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L’histoire improbable d’Élisa : « Il sort une arme à feu et lui ordonne violemment de filer la caisse »

Un braquage, et toute une histoire…

Par
Anne-Laure Mignon
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Deux fois par mois, URBANIA vous propose un rendez-vous de témoignages qui retrace des histoires incroyables. Des moments de vie en voyage, des naissances, des ruptures, des rencontres improbables, des défis insolites… Le genre de série que l’on a envie de scroller sur son téléphone sur la plage, aux toilettes ou même dans le métro. D’ailleurs, si vous aussi avez vécu une histoire incroyable et voulez la partager avec nous, n’hésitez pas à nous écrire à [email protected] (à l’attention d’Anne-Laure Mignon). En attendant, c’est Élisa qui raconte…

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C’était très exactement le 3 février 1999 à 18h. Non, je n’ai pas à ce point une mémoire d’éléphant. Je connais la temporalité exacte de l’événement parce que j’ai gardé le procès-verbal de la police. Bref, 3 février, 18h, donc.

Je suis, comme d’habitude, en train de m’occuper d’un client au comptoir de la pharmacie dans laquelle je travaille, dans le quartier de Nation, à Paris. À côté de moi, ma collègue fait pareil. Quand tout d’un coup, un mec débarque, assez nerveux. Il lui demande, de façon hyper agressive, de l’Equanil (un anxiolytique très puissant, préconisé notamment dans l’aide au sevrage alcoolique). Un médicament uniquement délivré sur ordonnance. Qu’il n’a pas. Procédure classique, elle lui refuse donc le médoc et lui propose d’appeler un médecin. Ni une ni deux, il s’énerve, sort une arme à feu de sa poche et lui ordonne violemment de lui filer la caisse.

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Panique à bord ! Ma collègue recule de son comptoir, se réfugie derrière moi et se met à crier. Les autres clients sont tétanisés. Plus personne ne moufte. À cet instant, s’ils avaient pu littéralement se fondre dans le mur, ils l’auraient fait.

« Vous croyez me faire peur avec votre pistolet en plastique ? »

Le braqueur se retourne vers moi et commence à m’agresser. Il pointe son arme dans ma direction et insiste : « La caisse !!! » De mon côté, je suis prise d’un excès de confiance – alors que pourtant je mesure 1m55 et pèse à peine 45 kg. Pas effrayée pour un sou donc, je lui rétorque sur un ton totalement naturel : « Vous croyez me faire peur avec votre pistolet en plastique ? ». Je venais de passer le week-end avec des enfants et j’avais vraiment l’impression de voir dans sa main un jouet en plastoc. Mais en soit, je n’en savais rien, je jouais un peu la – dangereuse – carte du bluff.

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Là, il vrille. Il m’attrape par l’épaule, me secoue comme un prunier et me pointe son flingue sur la tempe. Il me hurle une nouvelle fois dans les oreilles : « La caisse !!! » Toujours sur le coup de l’adrénaline sûrement, je ne réagis pas. Hors de lui, il me pousse violemment sur le comptoir, fait table rase du guichet, et se dirige vers la caisse.

De mon côté, je fonce vers le téléphone fixe (oui, 1999, la démocratisation des portables est encore assez loin). Impossible de me souvenir du numéro de la police, je compose donc le 18, soit celui des pompiers. Sans succès. Lui, continue de s’acharner sur la caisse qui ne s’ouvre pas. Dans sa folie, il continue également à foutre le bazar partout, à renverser toutes les boîtes de médocs, tous les objets présents sur le comptoir. Désormais il ne réclame plus la caisse mais seulement « 100 francs » !

Les clients commencent à comprendre qu’il ne constitue pas un danger. Ils essayent de lui faire quitter les lieux. Ce qu’il finit par faire, le pas lent et difficile. Ouf, sauvé !

« Il nous remercie de ne pas l’avoir accusé à tort »

15 min après, la police arrive – finalement au milieu de tout ce souk, ma collègue avait réussi à les joindre. Ils nous interrogent et nous demandent une description du type. On leur dépeint : « Il était blanc, typé un peu européen de l’est, environ 30-35 ans, à peu près 1m75, assez maigre, cheveux mi-long en arrière, moustache ». On leur donne aussi des indications sur ses vêtements. Il portait un jean bleu et un blouson un peu style bombers. Ils prennent tout ça en note puis se barrent.

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Ils reviennent 30 minutes après, la fleur au fusil. Ils nous annoncent qu’ils ont potentiellement trouvé notre coupable et nous demandent de sortir de la pharmacie pour l’identifier. Ma collègue y va et se retrouve avec le suspect en question : un gars d’origine maghrébine, cheveux bruns à ras, beaucoup plus vieux que notre esquisse, pas le même blouson, enfin vraiment mais RIEN RIEN RIEN à voir avec notre description. Elle leur signale, un peu amusée de la situation. Ils finissent par le relâcher.

Juste avant la fermeture de la pharmacie, vers 19h, le mec revient et nous remercie de ne pas l’avoir accusé à tort. Il nous explique : il était pressé, il s’est mis à courir pour choper son bus afin d’arriver à l’heure à son rendez-vous. C’est à ce moment-là que les flics l’ont arrêté… Son rendez-vous, bon bah il l’a loupé. Notre suspect à nous, jamais revu.