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L’histoire improbable de Thomas : « Il est minuit passé et je suis solo, enfermé dehors en caleçon dans le désert australien »

Un voyage, et toute une histoire.

Par
Anne-Laure Mignon
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Tous les vendredis de cet été, Urbania vous propose une série de témoignages qui retrace des moments de vie en voyage (des naissances, des ruptures, des rencontres incroyables, des défis improbables, des histoires insolites…). Le genre de série que l’on a envie de scroller sur son téléphone à la plage. Aujourd’hui, Thomas, 33 ans, raconte…

« Je sais qu’à priori je ne vais pas mourir ! Mais ça va être une bonne histoire à raconter ! ».

C’était en novembre 2014. À l’époque, j’avais 25 ans et j’étais un peu perdu dans ma vie. Quand je me suis fait la réflexion : quitte à être perdu, autant l’être dans un cadre idyllique. C’est comme ça que je me suis retrouvé à voyager en Australie pendant un an. À vadrouiller en solitaire sur cette terre de road trip à bord du fameux break Ford Falcon, tant convoité par les backpackers. Jerricanes d’eau sur le toit, réchaud à gaz et canne à pêche, je voyageais comme un vrai Robinson Crusoé.

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L’histoire se déroule alors que je suis au milieu de la pampa à Bundaberg, dans le nord-est de l’Australie. Il fait relativement chaud, c’est le début de l’été. 20h, comme d’habitude, je fais ma petite cuisine, ma toilette, j’enfile un caleçon en guise de pyjama et je me mets devant un film. Comme d’habitude, je ferme également ma voiture de l’intérieur pour être sûr de ne pas me faire déranger pendant la nuit. Une soirée on ne peut plus classique, finalement.

00h30. Me vient une envie d’aller aux toilettes. Jusqu’ici aucun problème, je sors de la voiture, je me mets à un mètre du véhicule et je commence mon affaire. Lorsque j’entends un énorme bruit. BAM. La portière vient de se refermer toute seule. Merde. Merde. Merde. Je tilte direct : la voiture est verrouillée de l’intérieur, les clés sont également dans l’habitacle, il est minuit passé et je suis seul dans la broussaille australienne. En caleçon. Merde.

Premier réflexe, je fais le tour de la voiture en essayant d’ouvrir toutes les portes. Comme on pouvait s’y attendre, c’est un échec. Les portes sont complètement verrouillées. Je réfléchis. Plan B : il faut que je casse un carreau. Ok. Mais avec quoi ? Je suis dans un endroit relativement aride. Autour de moi, aucune branche solide, aucun gros caillou, juste des graviers. Je prends le plus gros d’entre eux et j’essaye quand même de casser la vitre. Deuxième échec. J’arrive à peine à égratigner la fenêtre. Je réfléchis. Je me dis que je vais prendre du recul et lancer le gravier très fort sur la vitre pour la casser. Sauf que cette dernière solution me fait un peu peur. Si je vise mal et que j’abîme la carrosserie de ma Ford Falcon, j’aurais beaucoup plus de mal à la revendre à la fin de mon voyage. Or, cette voiture est mon seul capital financier… Bon… Je laisse tomber cette option et reviens à la précédente. Je cogne, je cogne, je cogne la fenêtre avec mon caillou, mais il n’y a rien à faire. Encore une fois, je griffonne juste timidement ma vitre.

« Mais attend, c’est qui ce mec ? Pourquoi il est à poil ? »

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Bon. Bon. Bon. Qu’est-ce que je fais ? Est-ce que je dors SOUS ma voiture ? Est-ce que je dors SUR ma voiture ? Pas très rassuré par ces idées, notamment à cause des animaux qui peuplent ce coin-là de l’Australie, je décide de me mettre en marche direction la première aide que je trouve. Pieds nus. Et toujours en calbar.

