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Lettre ouverte à la fille qui s’est coincée en récupérant sa crotte chez son date
Chère fille,
L’automne dernier à Bristol en Angleterre, tu as eu un date Tinder avec un mec mignon et il t’a ramenée chez lui pour regarder un film en buvant du vin. Tu es allée aux toilettes pour faire caca, et tu t’es rendue compte que ta crotte ne voulait pas partir quant tu as tiré la chasse. Comme bien des filles, tu as paniqué. Tu ne voulais pas laisser ton étron flotter dans la cuvette du gars, tu ne voulais pas non plus lui demander de t’aider à réparer les toilettes parce qu’il aurait pu apercevoir ta crotte.
Ces deux options ne pouvaient pas être des solutions, parce que ça aurait voulu dire que le mec aurait su ce qu’aucun gars ne devrait savoir : que les filles font caca.
Pour préserver ce mythe, tu es allée loin, très loin. Tu as enveloppé ta crotte dans un sac et tu as voulu la faire disparaître en la jetant par la fenêtre. Sauf que tu ne savais pas que la fenêtre était double et ton projectile fécal a échoué tristement entre les deux panneaux de verre. Ta panique a été décuplée, mais à ce stade-là, t’avais pu vraiment le choix, il fallait que tu expliques au gars pourquoi tu étais enfermée aux toilettes depuis vingt minutes.
Tu as enveloppé ta crotte dans un sac et tu as voulu la faire disparaître
Tu es donc sortie, honteuse et anxieuse et tu lui as expliqué la situation. Il a été gentil et compréhensif. Il a voulu briser une des fenêtres pour libérer le caca, mais toi, encore trop contrite de ton geste, tu t’es glissée tête première entre les deux parois pour tenter d’atteindre le paquet de la honte. Mais tu es restée coincée. Selon les photos dans l’article de la BBC, il aura fallu l’aide d’au moins quatre pompiers pour te dégager.
Chère fille, je tiens à te dire d’abord que je compatis. C’est une histoire horriblement humiliante. Mais je tiens surtout à te dire merci. Le caractère « insolite » de ton histoire a permis au monde de constater jusqu’où les femmes sont prêtes à aller pour cacher leurs fonctions intestinales. Merci d’avoir démontré malgré toi à quel point on considère comme honteux le fait que les femmes défèquent.
Les femmes ne font pas caca
Je sais que personne n’est à l’abri d’histoires de caca humiliantes. Mais je sais aussi qu’il y a une énorme pression exercée sur les femmes (pression qu’elles endossent complètement) pour cacher une fonction naturelle et essentielle de leur corps. Une femme qui fait caca, c’est disgracieux. Une femme doit être belle, douce, tranquille, propre, bien maquillée mais pas trop, habillée sexy mais pas trop, elle doit projeter l’impression qu’elle est une espèce de déesse vaporeuse. Aucune crotte n’a sa place dans cette vision, on s’entend.
Combien de fois a-t-on entendu la blague « les femmes ne font pas caca, voyons. Quand une femme chie, ce sont des paillettes de licornes qui lui sortent du cul ! » ?
Buzzfeed s’est même penché sur la question, sans toutefois y trouver de réponse satisfaisante.
Ce mythe est assez répandu pour que plusieurs aient décidé de tirer profit de cette insécurité majeure.
Ce qui est certain, c’est que ce mythe est assez répandu pour que plusieurs aient décidé de tirer profit de cette insécurité majeure. On a vu apparaître des capsules de paillettes possiblement dangereuses à avaler qui transformeraient les étrons en lingots scintillants. Et il y a en ce moment une montée en popularité de produits spécifiquement conçus pour camoufler toute trace odorante qu’on pourrait faire en déféquant, comme le spray pré-caca Poo-Pourri et sa campagne marketing populaire.
Je sais bien que cette odeur n’est agréable pour personne, et que la neutraliser n’est qu’une forme de courtoisie pour les prochains usagers des toilettes. Mais les efforts marketing de ces compagnies visent essentiellement les femmes, et avec raison.
Une étude canadienne datant de 2013 a révélé que sur mille femmes interrogées, 71 % d’entre elles faisaient d’énormes efforts pour éviter de faire caca, surtout dans les toilettes publiques. De ce nombre, 46 % d’entre elles refusaient fermement de faire caca dans les toilettes publiques et 40 % ont dit attendre que les toilettes se vident avant de faire leurs besoins bruns.
La honte fécale est là, bien présente et bien ancrée dans nos conceptions tordues de ce que devrait être une femme. Moi aussi, chère fille, je suis terrifiée par mes fonctions intestinales. Je vais attendre des mois avant d’oser faire caca chez un nouveau mec. Et quand je décide finalement d’y aller, j’ouvre le robinet à pleine puissance pour camoufler les possibles bruits de ma besogne. J’ai même adopté la tactique du caca avant la douche, ainsi toute odeur désagréable est annihilée par l’odeur du savon et du shampoing. Je suis moi-même une consommatrice fidèle de Poo-Pourri et je traîne toujours un flacon dans ma sacoche. J’ai même une amie qui a déjà pris une Immodium avant un rendez-vous, pour être certaine de ne pas avoir à gérer ce stress. Et quand je regarde tous ces comportements, je trouve ça complètement exagéré.
Chère fille, je ne suis pas en train de dire qu’on devrait tous couler nos bronzes la porte ouverte et montrer fièrement nos étrons dans une campagne à hashtag sur Instagram.
Je rêve d’un monde où aucune femme ne mettra sa santé et sa sécurité en danger pour une crotte récalcitrante.
Je me dis simplement qu’on pourrait réaliser à quel point il est ridicule qu’on tente de nier aux femmes une fonction corporelle essentielle et naturelle.
Je rêve d’un monde où aucune femme ne mettra sa santé et sa sécurité en danger pour une crotte récalcitrante, un monde où un tel accident sera aussi gênant qu’un verre de vin malencontreusement renversé sur la table.
Ce qui me donne espoir, c’est la conclusion de l’article à ton sujet, chère fille, où on apprend que toi et ton date avez continué de vous fréquenter après l’incident. Je vous souhaite donc des pépites de bonheur et une vie entière de toilettes fonctionnelles.