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L’histoire improbable de Nicolas : entre menottes, fourgon blindé et nuit en prison

Un voyage, et toute une histoire.

Par
Anne-Laure Mignon
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Tous les vendredis de cet été, Urbania vous propose une série de témoignages qui retrace des moments de vie en voyage (des naissances, des ruptures, des rencontres incroyables, des défis improbables, des histoires insolites…). Le genre de série que l’on a envie de scroller sur son téléphone à la plage. Aujourd’hui, Nicolas, 25 ans, raconte…

C’était en 2013. J’avais 18 ans et venais de rater mon baccalauréat. En attendant de le repasser en candidat libre, j’ai décidé de partir barouder. Au programme : entre autres, trois mois de voyage initiatique en Alaska, dont un de volontariat dans une ferme bio pour parfaire mon anglais. L’histoire se déroule alors que je sors de l’avion à Seattle, et que je compte prendre un bateau en direction de Juneau, la capitale. Petite précision : je voyage en tant que « visiteur », (les États-Unis requièrent normalement un visa travail, même pour un job bénévole, NDLR). « Qu’à cela ne tienne, il n’y a aucune raison qu’ils saisissent la supercherie… »

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« Je suis dans un film »

Je sors donc de l’avion après 10h de vol pour le moins difficiles. Hier soir, j’ai bien arrosé mon départ. Pour dire, ce matin à l’embarquement, j’étais presque encore à moitié ivre… J’atterris et j’arrive à la douane américaine avec ma tête des mauvais jours, ma grosse barbe, mes cheveux en bataille, mon pantalon de hippie et mon sac à dos de voyageur. Face à moi, un douanier plutôt nerveux. En anglais, il me demande ma date de naissance. Crevé, j’hésite. Résultat, il m’emmène dans le bureau des douanes, où je passe à la casserole. J’ai le droit à la fouille corporelle, à l’interrogatoire complet et à l’inspection de mes bagages. Puis finalement, les douaniers finissent par conclure que tout est en règle et me laissent retourner dans la salle principale. Soulagé, je souffle quelques minutes. Jusqu’à ce qu’ils procèdent à un second contrôle. Cette fois, c’est sur le nom de ma future hôte qu’ils tiquent. Ils se souviennent avoir déjà eu affaire à elle, pour une raison obscure. Je suis reparti pour le grand oral. Boîte mail, profil Facebook, site de woofing, ils épluchent tout (sans que je ne leur donne jamais aucun mot de passe). Et finissent par comprendre la véritable raison de ma venue en Alaska, à savoir, faire du volontariat. Or, sans visa de travail, c’est complètement illégal.

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21h, (soit 3h du matin en France), l’accès au territoire m’est refusé. Dans ma tête c’est clair, cela signifie retour à l’envoyeur. Un peu déçu, j’accepte mon sort. Jusqu’à ce que je comprenne que ce qui m’attend est bien pire. Ils m’expliquent : ils ne peuvent ni m’expulser immédiatement ni me garder à l’aéroport. Je vais donc passer la nuit dans un centre de détention. Je rêve ! Je suis dans un film. D’ailleurs, coïncidence ou instinct maternel surdéveloppé (on ne saura jamais), ma mère s’est justement réveillée à 3h pile cette nuit-là, en suspectant quelque chose…

Bref, ils me retournent face au mur, mains et jambes écartées et procèdent à une fouille plus musclée avant de me mettre les menottes et de me conduire dans un fourgon blindé en direction dudit centre de détention. Sur place, je suis sommé de me déshabiller et d’enfiler ma tenue de prisonnier. D’abord un caleçon, visiblement déjà porté avant moi, puis l’uniforme bleu des prisonniers. Une couleur, qui augure que je suis peu dangereux, quand, autour de moi, certains portent du vert, de l’orange et du rouge selon le nombre d’années qui leur a été imposé de rester enfermé derrière les barreaux. Ceux qui portent l’uniforme rouge ne sont d’ailleurs jamais démenottés dans les salles communes.

Puis, j’ai la possibilité de me laver. Opportunité que je décline après avoir lu « danger de viol dans les douches »

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Tenue enfilée, j’attends en cellule que l’on me prenne en charge. J’ai ensuite le droit à un nouvel interrogatoire à rallonge qui permet aux policiers de remplir mon dossier d’entrée. Suivi d’une visite médicale, et un topo complet sur le fonctionnement de l’institution. Puis, j’ai la possibilité de me laver. Opportunité que je décline après avoir lu « danger de viol dans les douches », dans les documents transmis à mon arrivée. Étape d’après : se coucher. Il est 3 h du matin. Les gardiens m’emmènent dans un dortoir assez éclairé avec une cinquantaine de détenus qui dorment. Pour les surveiller, plusieurs gardiens sont mobilisés et font des rondes. Complètement KO, je m’assoupis en quelques minutes.

Le lendemain, nous sommes tous réveillés pour le petit déjeuner. Au menu : du porridge et une grosse part de gâteau. Autour de moi, des groupes de noirs, de latinos, de blancs tatoués de symboles nazis… Je suis toujours dans un film. Je ne réalise pas encore ce qui m’arrive. Un Mexicain me laisse passer devant lui. Je mange seul.

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Puis l’heure du retour en France arrive enfin. Je repars en sens inverse. Menottes. Fourgon blindé. Aéroport. Je me fais escorter par deux policiers jusque dans l’avion (ce qui n’a pas l’air de rassurer les passagers). Mon passeport est confié aux hôtesses de l’air. On décolle. La pression s’envole et je dors quasiment pendant toute la durée du trajet. Arrivé en France, à Lyon plus exactement, je fais partie des derniers à descendre de l’appareil. Je récupère mes bagages. Je sors. Deux policiers m’attendent avec une photo de moi à la main, m’emmènent dans un préfabriqué et m’interrogent sur ce qui vient de se passer. À la fin de mon récit, ils me laissent partir.

Plus de peur que de mal ! Cependant, pas sûr d’essayer un jour de retourner faire du volontariat en Alaska…