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L’histoire improbable de Cécile : « Ils me soupçonnent de faire partie d’un trafic de faux passeports en Turquie »

Un voyage, et toute une histoire.

Par
Anne-Laure Mignon
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Tous les vendredis de cet été, Urbania vous propose une série de témoignages qui retrace des moments de vie en voyage (des naissances, des ruptures, des rencontres incroyables, des défis improbables, des histoires insolites…). Le genre de série que l’on a envie de scroller sur son téléphone à la plage. Aujourd’hui, Cécile* 24 ans, raconte…

C’était en avril dernier, pendant le troisième confinement. Après plusieurs semaines, plusieurs mois à tourner en rond en France, mon frère, ma belle-sœur et moi décidons de partir en Turquie, où les règles sanitaires sont moins strictes. Pour y parvenir, et obtenir la permission de nous déplacer, nous simulons tous les trois une recherche de travail. On s’invente un entretien d’embauche dans un restaurant d’Istanbul. Un montage rapide sur Photoshop pour crédibiliser le tout auprès des douanes françaises et le tour est joué ! À nous Istanbul, la Sublime !

Interdiction d’entrer sur le territoire

Il est 17h, lorsqu’on atterrit sur le sol turc. Sortie de l’avion, bagage, douane… Jusqu’ici, tout va bien. Mon frère passe. Sa copine passe. C’est à mon tour. Et là, bien sûr, il y a un problème. Je pense : « Merde, ma fausse attestation de déplacement ! ». Et puis non. Le doute de la douanière, semblerait-il, repose sur mon passeport. Je ne me fais pas trop de soucis, sûrement une simple formalité. Elle pianote sur son ordinateur et passe quelques coups de téléphone. 5-10 minutes passent. « C’est bon ? », je demande. Pas à en croire les deux policiers qui s’approchent de moi et qui me demandent de les suivre. La raison de cette interpellation ? Je n’en ai pas la moindre idée.

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Je marche derrière eux, nous traversons un premier couloir, une première salle, avant d’arriver dans une pièce assez sombre, assez fermée. Ils m’invitent à m’asseoir. Je suis un peu stressée. Ils m’expliquent dans un anglais approximatif et avec un accent turc très prononcé que j’ai du mal à comprendre, que je suis classée liste rouge, soit qu’il m’est interdit d’entrer sur le territoire turc. « Pardon ? ».

Ils me demandent également d’autres papiers d’identité, m’assaillent de questions. On a du mal à se comprendre. Je crois qu’ils sont persuadés que je voyage avec un faux passeport. J’essaye tant bien que mal de leur prouver le contraire. Carte bancaire, carte vitale, carte de transport… Tous mes documents sont à mon nom. Et comportent ma photo. Une heure et quelques d’argumentations plus tard, ils reviennent enfin à la raison et comprennent que je voyage bel et bien avec MON passeport. Ouf. Je vais pouvoir sortir de ce cagibi et rejoindre mon frère et ma belle-sœur, qui sont en train de se faire un sang d’encre dans le hall de l’aéroport.

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Ou pas. Que nenni. Ils m’accusent désormais d’avoir vendu mon d’identité. « Hein ? ». C’est de mal en pis. Ils m’expliquent – toujours avec un accent à couper au couteau – que l’année dernière, une personne aurait tenté d’entrer sur le territoire turc avec ce même passeport, en ayant simplement changé la photo. Une usurpation gravissime qui a été immédiatement repérée par les douaniers et qui a valu à ce faussaire un aller direct en prison, où il résiderait encore actuellement. « Quoi ?» Ils me soupçonnent donc de faire partie d’un trafic de faux passeports. « Pardon ? ». Je tombe complètement des nues. Je ne sais même pas comment me défendre face à de pareilles accusations. Je nie en bloc. Je réfléchis. Je refais l’histoire dans ma tête.

« Un menu de chez Burger King pour le dîner »

Quand tout d’un coup tout s’éclaircit. J’ai peut-être le fin mot de l’histoire. L’année dernière, je me suis fait voler mon sac à main sur les quais à Paris après une soirée. J’ai porté plainte et j’ai refait tous mes papiers. Depuis, je voyage avec mon nouveau passeport. Mais je n’ai aucune idée de ce que sont devenus mes anciens documents d’identité. Peut-être ont-ils effectivement été vendus ? Ou directement utilisés par le voleur lui-même ?

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Je peux lire dans le regard des douaniers qu’ils ne sont pas convaincus par mon explication. « Oh attendez, je dois avoir le récépissé de dépôt de plainte quelque part en photo dans mon téléphone ». Le hic ? Le précieux sésame est rédigé en français. Ils ne veulent donc rien savoir. Je ne rentrerai pas sur le territoire turc, point. Il est 21h. L’interrogatoire est terminé. Demain matin, je prendrai le premier avion pour la France. En attendant, ils me conduisent dans une petite salle sans fenêtre où je vais passer la nuit. Un genre de cabine qui ressemble à celle d’un train couchette et où je suis surveillée par deux agents. Deux policiers sympas, qui me ramènent un menu de chez Burger King pour le dîner et qui me laissent mon portable pour prévenir mon frère et ma belle-sœur. Eux, sont sortis de l’aéroport il y a déjà plus d’une heure et sont arrivés à notre Airbnb.

10h50, le lendemain, les deux policiers m’escortent dans un bus privé jusqu’à l’arrière de l’avion. Là, ils confient mon passeport aux hôtesses de l’air, qui le remettront aux autorités une fois en France. J’atterris. La police m’attend de pied ferme. Elle procède à plusieurs vérifications et conclut finalement que tout est normal. Je souffle enfin. Je rentre chez moi. En ayant tout de même en tête qu’à quelques centaines de milliers de kilomètres d’ici, quelqu’un est en prison pour avoir usurpé mon identité.

* le prénom a été modifié

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