Je commence à avancer dans la cambrousse, je longe les petits chemins de terre. Avec un petit rictus tout de même : « Je sais qu’à priori je ne vais pas mourir ! Mais ça va être une bonne histoire à raconter ! ». Je marche, je marche. Je croise des kangourous sauvages et des chauves-souris énormes. C’est assez impressionnant ! Je continue. Ça doit faire deux kilomètres que je vagabonde, lorsque j’aperçois au loin la lumière d’une habitation. Eureka ! J’accélère et me retrouve devant une immense propriété. J’escalade la barrière. Dans le jardin, je me fais surprendre par un énorme cheval, qui galope devant moi. « C’est quoi ce bordel ? Je suis où là ? ».

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Une fois devant la bâtisse, j’appelle à l’aide. Une dame – que je viens très certainement de réveiller – sort. Je lui explique rapidement la situation : je suis un backpacker belge, je voyage dans ma voiture que j’ai verrouillée de l’intérieur avant d’aller pisser en pleine nuit et que la porte ne se referme toute seule. Résultat : je suis bloqué dehors, j’aimerais donc lui emprunter un marteau pour casser une vitre, récupérer mes clés et ouvrir ma voiture. OK. Elle me prend pour un fou. Mais en même temps, je n’ai pas l’air d’un criminel bien dangereux étant donné que je suis en caleçon.

Elle accepte. Elle décide de m’aider, va chercher un marteau – qu’elle garde tout de même précieusement contre elle, le temps qu’elle puisse constater que je ne suis vraiment pas fou – et m’invite à monter dans sa voiture pour que l’on tente ensemble d’ouvrir mon véhicule. Elle me donne juste la consigne de bien laisser la barrière ouverte : son mari, chef cuisinier, va rentrer du travail d’une minute à l’autre. Sur le chemin, on discute. Cet après-midi, elle a justement rencontré deux backpackers allemands avec qui elle a sympathisé. Elle leur a offert le couvert et l’hébergement pour la nuit. On arrive devant ma vieille Ford. Elle me tend le marteau avant de se raviser. « Tu ne veux pas que l’on attende que mon mari rentre ? Il est bricoleur et je suis sûre qu’il peut trouver une solution sans casser la vitre ? » Vendu.

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On repart donc dans l’autre sens. Lorsqu’on arrive devant la propriété, la barrière est fermée. Le mari est donc rentré et va donc pouvoir bientôt m’aider. Sauf que… En avançant vers la porte d’entrée de la maison, on constate que toutes les lumières sont allumées, les chiens sont hypers excités, aboient et courent comme des fous tout autour de la maison et les deux backpackers sont sur le perron de la porte. À côté, le mari hurle et fait des grands gestes. La femme sort de la voiture. Il lui saute dessus : « Mais où étais-tu ? Qui sont ces gens ? Pourquoi la barrière était-elle ouverte ? Je me suis fait un sang d’encre ». Je sors également de la voiture, pile à ce moment-là. En caleçon. Il vrille. « Mais attend, c’est qui ce mec ? Pourquoi il est à poil ? Qu’est-ce que vous foutiez ? Où étiez-vous ? ». Sa femme essaye tant bien que mal de le calmer et de lui expliquer la situation. Il redescend un peu en pression, m’ordonne de monter dans sa voiture, va chercher un cintre et me conduit jusqu’à mon véhicule. Sur le chemin, j’essaie de le rassurer, de le calmer, de lui exposer clairement les faits.

On arrive devant ma voiture. Il tente d’ouvrir les portes avec son cintre. Sans succès. Je lui dis : « Écoute, ne nous embêtons pas. J’ai déjà bien amoché le carreau de ma bagnole, donne-moi le marteau et laisse-moi l’achever ». Je pète la vitre. Je récupère mes clés. Et là, le mec explose de rire. Il réalise que toute cette histoire est vraie. Que je ne suis pas l’amant de sa femme. Que je ne revenais pas d’une partie de jambes en l’air secrète avec elle. Son visage s’illumine. Il m’invite à boire un coup et à dormir chez eux. Jusqu’à 5 heures du matin, on se retrouve et on discute tous ensemble, les deux backpackers, le mari, la femme, le cheval, les deux chiens et moi. Le lendemain après le petit déjeuner, me voilà reparti sur la route avec mon carreau cassé et ce super-souvenir à partager !

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