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L’histoire incroyable de l’humoriste Alexis Le Rossignol : « J’ai 37 tiques sur le corps »

Une excursion et toute une histoire…

Par
Anne-Laure Mignon
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Depuis cet été, deux fois par mois, URBANIA vous propose un rendez-vous de témoignages qui retrace des histoires incroyables. Des moments de vie en voyage, des naissances, des ruptures, des rencontres improbables, des défis insolites… Le genre de série que l’on a envie de scroller sur son téléphone sur la plage, aux toilettes ou même dans le métro. D’ailleurs, si vous aussi avez vécu une histoire incroyable et voulez la partager avec nous, n’hésitez pas à nous écrire à [email protected] (à l’attention d’Anne-Laure Mignon). En attendant, c’est l’humoriste Alexis Le Rossignol, 37 ans, qui raconte…

C’était en 2007. J’étais alors en Erasmus au Mexique. Avec un pote, – du style plutôt aventurier, un habitué des roads-trips, un type un peu comme moi, assez casse-cou -, on décide de se balader quelques jours du côté de la jungle mexicaine. Plus précisément dans l’État du Chiapas, réputé pour sa forêt dense et ses sites archéologiques mayas. L’échappée parfaite !

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« L’itinéraire est tracé au crayon à papier, mais on se dit que ça fera largement le taff »

Bref, arrive le jour du départ. On commence d’abord par la ville de San Cristóbal de Las Casas. Là, rien à signaler, le spot est très sympa, très coloré, très hippie. On en fait le tour rapidement puis on décide de prendre la route direction Bonampak, un ancien site maya où vivent toujours les Lacandons, une ethnie amérindienne implantée au cœur de la jungle. En fait, au détour d’un boui-boui touristique de San Cristóbal de Las Casas, j’ai trouvé une petite carte avec un itinéraire supposé mener jusqu’à un de leurs villages. Bon clairement, la carte aurait pu être dessinée par mon neveu – l’itinéraire est tracé au crayon à papier – mais on se dit qu’elle fera largement le taff. On prend donc les transports, on arrive jusqu’au début du chemin indiqué par notre carte, puis on commence à marcher. C’est écrit 30 km. On en déduit donc que ça va nous prendre la matinée (encore une fois, on est des amoureux de la rando, on marche assez rapidement). On est donc assez confiants.

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Au début, tout va bien. Bon, il n’y a clairement aucun tracé et le chemin est assez sauvage mais ça ne nous fait pas peur. Puis petit à petit, on commence vraiment à s’enfoncer dans la jungle, à ne plus du tout voir où on met les pieds, à devoir nous battre avec les lianes, les branches, les plantes grimpantes et les racines qui jonchent le sol. Là, mon pote commence à hésiter. Il milite pour qu’on rebrousse chemin. Quand de mon côté, je veux continuer. Pour moi, on a simplement dû dévier un peu de la « route classique » et on va retomber rapidement sur une piste moins hasardeuse.

Mais pour mon pote, c’est trop risqué. Il décide de faire marche arrière et de rejoindre le village en transport. Donc on se sépare, et je poursuis à pied. Il me file le sac de bouffe (composé de quelques tortillas, deux pommes et une boîte de thon) et notre tente « juste au cas où » et je lui dis « à tout à l’heure ! » car je suis persuadé que je vais le retrouver le soir-même. À ce moment-là je pense même arriver avant lui…

« Je me fais réveiller en plein milieu de la nuit par une horde de singes hurleurs »

Je continue donc mon chemin. Je peine à avancer à cause de la densité de la végétation. Mais pas de quoi me faire renoncer. Je marche, je marche, je marche et à un moment donné je réalise qu’il commence à faire nuit. Bon… Je ne pensais pas passer cette nuit dans la jungle – moi qui pensais en avoir pour la matinée – mais je me fais rapidement à l’idée. Je ne suis pas hyper serein bien sûr, mais ça va, des nuits sous la tente, j’en ai déjà passé pas mal, je suis habitué. Bref, je plante ma maison de fortune pendant que j’y vois encore un peu clair, je mange deux tortillas et je m’endors.

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Pendant la nuit, R.A.S. Je me réveille au petit matin, j’avale ce qu’il me reste de nourriture et je me remets rapidement en route. Une heure de marche, deux heures de marche… Trois heures de marche. Toujours rien. Enfin si, j’aperçois au loin deux hommes qui marchent super vite. Je les interpelle, mais ils ne parlent pas espagnol, juste un dialecte local que je ne comprends pas. Et bêtement je les laisse repartir, sans les suivre… Et je continue. J’avance, j’avance et à ce moment là, je sais que je suis complètement perdu. Aucune trace ni du village que je cherche, ni des Lacandons. Et surtout je m’en veux de ne pas avoir suivi les deux hommes, parce qu’ils connaissaient la forêt, eux. Je commence à vraiment flipper. En plus je me sens super faible et je n’ai plus d’eau et plus rien à manger. Mais pas le choix, je poursuis mon chemin. Je marche, je marche, je marche…

Puis j’arrive au niveau d’un ruisseau. J’essaye plus ou moins de pêcher un poisson avec mon tee-shirt, mais je n’y arrive pas. J’ai faim. J’en profite au moins pour boire, car je suis complètement déshydraté. Puis, déjà, la nuit commence de nouveau à tomber. Je plante de nouveau la tente et me couche.

