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Salut Fabien.
Je dois commencer par t’avouer la vérité : je ne te connais pas trop, ton visage me rappelle vaguement quelque chose mais je suis incapable de savoir où ni quand je t’ai vu/entendu la dernière fois. De loin et sans mes lunettes, je t’ai d’abord confondu avec Christophe Hondelatte. Pardon Christophe.
Mais depuis hier et après avoir écouté les 40 secondes les plus longues de ma vie, en me pinçant tout du long pour être sûre que je ne rêvais pas, tout s’éclaire.
Tu es bien ce producteur et chroniqueur musical un peu has been (ça arrive, même aux meilleurs), confortablement installé sur son trône d’homme blanc hétéro de plus de 50 ans. Oh tu peux me traiter de radicaliste ou d’islamo-gauchiste si ça te chante, reste que c’est la vérité.
Si tu avais été une lesbienne noire sans papier de 35 ans, jamais tu ne te serais permis d’attaquer et d’insulter, en toute impunité la talentueuse et inégalable Hoshi. Non mais tu t’entends : « Quand vous regardez Hoshi, par exemple, qui a un talent incroyable, indiscutable. Mais enfin, vous mettez un poster de Hoshi dans votre chambre, vous ? Elle est effrayante ! […] Qu’elle donne ses chansons à des filles sublimes comme Vanessa Paradis, Vartan ou Sheila à 20 ans ! »
DANS QUEL MONDE TU VIS ? T’ÉTAIS OÙ QUAND LES VAGUES #METOO ET #BALANCETONPORC DÉFERLAIENT ? Tu captes rien, t’es dans ta bulle de privilégié et tu t’en prends librement à Hoshi comme si on était encore en 1987 à prendre les femmes pour des potiches en leur rabâchant : « Sois belle et tais-toi ». C’est fini tout ça, mon Fabien. Que ça te plaise ou non.
Oh et cerise sur le gâteau, comme l’a bien noté Coeur de Pirate : en studio, personne ne bronche pour te couper la parole une bonne fois pour toute et te remettre gentiment à ta place. Non, personne ne se mouille, personne ne voit le problème, en réalité. C’est la magie de l’entre-soi.
https://twitter.com/beatricepirate/status/1379837239799205892
Et je ne parle même pas de tes excuses, impossible de t’enfoncer plus que ça : « Je relatais simplement une différence d’époque où les maisons de disques et les publics faisaient beaucoup plus attention aux physiques des artistes qu’aujourd’hui. »
Bon, je te refile un proverbe arabe à la con mais qui pourrait te servir à l’avenir : « Si ce que tu as à dire n’est pas plus beau que le silence, alors tais-toi. »
C’est toi que je trouve effrayant et même dangereux, en vérité. Depuis hier, je me questionne sur ta petite vie. De quoi est-elle faite ? Qu’est-ce qui ne tourne pas rond dans ton petit monde ? J’ai l’impression qu’au fond, ce n’est pas Hoshi qui t’agace mais cette peur que tu as de la « différence ». Cette peur de n’être pas assez beau, pas assez mince, pas assez populaire, pas assez riche, pas assez connu, pas assez bon, pas assez désirable, pas assez normal pour mériter d’être aimé.
Tu détestes tellement cette peur que ce que tu as de plus précieux, c’est le rêve dans l’écran et dans les images. C’est ce qui te permet de l’endurer et de l’oublier un peu. Cet univers de beauté, de richesse et de célébrité où rien ne dépasse qui n’existe qu’à la TV ou sur Instagram. Le spectacle : cette illusion de vie parfaitement lisse, préfabriquée, bronzée (comme toi), équilibrée.
Hoshi n’entre pas dans ce modèle qui est censé récompenser uniquement celleux qui se conforment parfaitement aux normes, et c’est ça qui te fait flipper. Elle s’est retrouvée sans avertissement partout autour de toi, sur tes écrans, avec son identité “complexe”, et t’as eu l’impression qu’elle était au-dessus des règles du jeu. Visiblement, pour toi, elle n’est pas assez formatée pour mériter sa place.
Son style et son allure te ramènent à tout ce que tu ne veux pas voir mais qui fait que le monde est monde, et qu’il tourne très bien comme ça. Et pourtant malgré tout, Hoshi se tient là, au beau milieu de vos belles et irréprochables vedettes lustrées. Sans gène, fièrement. Et tu vas continuer à te sentir longtemps attaqué par son existence. Tant pis. Ou tant mieux.
Fabien, je te le dis, si un jour on se croise (dans un ascenseur en panne de préférence), je ne te ferai pas bander du tout. Au mieux, je te mettrai peut-être un peu mal à l’aise. Mon crâne (à moitié) rasé, ma voix enfantine, mon allure androgyne, mon côté un peu trop “direct” et surtout mon lesbianisme (hihi) te perturberaient horriblement. C’est normal, tu n’y es pas habitué.
Hoshi, quant à elle, est habituée aux attaques sur son physique et son identité. Ce n’est pas la première fois qu’elle est victime de misogynie et de lesbophobie. Engagée pour les droits des personnes LGBTQI+ et ouvertement lesbienne, elle est une cible parfaite. Mais elle n’a pas dit son dernier mot et surtout, elle peut compter sur des allié.es en or.
Tu sais qui sont ses allié.es, Fabien ? Celleux que Virginie Despentes citaient déjà dans King Kong théorie, en 2006. Si tu ne l’as pas déjà lu, je te le recommande. Voici l’intro : « J’écris de chez les moches, pour les moches, les vieilles, les camionneuses, les frigides, les mal baisées, les imbaisables, les hystériques, les tarées, toutes les exclues du grand marché à la bonne meuf. »
Gare aux moches, Fabien.
PS : la musique adoucit les moeurs, alors je te laisse sur une bonne note :