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L’histoire improbable de Marianne : « Ni une ni deux, le requin fonce sur ma palme »

Un voyage, et toute une histoire.

Par
Anne-Laure Mignon
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Tous les vendredis de cet été, URBANIA vous propose une série de témoignages qui retrace des moments de vie en voyage (des naissances, des ruptures, des rencontres incroyables, des défis improbables, des histoires insolites…). Le genre de série que l’on a envie de scroller sur son téléphone à la plage. Aujourd’hui, Marianne, 26 ans, raconte…

C’était en octobre 2018, je suis partie voyager au Mexique pendant deux mois à la suite d’un contrat de deux ans comme chef de projet dans une grande maison de luxe. Ce job m’avait pompé toute mon énergie, j’avais besoin de souffler. Puis, finalement, les deux mois se sont très vite transformés en un an et demi. Sur place, j’ai rencontré quelqu’un. Un prof de plongée, qui m’a proposé de rester avec lui et qui m’a fait découvrir sa passion. Je suis tombée amoureuse des deux. De lui et des fonds marins.

En parallèle, je suis devenue monitrice de snorkelling et je compte désormais passer mon diplôme pour être à mon tour instructrice de plongée. Mais ça, ce sera pour une autre fois !

« Tout va bien se passer »

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On habite dans une caravane à Cabo Pulmo, au sud de la Basse-Californie. C’est un petit coin de paradis, l’une des réserves marines protégées les plus prospères au monde où l’on peut observer d’immenses bancs de poissons pélagiques, des tortues, des raies mobula et des lions de mer. On plonge ensemble de temps en temps. Quand je ne travaille pas, je me greffe à l’un de ses groupes. Et puis un jour, il me propose de l’accompagner en excursion pour voir des requins-taureaux. Le flip total. Mais j’accepte.

On est en avril 2019. La date exacte, je ne m’en souviens plus. L’immersion est à 7h. C’est la meilleure heure pour plonger. C’est celle où on a le plus de chance de pouvoir les observer. 5h30, le réveil sonne. Le temps de prendre le petit déj’ et on est parti. Le matériel est déjà en place sur le bateau, on l’avait préparé la veille. On prévient les gardiens pour qu’ils nous recensent (dans un parc naturel, le nombre de plongeurs est limité, NDLR). J’enfile mon équipement, ma combinaison, mes gants, ma cagoule, mon masque, mes palmes. Et puis je tique. Mes palmes et ma cagoule sont jaunes fluo. « Dis Juanito (c’est le nom de mon copain), tu ne m’avais pas raconté que les couleurs vives attiraient les requins ? ». Il me sourit. « Tu commences à avoir peur ? Tout va bien se passer ». Je souris aussi. J’ai carrément la trouille. Je finis de m’habiller, notre responsable termine son briefing, on répartit les binômes, on vérifie notre équipement, notamment la pression de l’air des bouteilles, on rentre dans l’eau et on entame la descente. Le plan initial ? On se rend à 15 mètres, on fait le tour d’une épave pendant 15 minutes puis on se met en ligne, on s’agenouille sur le sable, on fait le moins de bulles possible pour ne pas effrayer les requins et on attend qu’ils viennent vers nous. Ensuite, on reste 20-25 minutes à les observer puis on remonte. Simple comme bonjour.

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Au départ, tout roule. Deux, puis trois requins s’approchent. (Ils ont pour réputation d’être très curieux, NDLR). L’un d’eux passe à moins d’un mètre de moi. Ma peur s’est totalement volatilisée, je suis juste subjuguée. La sensation est dingue. Ils sont magnifiques et si près de nous. Et puis d’un coup, je sens que l’on me tire la jambe, par la palme. Je pense : « très drôle Juanito ! » Et puis un peu plus. « Bon Juanito, en vrai, une fois c’est drôle, deux fois, c’est lourd ».

« Désolé, le coup des couleurs vives, je n’y croyais pas trop. Maintenant si »

À partir de là, tout va très vite. Tout se qui s’ensuit s’est passé en une fraction de seconde. Autour de moi, tout le monde s’agite dans tous les sens (alors que nos consignes sont justement de ne surtout pas bouger). Juanito me fait signe que tout va bien, mais je comprends qu’il y a un vrai problème. Le guide me tire par la veste et me plaque contre lui. Il me demande de retirer ma cagoule. Ça y est, je fais le lien. Ma cagoule est jaune fluo. Je m’exécute. Je retire mon détendeur, mon masque et enfin ma cagoule, que je jette à l’eau. Mais rien n’y fait, je sens qu’il y a toujours un problème. Temps mort, le guide annonce une remontée d’urgence. La plongée est avortée. Il se place au-dessus de moi, Juanito reste juste en dessous. Ils me tiennent tous les deux fermement. 10 mètres. 7 mètres. 5 mètres. 3 mètres. Juanito me tire par la jambe et me fait signe de retirer mes palmes. Même pas le temps de réagir qu’il me les arrache et les lance de toutes ses forces le plus loin possible. Ni une ni deux, un des requins fonce sur ma palme et la choppe dans sa gueule. On arrive à la surface. Le bateau nous remonte. Je suis en état de choc. Je ressens un mélange d’adrénaline, d’euphorie et de peur. Juanito s’excuse : « Désolé, le coup des couleurs vives, je n’y croyais pas trop. Maintenant si ».

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Plus de peur que de mal ! Le lendemain, un autre groupe de plongeurs s’est rendu au même spot que nous. Ils ont récupéré ma palme et ma cagoule. Sur ma palme, il y avait la trace de la morsure du requin. On l’a accrochée dans le salon pendant un petit moment. Ah oui, et depuis, j’y suis retournée plusieurs fois. Avec des palmes bleues par contre.