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Là, je ne suis plus du tout serein. Pendant la nuit, j’ai super chaud. Je sue. J’ai super peur que l’eau m’ait rendu malade… Je me sens ultra faible. Vraiment, la sensation est horrible, je me sens mourir… Je m’endors très tard. Et à peine endormi, je me fais réveiller par des hurlements assourdissants… Je reconnais les singes hurleurs (petit point SVT : le singe hurleur a le cri le plus bruyant de tous les mammifères terrestres du monde. Il peut se propager à des kilomètres. Il est doté de cordes vocales trois fois plus longues que les nôtres). Je suis complètement tétanisé dans ma tente. J’ai l’impression qu’ils sont tous autour de moi. En plus, je sais à quel point ils peuvent être agressifs… Vraiment, à cet instant, je suis paralysé. Donc je reste des heures sans bouger. Et finalement, ils finissent par s’éloigner. Je sors de la tente. Je suis faible, faible, faible. Et là sincèrement je me mets à chialer, je me dis « Qu’est-ce qui t’a pris ? Pourquoi tu as besoin de faire ce genre de choses ? ».

« Ils pensaient tous me retrouver mort, bouffé par les fourmis des semaines plus tard »

Je sors mon carnet de notes. J’écris en gros que je suis perdu, que j’ai besoin d’aide et je fixe les feuilles sur les arbres dans un rayon de 100 m. Puis, encore une fois hyper affaibli, je décide de me rallonger dans la tente et d’essayer de dormir un peu… Jusqu’à ce que je me réveille en sursaut en réalisant que je suis en train de me laisser mourir… Et là je décide de repartir, en me disant que si je marche vers l’Ouest, je finirai bien par tomber sur le fleuve Usumacinta, qui sépare le Mexique du Guatemala, et que si je tombe sur le fleuve je verrai bien de la vie. Mais je ne sais pas si je suis à 10, 20 ou 50 kilomètres du fleuve…

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Donc, je marche, je marche, je marche. La végétation est hyper dense, il n’y a pas de chemin, je n’avance pas… À en croire la position du soleil, il doit être 12h. Ça fait plus de 48 heures maintenant que j’ai quitté mon pote et que j’erre dans la jungle. Et je continue, en me disant que je vais crever ici, tout simplement parce que je n’ai pas voulu faire demi-tour avec mon pote. Et tout d’un coup, j’entends un coq. Dans ma tête, ça fait tilt, je me dis : « s’il y a un coq, c’est qu’il y a un village ! Il n’y a pas de coq dans la jungle… ». Là, je reprends espoir, je comprends que je suis sauvé et je marche de plus en plus vite. J’aperçois désormais du maïs, une cascade et un village au loin… La première personne que je croise, c’est une petite fille, qui prend la fuite en me voyant… Puis je tombe sur des locaux sous le choc. Ils sont sous le choc parce qu’ils savent qui je suis ! En fait c’est le village qu’on voulait atteindre avec mon pote. Lui, y est passé deux jours plus tôt. Il leur a dit que j’avais voulu traverser la forêt tout seul et ne m’ayant pas vu arriver, ils pensaient tous me retrouver mort, bouffé par les fourmis des semaines plus tard…

Immédiatement, ils me donnent à manger et à boire. Tout le village est là. Ensuite, ils m’emmènent voir un médecin militaire, qui est justement de passage avec son camion dans le village.

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Et il m’embarque avec lui, direction la caserne militaire, où je me retrouve à dîner avec les bidasses. On mange des truites, c’est irréel comme moment… Et je reprends un peu de poil de la bête, mais je me gratte beaucoup. Le toubib passe mon corps au peigne fin et finit par percuter : je suis infesté de tiques et de puces. Il les compte : il y en a 37. J’ai pas moins de 37 tiques, dans les cheveux et les poils pubiens. Il les retire une à une avec une pince spéciale, me laisse encore un peu me reposer, et m’accompagne en direction d’un cybercafé pour envoyer un mail à mon pote et lui donner des nouvelles. (À cette époque, le téléphone portable n’est pas encore démocratisé, NDLR). Je l’ai finalement retrouvé au Guatemala deux jours plus tard… Sain et sauf !

* Ça c’est pour l’histoire à couper le souffle ! Sinon, pour une autre anecdote – aussi incroyable – sur son expérience en prison au Mexique, c’est ici (et c’est à mourir de rire).

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