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L’histoire improbable de Madeleine : «Comment est-ce que je vais pouvoir monter à bord de l’avion sans billet?»
L’été est fini mais la série continue. Un vendredi sur deux, Urbania vous propose un rendez-vous de témoignages qui retrace des histoires incroyables. Des moments de vie en voyage, des naissances, des ruptures, des rencontres improbables, des défis insolites… Le genre de série que l’on a envie de scroller sur son téléphone à̶ ̶l̶a̶ ̶p̶l̶a̶g̶e̶ partout.
D’ailleurs, si vous aussi avez vécu une histoire incroyable et voulez la partager avec nous, n’hésitez pas à nous écrire à [email protected] (à l’attention d’Anne-Laure Mignon). En attendant, c’est Madeleine, 28 ans, qui raconte…
C’était en janvier 2017. Je suis partie trois jours en voyage d’affaires à Johannesburg, en Afrique du Sud. Ma mission ? Remettre un pli (une offre plus précisément), à une entreprise. Normalement, pour ce genre d’activité, ma boîte passe par la poste, mais là, il nous restait à peine trois jours pour rendre notre proposition, il fallait donc que quelqu’un fasse le déplacement. Je me porte volontaire.
C’est la première fois que je pars dans le cadre de mon travail. Je suis super excitée. Mon entreprise me réserve un vol pour mercredi soir. Un vol de nuit avec une escale à Dubaï. J’arriverai à Johannesburg le jeudi dans la journée et j’ai jusqu’au vendredi 10h pour remettre mon offre. Timing parfait.
Sauf que c’était sans compter sur les premières chutes de neige de l’année, qui retardent mon premier avion. Je rate ma correspondance Dubaï-Johannesburg. Aie. Panique à bord. Mon temps est compté. En sortant de l’avion, je fonce donc pleine balle au comptoir de Qatar Airways, en espérant qu’ils me trouvent une solution. « Aucun départ pour l’Afrique du Sud n’est prévu dans les prochaines heures », me renseigne la nana de l’accueil. Zut. Comment faire ? Je négocie avec elle. « IL FAUT IMPÉRATIVEMENT QUE J’ARRIVE À TEMPS ». Elle passe quelques coups de fil. Ça ne donne rien. Affolée, j’insiste, j’insiste, j’insiste. Jusqu’à ce qu’elle cède. D’un coup elle me dit « tu vas courir jusqu’à la porte E12 et prendre l’issue de secours. Là, tu vas arriver sur le tarmac et une petite voiturette de golf va venir te chercher. Tu vas monter dans un avion à destination de Nairobi au Kenya. Premièrement, ça va te rapprocher de Johannesburg et deuxièmement, c’est une plaque tournante, il y aura forcément des vols ». Alléluia.
Je ne suis pas hyper confiante mais je fonce. Je me mets à courir dans l’aéroport. Porte E12. Porte E12. Porte E12. Trouvé ! Au bout d’une allée un peu cachée, j’aperçois la porte E12. Je passe l’issue de secours et comme convenu, j’arrive sur le tarmac. Une golfette m’attend effectivement et m’emmène jusqu’à l’avion. Je monte. On décolle. Ouf, la pression redescend.
Je réalise : je n’ai pas de billet, pas de boarding pass.
Le temps de quelques minutes pas plus. Beh oui, parce que je réalise : je n’ai pas de billet, pas de boarding pass. Comment est-ce que je vais pouvoir monter à bord d’un Nairobi-Johannesburg ? Si tant est qu’il y en ait ? Si tant est qu’il y ait de la place ? Dans ma tête, l’horloge tourne. Les heures défilent et l’échéance approche.
On atterrit. Je sors de l’avion et prends la passerelle des transferts pour éviter de repasser la zone des boardings. Je suis toujours complètement paniquée. Ma problématique est la suivante : je n’ai aucune preuve d’avoir été dans ce précédent avion et je n’ai pas de billet pour un futur vol.
Je ne me décourage pas pour autant. Sur le panneau d’affichage, je repère un Nairobi-Johannesburg qui part dans une demi-heure. Bingo ! En plus, la compagnie qui assure le vol est suisse. Je reprends espoir.
L’embarquement commence. J’arrive au comptoir. L’hôtesse de l’air me demande mon boarding pass. Je n’en ai pas. « Mettez-vous sur le côté mademoiselle ». Et là, je décide de la jouer au bluff. Je joue à la fille outrée à qui l’on a assuré qu’elle devait monter dans cet avion. Limite si je ne lui rétorque pas que je trouve ça « inadmissible de me refuser ainsi ». Elle passe plusieurs appels. Je garde ma ligne de conduite. Et à un moment, surprise, le roseau plie et rompt : elle cède. Eureka, je vais pouvoir monter à bord. Simplement, elle va juste devoir jeter un œil à mon carnet de vaccination pour vérifier que je suis à jour (plusieurs vaccins sont obligatoires pour entrer en Afrique du Sud depuis le Kenya, NDLR) Problème : je ne le suis pas.
Je me lance dans une nouvelle tirade : « Je ne le suis pas parce que je n’étais pas censé faire escale au Kenya… ». Je lui raconte pour la trentième fois : l’offre, Paris, la neige, la porte E12, la plaque tournante, le Dubaï-Nairobi. Je lui assure : « À Nairobi, je n’ai pas quitté la zone des transferts ». Elle ne veut rien entendre. Je répète machinalement : l’offre, Paris, la neige, la porte E12, la plaque tournante, le Dubaï-Nairobi. Rien à faire. Elle me redirige même vers le centre de vaccination de l’aéroport pour que je me fasse vacciner sur place. Je refuse. Elle insiste. Je refuse. Et là surprise, elle cède une nouvelle fois. « Ok pour monter dans l’avion ».
J’arrive à Johannesburg jeudi vers onze heures du soir. Ça fait plus de 24h que je suis partie de Paris. Je suis lessivée. Je prends un taxi direction l’hôtel que m’a réservé mon entreprise. On m’a promis un cinq-étoiles à Sandton, dans le quartier des affaires. J’ai hâte de m’y poser, de prendre une bonne douche et de dormir dans un lit king-size. Dans la voiture, je fantasme sur ma journée de demain. C’est sûr, après avoir donné l’offre, j’irai prendre un cocktail au bord de la piscine.
Le chauffeur me coupe dans mes pensées. « On est arrivés ». Je sors de la voiture. Le taxi repart. Et là je me retrouve à moitié sur une aire d’autoroute face à un hôtel type Formule 1. Je vérifie l’adresse. C’est bien ici. Je suis dégoutée. L’hôtel, c’est ce qui m’avait fait tenir pendant toute cette épopée… (J’apprendrai plus tard que mon entreprise s’était emmêlé les pinceaux au moment de réserver). Je toque à la porte. Personne. J’insiste. Personne. Je tambourine. Personne. J’ai attendu 20 minutes avant que finalement quelqu’un daigne m’ouvrir. J’arrive dans la chambre. Lit simple, lumière blanche un peu glauque, cabine de douche ultra cheap. Mon rêve de piscine s’envole. En plus, je rate l’anniversaire de ma meilleure pote pour ça… Bref, lasse et fatiguée, je m’effondre en larmes sous la douche. Et puis je me couche.
Le lendemain matin, je prends un Uber jusqu’au siège de l’entreprise. Je remets l’offre à la réception et je repars. Mission accomplie.
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