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L’héritage culturel de Linkin Park

On n'oubliera jamais Chester Bennington.

Par
Benoît Lelièvre
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Le 20 juillet 2017, le chanteur de Linkin Park Chester Bennington s’enlevait la vie à son domicile de Palos Verdes Estates, en banlieue de Los Angeles. Une tragédie qu’on s’explique encore mal.

Le groupe phare du mouvement nü metal est techniquement en pause depuis le décès de Bennington, mais le cofondateur Mike Shinoda le répète à qui veut bien l’entendre : il n’y aura pas de tournée, ni de nouvelle musique. Linkin Park a disparu avec Chester. Ce fut une fin douloureuse et injuste pour l’un des groupes rock les plus influents du XXIe siècle. Parce que même si le temps et le passage à l’âge adulte de son audience ne lui a pas fait de faveurs, l’influence musicale et culturelle de Linkin Park est encore bien palpable aujourd’hui. C’est un groupe qui a marqué son époque.

Qu’on aime ou qu’on déteste Linkin Park, c’est un nom qui vient immédiatement en tête lorsqu’on discute du début des années 2000. Sa musique était incontournable. Les coiffures de ses membres aussi. Pourquoi donc est-ce que malgré quelques albums décevants et une fin de carrière précipitée, on pense encore au groupe et on écoute toujours ses chansons (en tout cas, au moins In the End), cinq ans après le décès de Chester? Explorons l’immense héritage culturel de Linkin Park.

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Émotions et maturité

Pour bien comprendre Linkin Park, il faut comprendre le milieu et l’époque desquels il est issu. Le nü metal est né dans la mouvance du métal alternatif du milieu des années 90. Le genre avait comme spécificité sa simplicité, son agressivité et un petit côté commercial avec des refrains accrocheurs qui lui permettaient de passer à la radio à l’époque où le gros rock sale dominait les ondes. C’était un style musical qui visait un auditoire jeune et aliéné par les rapports intergénérationnels. En d’autres mots, des ados isolés et en conflit avec l’autorité.

Des groupes comme Korn, Limp Bizkit, Deftones et P.O.D ont pris d’assaut cette nouvelle scène musicale à l’aide de caractéristiques qui les rendaient tous uniques et mémorables : des éléments hip-hop, des mélodies vocales gracieuses et aériennes, des guitares accordées plus bas, etc. Linkin Park est arrivé au beau milieu de cette révolution musicale mineure avec un inimitable charme débonnaire californien et absolument toutes les qualités musicales de ses prédécesseurs. C’était le total package. Le forfait complet, si vous préférez.

Ce qui rend In The End aussi mémorable, c’est la dignité du protagoniste de la chanson. On y parle de l’échec d’une relation toxique et de l’importance d’y tourner le dos dans une optique de croissance personnelle.

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Si le groupe a conquis un si grand auditoire, c’est pour deux raisons qui sont intimement liées : 1) la capacité de Chester et Mike à écrire des chansons multidimensionnelles, mais accrocheuses et 2) la maturité émotionnelle avec laquelle ils traitaient des mêmes sujets que leurs congénères. Que ce soit la colère, la dépression ou le sentiment de trahison qui habite un peu tou.te.s les adolescent.e.s, Linkin Park abordait des thèmes de responsabilité personnelle et d’évolution spirituelle alors que les Limp Bizkit et Slipknot parlaient de vengeance, de violence et de destruction.

Par exemple, ce qui rend In The End aussi mémorable, c’est la dignité du protagoniste de la chanson. On y parle de l’échec d’une relation toxique et de l’importance d’y tourner le dos dans une optique de croissance personnelle : And even though I tried, it all fell apart/What it meant to me will eventually/Be a memory of a time when I TRIED SO HAAAARD AND GOT SO FAAAR.

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On pense aussi à la célèbre One Step Closer, où Chester implore un antagoniste de la fermer avant qu’il pète un câble : Everything you say to me/Takes me one step closer to the edge/And I’m about to break. One Step Closer nous apprenait à mettre nos limites au lieu de faire n’importe quoi !

Linkin Park, c’était comme les math au collège. Un groupe plus sophistiqué, plus mature, mais qui permettait de mieux comprendre le monde. Même si on ne le kiffait pas spécialement initialement, en vieillissant, on se mettait à mieux comprendre et apprécier sa colère tourmentée.

Le souvenir de Chester

Bien sûr, la mort de Chester Bennington aura indéniablement teinté le souvenir qu’on garde de Linkin Park. Surtout les circonstances. Après avoir expérimenté avec différentes sonorités pendant plusieurs années à travers des albums comme Minutes to Midnight, A Thousand Suns et The Hunting Party afin de s’adapter au vieillissement de son audience et continuer d’évoluer avec lui, le groupe bifurquait violemment de trajectoire en 2017 avec un album de musique pop One More Light.

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Bien qu’il bénéficie aujourd’hui d’un certain révisionnisme historique, One More Light fut extrêmement mal reçu au moment de sa sortie, et c’est plutôt compréhensible. Si David Guetta se mettait au folk ou si Rihanna décidait de faire de la musique expérimentale, pas sûr que l’audience suivrait.

Aujourd’hui, tout le monde cherche des présages dans la musique de Linkin Park. Des signes avant-coureurs de la détresse de Chester.

Chester avait très mal réagi dans les médias et sommé les contestataires de se poignarder eux-mêmes dans le visage. Encore une fois, c’était hautement prévisible : l’échec de One More Light et l’incompréhension du public ont été largement blâmés pour le suicide de Chester.

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Aujourd’hui, tout le monde cherche des présages dans la musique de Linkin Park. Des signes avant-coureurs de la détresse de Chester. C’est un peu un jeu de l’œuf et la poule, parce que la musique métal (et le rock en général) est un exercice de purge reconnu et efficace contre les sentiments toxiques. L’important n’est pas de comprendre les motivations derrière le geste de Chester. C’est arrivé, One More Light a peut-être eu un rôle à y jouer (ou pas) et la seule chose qu’on peut faire, c’est d’honorer tout le bien que sa musique a fait et continue de faire à toute une génération.

Le souvenir de Chester Bennington ne mourra jamais, tout comme la musique de Linkin Park. Pas tant qu’il y aura du monde pour s’en souvenir. Si vous avez à vous souvenir de lui, rappelez-vous la version de Chester qui était synonyme de toute une époque :

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