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L’histoire improbable de Cécilia : « Faisons le mur par la fenêtre du 6ème étage ! »
Deux fois par mois, URBANIA vous propose un rendez-vous de témoignages qui retrace des histoires incroyables. Des moments de vie en voyage, des naissances, des ruptures, des rencontres improbables, des défis insolites… Le genre de série que l’on a envie de scroller sur son téléphone sur la plage, aux toilettes ou même dans le métro. D’ailleurs, si vous aussi avez vécu une histoire incroyable et voulez la partager avec nous, n’hésitez pas à nous écrire à [email protected] (à l’attention d’Anne-Laure Mignon). En attendant, c’est Cécilia, 30 ans, qui raconte…
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C’était en 2007, en plein mois de février. J’avais 15 ans. L’histoire se déroule alors que nous étions partis en vacances au ski avec mes parents pendant une semaine. J’avais aussi invité une pote de classe.
« Parlementer avec mes parents, c’est comme négocier avec des policiers du RAID ! »
Premier jour sur les pistes, je pars skier juste avec ma pote. En haut du télésiège, on croise un groupe d’amis de notre lycée qui passent également la semaine dans les parages. Ils nous proposent : mercredi soir, soirée en boîte. On est carrément partantes. En plus, dans la team présente, il y a le crush de ma pote. Ça va peut être être l’occasion qu’il se passe enfin un truc entre eux. Bref, on a super hâte d’y être.
Seule ombre au tableau : il reste encore à demander l’autorisation à mes parents… Qui, après négo, me donnent la permission d’une heure du mat. « Une heure du mat ? Mais c’est l’heure à laquelle la soirée commence ! », s’exclame ma pote (qui n’a jamais eu l’ombre d’une restriction de toute son adolescence). « Alors, oui ma poule, je sais bien mais parlementer avec eux, c’est comme négocier avec des policiers du RAID ! Ça révèle de l’impossible. S’ils fixent 1h, crois-moi on a intérêt à être à 1h pile dans nos lits sous peine de se faire hacher menu-menu ».
« Problème : la porte fait un boucan d’enfer »
Bref, ledit mercredi arrive. Et avec lui, toujours ce problème de couvre-feu. Qu’on a finalement décidé de ne pas respecter. L’idée lumineuse sur laquelle on mise pour le contourner : que moi je rentre à 1h du mat comme prévu, comme ça mes parents entendent la porte qui se claque et pensent qu’on est revenues bien sagement toutes les deux. Pendant ce temps-là, ma pote reste en boîte avec son crush (et le chope). Elle m’appelle quand elle veut rentrer et je viens lui ouvrir. Ni vu, ni connu, je t’embrouille !
Sauf que la soirée passe à une vitesse… On s’amuse trop. On picole pas mal aussi. Ce qui fait qu’à 1h, je n’ai pas du tout envie de rentrer. Elle n’a pas non plus envie que je la laisse solo en boîte. On réfléchit donc à une nouvelle stratégie. Rentrer toutes les deux puis ressortir toutes les deux ? Euréka ! Mais bien sûr, là voilà la solution.
1h du mat, comme convenu donc, on est dans notre chambre. Problème : on a oublié de prendre en compte un certain paramètre : la porte fait un boucan d’enfer. Impossible donc de ressortir sans se faire cramer.
« Mais vous êtes encore nombreux à descendre comme ça ? »
Il nous faut donc une nouvelle combine. Une nouvelle idée de génie. Par la fenêtre ? Mais oui bien sûr, faisons le mur par la fenêtre du 6ème étage ! Une idée de génie, je vous dis ! On établit rapidement un plan d’action et on se lance.
On attache nos deux draps ensemble puis on les accroche à la poignée de la fenêtre, on teste leur résistance histoire d’être sûres puis ma pote commence à descendre en rappel. L’idée ici : rejoindre le balcon du 4ème étage sur lequel on a repéré un escalier qui mène à la station.
Elle descend donc. Elle galère un peu. Elle se taule complètement sur le balcon enneigé du 4eme étage mais au moins elle arrive à bon port. Pour constater un nouveau problème : il n’y a pas du tout d’escalier descendant jusqu’à la station. Zut. Elle se retrouve donc à devoir toquer à la fenêtre du balcon pour pouvoir traverser l’appartement et rejoindre le couloir. Pendant 5 minutes, elle disparaît donc de mon champ de vision. Je commence à baliser. Merde, où est-elle ? Est-ce que les gens l’ont laissé passer ?
Elle finit par m’envoyer un texto : « C’est bon ! À toi ! ». Ni une, ni deux, je mets les draps entre mes jambes et je descends à mon tour en rappel. Pareil, je me casse un peu la gueule à l’atterrissage mais tout va bien. Je toque à la même porte-fenêtre que ma pote. Je suis réceptionnée par deux hommes à moitié à poil (clairement, avant notre irruption dans leur chambre, je pense qu’ils étaient en pleine partie de jambes en l’air). Complètement choqué de me voir, les yeux ébahis, l’un d’eux s’exclame : « Mais vous êtes encore nombreux à descendre comme ça ? ». Je me confonds en excuse à moitié morte de rire. Je traverse le couloir et je retrouve ma pote devant leur porte. On explose de rire. On s’imagine leur conversation après notre passage, nos draps qui pendent toujours par la fenêtre, mes parents qui dorment à poings fermés et qui se réjouissent probablement qu’on ait respecté leur couvre-feu… Bref, vraiment on ne peut plus s’arrêter de rigoler.
« Ce n’est pas au vieux singe qu’on apprend à faire des grimaces »
On se dépêche ensuite de rejoindre nos potes en boîte. On continue à danser, à bien rigoler et à bien picoler quand vers 2h, je suis traversée par un éclair de conscience ; je suis sûre que je vais me faire gauler, il faut impérativement que je rentre. Je dis à ma pote qu’elle peut rester – je connais mes parents, ils ne l’engueuleront jamais, elle – en revanche moi je risque de me faire réduire en charpie.
Je rentre donc seule. Elle me rejoindra plus tard. Je prends toutes les précautions du monde avec la porte. Je réussis finalement à me faufiler jusqu’à ma chambre discrètement. Je remets nos draps – gelés -, j’enfile mon pyjama et je me mets au lit. J’enclenche la sonnerie de mon téléphone portable pour que ma pote puisse m’appeler quand elle rentre. Dans ma tête, je me dis « ouf, je l’ai échappé belle » !
Sauf que c’était sans compter sur son retour, aux alentours de 5h du matin. Comme convenu, elle me « bipe » quand elle arrive au niveau de la réception de l’hôtel. Je me dirige donc vers la porte pour lui ouvrir. Porte qui décide à nouveau de faire un bruit pas possible. C ’est ainsi qu’au moment où elle passe le pas, ma mère débarque en furie : « Qu’est-ce qu’il se passe ici ? ». Aie. Touché, coulé.
Elle se retrouve face à nous : moi en pyjama et à ma pote toute pimpée qui sort clairement de boîte de nuit (en témoigne son odeur d’alcool et de cigarette). Je balbutie qu’elle avait oublié son sac et qu’elle était partie le chercher… Sauf que ce n’est pas au vieux singe qu’on apprend à faire la grimace… Le couperet tombe le lendemain à notre réveil : nous sommes privées de sorties. Enfin… De sorties par la porte !