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L’éternel retour de « The White Lotus »
J’ai une connaissance qui visite le même hôtel all inclusive chaque année, peu importe la fluctuation des prix. Elle connaît les membres du personnel par leur petit nom, et leur apporte même des cadeaux.
Un comportement étrange et légèrement contre-intuitif si l’on considère la raison pour laquelle la plupart d’entre nous fréquentent ce genre d’établissement : pour s’éloigner de nos responsabilités et faire le moins d’efforts possible pendant quelques jours.
Pourquoi je vous raconte cette histoire ? Parce qu’elle m’est revenue en tête, hier, en regardant le premier épisode de la troisième saison de la série d’anthologie The White Lotus qui s’annonce à la fois très différente et pareille comme les deux premières. Oui, l’adage veut qu’on ne change pas une formule gagnante, mais le monde, lui, a quand même changé depuis les aventures de Tanya McQuoid en Sicile.
Série confort sophistiquée ou porno anti-riche (ou les deux) ?
Tel qu’annoncé, The White Lotus se déplace vers la Thaïlande, un pays connu pour son industrie du tourisme qui laisse libre cours à tous les excès occidentaux. On y rencontre une famille de Caroline du Nord avec un patriarche aux pratiques professionnelles véreuses, une actrice de télévision (jouée par l’excellente Michelle Monaghan) en voyage de filles avec ses deux meilleures amies et un mystérieux couple à la différence d’âge vertigineuse.
On y retrouve aussi la pauvre Belinda (Natasha Rothwell), en pleine crise d’épuisement professionnel suite aux événements de la première saison.
Les personnages sont nouveaux, le lieu l’est aussi, mais la structure de ce premier épisode est pratiquement la même que celle des premiers épisodes des saisons précédentes. Les invités arrivent en bateau, une tension inexplicable plane entre eux et le personnel du White Lotus, on a droit à quelques interactions vaguement déplacées au bord de la piscine, puis les masques commencent finalement à tomber dès l’heure de l’apéro.
La seule différence majeure étant la portée immensément plus sinistre du crime à résoudre : lors de la première scène (une autre habitude qui revient), on découvre qu’à la fin du séjour, l’adresse thaïlandaise du White Lotus sera le lieu d’une tuerie.
C’est impossible de prédire quelle direction prendra la série pendant les huit prochaines semaines, mais cette première était somme toute timide.
À la manière des comfort shows comme The Office ou, dans un registre plus voisin, Bosch, The White Lotus cherche à combler les attentes au lieu de les subvertir et il n’y a franchement pas de mal à ça.
Force est d’admettre qu’il y a actuellement une demande très élevée pour du contenu où l’on voit des gens privilégiés se mettre dans le trouble et souffrir. Des films tels que Triangle of Sadness et The Menu ont cartonné, tout comme d’autres productions suivant la même formule.
Sachant d’entrée de jeu qu’un destin glauque attend ce nouvel ensemble de personnages, demandez-vous si vous avez envie de les voir dégringoler jusqu’à l’inévitable et vous saurez si cette nouvelle mouture de The White Lotus est pour vous. Personnellement, la portée du drame qui affligera l’établissement me fait éprouver une petite gêne lorsque vient le temps de m’attacher aux snobinards malheureux de cette saison. C’est beau, en vouloir aux riches, mais je commence à me sentir mal de vouloir des larmes et du sang.
Vous me direz que plusieurs autres films et séries en regorgent et vous aurez raison, mais ces dernières vendent aussi un peu d’espoir pour la race humaine et il me semble qu’on en a besoin par les temps qui courent.
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La vie après Tanya
Une des questions qui plane sur cette nouvelle saison de The White Lotus est de savoir si la série saura voler de ses propres ailes sans sa superstar Jennifer Coolidge (dont le personnage, Tanya McQuoid, est décédé sur les rives siciliennes) ? Si l’auditoire est au rendez-vous, j’ai l’impression que oui et que la « nouvelle Tanya » sera Saxon Ratliff, le fils aîné de la famille de richards de la Caroline du Nord, interprété par l’héritier du trône lui-même, Patrick Schwarzenegger.
À la fois hédoniste et nihiliste, personne n’existe au-delà des plaisirs de Saxon. Il en fait la démonstration à de multiples reprises dans ce premier épisode qui culmine avec une scène de masturbation grotesque, même pour les standards de la série. Si le regard constamment béat du fils de Terminator rappelle celui d’un enfant à Noël, ses désirs des plus lugubres contredisent ses traits angéliques. S’il y a bien un personnage qui sera agréable à regarder souffrir, ce sera Saxon.
Le trio formé par Jaclyn (Monaghan), Kate (Leslie Bibb) et Laurie (Carrie Coon) est le plus mystérieux de cette nouvelle distribution. Les trois femmes ont l’air on ne peut plus normales, même si Laurie s’effondre en larmes à la fin de l’épisode. Quels secrets déviants cachent-elles ? Sont-elles au White Lotus pour racheter leur âme ou pour expier leurs péchés ? Puisque Michelle Monaghan ne prend jamais de rôles nuls, il y a clairement ici anguille sous roche.
Pour répondre à la question posée plus tôt, The White Lotus devrait survivre à la perte de la sensationnelle Tanya McQuoid, ne serait-ce que le temps d’une nouvelle saison.
Mais celle-ci saura-t-elle garder l’intérêt de son audience pour les sept prochains épisodes ? Une comfort serie a besoin de personnages récurrents auxquels on s’attache (pour les bonnes ou les mauvaises raisons) pour traverser les époques et le créateur Mike White a courageusement exécuté le sien à la fin de la saison 2.
Voilà une bonne raison de continuer à regarder The White Lotus.
Si la série semble déterminée à sortir de sa zone de confort pour renouer avec sa propre dynamique d’autodestruction, je serai au rendez-vous pour voir Saxon Ratliff passer un mauvais quart d’heure. Ne serait-ce que pour un dernier tour de piste.