle m’aide à me calmer et je finis par téléphoner à mes parents pour leur raconter, à l’amie que je devais aller chercher à la gare, aussi.
Vers 22h, la police revient chez moi avec de nouveaux éléments : ils ont ramassé un masque sur la scène de crime. Ils vont l’analyser pour voir s’il y a de l’ADN dessus. Ils vont également avoir besoin du pull que je portais. (Shit, c’est mon préféré !) Ils m’emmènent ensuite avec eux au commissariat pour prendre ma déposition puis me redéposent chez moi en me disant que c’est la première fois qu’on leur signale un carjacking sur Angers. Bref, tout cela pour dire qu’ils prennent l’affaire très au sérieux. Ils sont également hyper précautionneux avec moi. Le lendemain, ils m’ont d’ailleurs prévu un rendez-vous chez un médecin. Ils me conseillent aussi de rejoindre un groupe de soutien pour m’aider à gérer le trauma, mais honnêtement ça va…
Et puis une fois toutes ces démarches terminées, je reprends le cours de ma vie. Jusqu’à ce que le commissaire de police me rappelle un mois après pour m’informer que son équipe a retrouvé ma voiture : elle était entre les mains de jeunes de 16-17 ans qui s’amusaient à faire des dérapages devant leur immeuble et à provoquer des courses-poursuites avec la police. Il m’annonce également que l’ADN retrouvé sur le masque correspond à l’un d’eux. Mais bon, pour l’instant, ils manquent encore d’éléments pour faire avancer l’enquête. Affaire à suivre ! En tout cas, je retiendrai dorénavant que comme à Mada, à Angers, s’il y a un vélo sur la route qui bloque le passage : le mieux c’est encore de rouler dessus.
* Le prénom a été modifié.